ENTRETIEN – Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont confirmé qu’on pourrait compter sur eux pour tenter de décrocher l’or olympique, en Corée du Sud, dans trois mois. Les danseurs sur glace français ont largement dominé les Internationaux de France de patinage à la patinoire Polesud en battant au passage leur record du monde. Samedi 18 novembre, deux heures après leur performance, les Clermontois, dont l’alchimie semble parfaite sur la glace, saluaient l’apport du public grenoblois.
Place Gre’net – Que représente cette victoire aux Internationaux de France de patinage devant le public français pour vous qui vous entraînez au Canada ?
Gabriella Papadakis – Cela fait plaisir de rentrer [en France, ndlr] parce que nous n’avons pas l’occasion de le faire très souvent. Être dans une compétition, un événement où nous avons tout le public derrière nous, cela fait vraiment la différence et c’est très agréable.
Guillaume Cizeron – C’était vraiment une super bonne expérience. Le public nous a vraiment soutenus du début à la fin. L’organisation était très bonne, la glace aussi. Nous aurons de très bons souvenirs de cette compétition.
Le record du monde ? « Ce qui a fait la différence, c’est la confiance après notre très bon score en Chine et la motivation de faire la compétition en France »
Ces ondes positives vous ont-elles aidés à vous transcender pour améliorer votre record du monde ?
G.P. – Nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion de travailler entre la Chine [le 4 novembre où ils avaient établi leur précédent record, ndlr] et Grenoble : seulement une semaine. Je pense que ce qui a fait la différence et nous a permis d’obtenir plus de points [201,88], c’est la confiance que nous avons eue en réalisant un très bon score en Chine, mais aussi la motivation de faire la compétition en France.
Pourquoi avez-vous fait le choix de partir au Canada en 2014 ? Aviez-vous envie de voir autre chose ? Ou les conditions n’étaient-elles pas toutes réunies en France pour vous amener au plus haut niveau ?
G.C. – C’est vrai qu’il y a de meilleures conditions au Canada parce que le sport est plus populaire, il y a plus d’argent, etc. Mais c’est notre coach Romain Haguenauer, avec qui nous nous entraînions depuis deux ans à Lyon, qui a décidé de partir là-bas pour entraîner avec Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon. Nous avons décidé de le suivre. Le projet nous a plu.
Nous avions fait cette année-là notre chorégraphie avec Marie-France et Patrice. Cela a vraiment collé dès le début. Une sorte d’alchimie s’est créée. Du coup, nous n’avons pas trop hésité. Cela s’est fait assez simplement, rapidement et pour le mieux. Cela nous a fait grandir de partir, apporté pas mal de choses, protégé de certaines, permis de nous concentrer sur notre carrière.
« Nous essayons d’améliorer d’améliorer la popularité de la danse sur glace
et de la rendre agréable à regarder pour des jeunes »
Passer d’un programme court sur la musique pop d’Ed Sheeran “Shape of you” à la Sonate au clair de lune de Beethoven sur le libre, est-ce un grand écart voulu ?
G.C. – Nous essayons de répondre aux attentes de la “short dance” [danse courte, ndlr]. C’est ce choix-là qui est venu. C’est vrai que c’est un gros contraste avec la danse libre mais cela ne nous dérange pas. Au contraire, nous aimons ce contraste-là. Nous avons beaucoup de plaisir à danser sur la danse courte. La danse libre concerne plus la poésie, le lyrisme. Cela se complète.
[…] Sur la danse courte, nous sommes pas mal dans les codes, c’est une musique très populaire et moderne aujourd’hui mais tous les juges apprécient ce choix. Je pense que c’est aussi la direction de la danse sur glace. Nous essayons d’améliorer la popularité du sport et de la rendre agréable à regarder pour des jeunes, du public qui serait un peu néophyte.
À trois mois des JO de Pyeongchang, tous les voyants semblent au vert pour vous. Qu’est-ce qui pourrait vous empêcher d’aller chercher cette médaille d’or olympique ?
G.P. – Nous allons essayer de ne pas y penser (rires). Nous nous concentrons surtout sur ce qui nous fera aller chercher cet or olympique. Ça, c’est le travail, l’amélioration constante.
Vous avez un programme de compétitions totalement différent de vos principaux concurrents les Canadiens Virtue-Moir. Est-ce une simple coïncidence ou une volonté de votre part, ou de la leur, de vous éviter ?
G.P. – Cela s’est trouvé comme ça que nous n’avions pas de compétitions les uns contre les autres avant la finale [du Grand Prix ISU, au Japon, du 7 au 10 décembre, ndlr]. C’est bien, cela nous a permis de “performer” sans ce stress-là, de prendre de la confiance en nous.
Au niveau des programmes, nous faisons chacun ce que nous voulons et sommes bons. C’est différent mais c’est comme ça.
Que représenterait un titre olympique pour vous, le seul qui manque à votre palmarès, à l’occasion de vos premiers JO ?
G.C. – Ce serait une grande fierté pour nous. Cela représente beaucoup de travail. C’est aussi tout le chemin pour y arriver qui est intéressant. Nous ne faisons pas ça juste pour les JO mais parce que nous aimons nous entraîner et ce que nous faisons.
C’est sûr qu’il y a beaucoup plus d’attention que sur une année “normale” [sans les Jeux, ndlr]. Cela intéresse plus de monde. Il y a une attention médiatique beaucoup plus importante. Cela crée un peu plus de pression. Mais nous essayons de gérer du mieux possible et d’avancer petit à petit.
« Sur la glace, nous venons comme un tout. Notre expérience ensemble
crée une connexion assez particulière et c’est ça que nous transmettons aussi. »
Une vraie alchimie entre vous se dégage sur la glace. Êtes-vous très différents en dehors ?
G.P. – Nous avons grandi ensemble, c’est sûr que cela aide. Nous nous connaissons par cœur. Nous sommes différents mais aussi complémentaires. Je pense que cela nous apporte beaucoup sur la glace.
G.C. – Nous avons des intérêts et un passé différents. Mais sur la glace, nous venons comme un tout. Notre expérience ensemble crée une connexion assez particulière et c’est ça que nous transmettons aussi. Nous sommes chanceux de nous être trouvés et de pouvoir vivre toutes ces expériences ensemble.
G.P. – C’est une relation qui est vraiment particulière, une relation de patineurs. Nous sommes tout le temps ensemble, nous travaillons ensemble. Nous vivons beaucoup de stress ensemble, de bonheur aussi. C’est ce challenge qui fait partie du charme du sport en tout cas.
Propos recueillis par Laurent Genin