Les associations touchées par la baisse de financement des contrats aidés manifesteront à Grenoble ce vendredi 10 novembre. S’il est difficile d’appréhender précisément les conséquences de ces coupes dans les effectifs, le nombre de structures concernées est important. Et la mobilisation s’organise bel et bien, au-delà des disparités.
« Nous ne sommes pas jetables ! », clame le collectif Repostes. Formé pour protester contre la politique de baisse de financement des contrats aidés, Repostes (parfois orthographié Ripostes) appelle à une manifestation le vendredi 10 novembre. Rendez-vous est donné place Félix-Poulat à 13 heures pour des prises de parole, avant le départ une heure plus tard. Consigne : « Venez habillés en noir ou déguisés en fantômes. »
« R.I.P. Emploi aidé ». Le collectif invite à venir manifester déguisé en fantôme. © Collectif Repostes
En Isère comme partout en France, l’inquiétude et la colère dominent. Particulièrement impliqué dans la lutte, la branche Asso du syndicat Solidaires évoque un véritable « plan social » d’une ampleur sans précédent : 149 000 contrats aidés supprimés en 2017 et 110 000 autres en 2018. Soit près de 250 000 emplois aidés détruits au total, souvent au détriment de la vie associative.
Restos du Cœur et Apardap : deux cas emblématiques
A Grenoble, ce sont les Restos du cœur qui ont été les premiers à tirer la sonnette d’alarme, début septembre : faute de pouvoir renouveler un contrat, la distribution de repas chauds devenait impossible. Mais l’information ayant pris une tournure médiatique nationale, le gouvernement avait finalement débloqué en urgence le fameux contrat…
Plus récemment, c’est l’Apardap (Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection) qui a dénoncé le refus de la préfecture de renouveler le contrat aidé de sa salariée. Une passe d’armes qui s’est soldée par un succès, puisque le contrat a finalement été renouvelé, au motif de la situation de handicap de la salariée en question.
Même s’il en a toujours dénoncé la précarité, le syndicat Solidaires s’engage contre la politique du gouvernent sur les contrats aidés. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Deux affaires exemplaires, qui en “cachent” beaucoup d’autres. Quel impact cette mesure a‑t-elle sur Grenoble ? Difficile à dire. En septembre, le maire de la Ville Éric Piolle a annoncé la disparition de 160 contrats aidés d’ici fin 2017. Son estimation était-elle juste, exagérée… ou optimiste ? Pour y voir plus clair, le syndicat Solidaires a créé une carte, baptisée Cartocrise, où les associations sont invitées à signaler la perte d’un ou plusieurs employés, du fait du non-renouvellement de contrats aidés. Ainsi que les conséquences sur leurs actions ou leur développement.
Une quarantaine d’associations signalées
Résultats : environ une quarantaine de structures y sont répertoriées sur la seule région de Grenoble. Mais la carte n’a rien d’exhaustif, dans la mesure où elle ne recense que les associations ayant fait la démarche de s’enregistrer. La liste est longue, malgré tout, depuis la Compagnie des Barbarins Fourchus, contrainte de supprimer un poste de régisseur technique, à l’Oiseau Bleu, active dans l’accompagnement social, renonçant à quatre postes dont deux aides maternelles…
Pour quelles conséquences ? Là encore, difficile de généraliser, les situations et les besoins n’étant jamais les mêmes d’une association à une autre. Après un contrat aidé d’un an, un salarié de l’association Skatepark a découvert à la rentrée que son emploi ne pourrait pas être renouvelé. S’il est aujourd’hui en passe de trouver un emploi, son départ va freiner le développement de l’association, qui travaille notamment auprès des enfants dans les centres scolaires ou les MJC.
Le Café associatif La Pirogue ne pourra plus compter sur les contrats aidés à partir de février 2018 © La Pirogue – page Facebook
Du côté du café associatif et solidaire La Pirogue, la suppression de quatre postes en contrat aidé d’ici le mois de février 2018 inquiète la structure. Lieu de vie social et culturel implanté dans le quartier de l’Abbaye, la Pirogue accueille ateliers d’écriture, chorale, projections et autres. « On va pouvoir continuer quelques mois après février, mais on ne sait vraiment pas combien de temps », déplore Manon Favre, membre de la structure… en contrat aidé.
« Des gens qui veulent nous détruire »
« C’est très important qu’on n’ait pas d’illusions sur ce que l’on a en face de nous : des gens qui veulent nous détruire, analysait un participant à la réunion publique organisée le 26 octobre en prévision du mouvement du 10 novembre. On est une menace pour leur vision du monde et ils ne céderont rien. Macron est dans la continuité d’avant : on veut nous asphyxier par les moyens ! » Un sentiment général ?
La réunion publique consacrée à la mobilisation pour la défense des contrats aidés a fait salle comble © Florent Mathieu – Place Gre’net
C’est au cours de cette réunion que les modalités d’action de la journée de mobilisation ont été décidées. La Maison des associations avait fait salle comble, accueillant des publics aussi différents que Nuit Debout, RSA 38, la Ligue de l’enseignement, la Structure d’insertion par l’activité économique Adams-ADFE ou encore Cap Berriat. Pour n’en citer que quelques-uns.
Une disparité qui peut mener à des préoccupations bien différentes, entre désir de refonte de la société et préoccupations au quotidien des plus précaires. Les approches ne sont ainsi pas toujours les mêmes. Le secrétaire général de la Ligue de l’enseignement tempère, par exemple : « Je pense qu’il ne faut pas faire un combat politique, au sens politicien du terme ». Et celui-ci d’appeler à prendre contact avec les parlementaires pour leur expliquer « ce qui se passe réellement sur le terrain ».
Dépasser le cadre syndical pour une action collective
Après la tenue d’ateliers et de cercles de réflexion, les participants sont tombés d’accord sur un mode d’action et des revendications communes. Réalistes ? Un moratoire et un « dégel immédiat » des contrats aidés sont demandés ainsi qu’un « plan d’urgence concernant le financement des emplois du secteur associatif ». Jean-Pierre Barbier, président du Département, faisait à l’inverse récemment l’apologie de la ré-internalisation des actions de sa collectivité.
Et si Solidaires porte largement le mouvement, le collectif Repostes insiste : « Il faut que nos revendications dépassent le combat syndical qui porte principalement sur le maintien des emplois ». Le collectif demande ainsi « des financements durables pour des emplois et des missions durables » pour le monde associatif.
Les manifestants seront-ils entendus ? Quoi qu’il soit, après le choc des annonces du mois de septembre, la fronde ne fait probablement que commencer.