FOCUS – Le festival de hip-hop Demain c’est bien ! s’est achevé samedi 11 novembre. Pour cette deuxième édition, les rappeuses occupaient une place toute particulière. Dans ce milieu souvent considéré comme misogyne, les associations Mix’Arts et Base Art, porteuses du festival, se sont en effet donné pour mission de mettre davantage les femmes sur le devant de la scène.
Originaire de Suisse, KT Gorique
n’a pas froid aux yeux. Ne vous fiez pas à son apparence douce et féminine. La jeune femme, une fois sur scène, produit du vrai rap “vénère”. Ce qu’elle a prouvé vendredi 10 novembre en ouvrant la soirée du festival Demain c’est bien !, à L’Heure bleue.
Son “flow” [débit, ndlr] est féroce, ses textes tout aussi incisifs que ceux des hommes. Influencée par les styles hip-hop et reggae, KT Gorique a posé ses premiers “flows » – écrits sous forme de poésie – à l’âge de treize ans.
Également freestyleuse et championne du monde du concours End of the Weak (Ligue internationale d’improvisation et de freestyle rap), elle joue avec les mots avec une aisance déconcertante.
« Les femmes sont seulement moins visibles dans le rap »
Désormais, celle qu’on surnomme Couteau-Suisse dans le milieu rap enchaîne les dates et les tournées en France et en pays helvète. Son opinion sur la place des femmes dans le hip-hop ? « Le rap n’est pas forcément un milieu plus difficile ou plus misogyne qu’un autre », estime la jeune artiste. « Comme dans beaucoup de milieux de la société, les femmes sont seulement moins visibles » précise-t-elle.
Sa musique est aussi le reflet de ses expériences et de son vécu. « Mes textes abordent ce qui me touche personnellement. Je peux autant parler de mon histoire en tant que personne de couleur qu’en tant que femme. Mais sans avoir la prétention de défendre quoi que ce soit. J’essaie par-dessus tout de rester vraie », assure-t-elle. Une sincérité que l’on peut ressentir à travers ses textes engagés et réfléchis.
« Devant un micro, on est tous légitimes »
Et les hommes, qu’en pensent-ils ? « on ne devrait même pas se poser de questions sur la place des femmes dans la musique », estime le Klub des Loosers.
Pour le groupe – qui a partagé sur la scène de L’Heure bleue des morceaux poignants extraits de son troisième album Le chat et autres histoires – « rien qu’à la poser, ça prouve bien qu’il y a un problème ».
Kacem Wapalek, rappeur aux vers enragés et à la prose affûtée, estime pour sa part qu’il « est important qu’il y ait davantage de rappeuses visibles » sur scène. « Pendant longtemps, le rap féminin était présent mais très underground », explique-t-il. « Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le travail artistique. Je ne me dis pas “Ah tiens ! Elle rappe bien pour une fille”. Je ne veux pas tomber dans ce genre de clivage. Devant un micro, on est tous légitimes. »
Anaïs Mariotti