Migrants de Valmy : quand la soupe popu­laire tourne à la soupe à la grimace

Migrants de Valmy : quand la soupe popu­laire tourne à la soupe à la grimace

REPORTAGE VIDÉO – La Coordination isé­roise de soli­da­rité avec les étran­gers migrants (Cisem) a orga­nisé, ce ven­dredi 22 sep­tembre, une soupe popu­laire en sou­tien aux migrants deman­deurs d’a­sile qu’elle estime quo­ti­dien­ne­ment har­ce­lés par la police. Le col­lec­tif reven­dique un acte de soli­da­rité, tout autant que l’in­ter­pel­la­tion des ins­ti­tu­tions dont elle dénonce le « cynisme » et la « répression ».

La soupe populaire organisée en faveur des migrants avait bien commencé. © Joël Kermabon - Place Gre'net

La soupe popu­laire orga­ni­sée en faveur des migrants avait bien com­mencé. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Ce ven­dredi 22 sep­tembre, la Coordination isé­roise de soli­da­rité avec les étran­gers migrants (Cisem) avait donné ren­dez-vous à ses sym­pa­thi­sants devant l’ar­rêt Hôtel de Ville de la ligne C.

L’objectif ? Organiser une soupe popu­laire pour mani­fes­ter avec les asso­cia­tions et col­lec­tifs* contre le « har­cè­le­ment poli­cier quo­ti­dien des migrants », et appor­ter tout le sou­tien de la coor­di­na­tion aux deman­deurs d’a­sile en quête d’hé­ber­ge­ment et à leurs familles. Tout autant que rap­pe­ler aux ins­ti­tu­tions – État, Département, Métropole et com­munes – leur devoir d’ac­cueillir et de loger toute per­sonne à la rue.

Une soupe à la grimace

Très vite, ce qui devait être une inno­cente soupe popu­laire et bon enfant s’est trans­for­mée en une soupe à la gri­mace. Partie du point de ren­dez-vous, la petite troupe com­po­sée d’une qua­ran­taine de per­sonnes, dont des migrants, a décidé de ral­lier les jar­dins par­ta­gés des Berges qui jouxtent le siège de Grenoble-Alpes Métropole et la place Jean-Moulin. Un dépla­ce­ment jus­ti­fié par la pré­sence sur place de tables de pique-nique, idéales pour la petite fête envi­sa­gée. Las, au grand dam de tous les par­ti­ci­pants, rien ne s’est passé comme espéré. La suite en images…


Reportage Joël Kermabon

« On pour­chasse le migrant »

« Quotidiennement les poli­ciers enlèvent aux gens en état de sur­vie le peu de choses qu’ils pos­sèdent. Ils les empêchent de poser leur tentes, on leur pique leurs cou­ver­tures, leurs duvets, leurs réchauds », s’in­digne Roseline Vachetta, la pré­si­dente du Centre d’in­for­ma­tion inter-peuples (CIIP). « Bien sûr, ils font ça sur ordre. Si cer­tains poli­ciers ont des pra­tiques bru­tales, d’autres le font plus gen­ti­ment. Mais qu’est-ce qu’ils conseillent aux gens ? C’est de se mettre sous des ponts ! Ils veulent qu’ils soient invi­sibles, les faire dis­pa­raître ! », pour­suit la mili­tante qui cache mal sa colère.

Roseline Vachetta, présidente du Centre d'information inter-peuples (CIIP). © Joël Kermabon - Place Gre'net

Roseline Vachetta, pré­si­dente du Centre d’in­for­ma­tion inter-peuples (CIIP). © Joël Kermabon – Place Gre’net

Roseline Vachetta dénonce une déci­sion poli­tique. « Ces per­sonnes devraient être en centre d’ac­cueil pour les deman­deurs d’a­sile (Cada), héber­gées par l’État, elles ne le sont pas ! » La pré­si­dente n’en démord pas, « quand leurs droits reculent, tous les nôtres reculent. Et qui fait aujourd’­hui l’ac­cueil des migrants ? La police ! », déplore-t-elle.

« On pour­chasse le migrant ! On en est là, et nous ne pou­vons pas accep­ter ça ! » C’était bien là toutes les rai­sons qui avaient poussé le col­lec­tif, le 7 août der­nier, à adres­ser une lettre à Emmanuel Macron, le pré­sident de la République où il dénon­çait ces « vio­lences arbi­traires ».

Des risques pour la santé et pour la salu­brité publique

L’occasion aussi pour Roseline Vachetta de sou­li­gner que pré­ci­sé­ment, le matin même – « est-ce un hasard », ques­tionne-t-elle –, « des per­sonnes pour les­quelles on n’a­vait pas trouvé d’hé­ber­ge­ment ont tout d’un coup été héber­gées ! » De fait, un peu plus tôt dans la mati­née, la pré­fec­ture de l’Isère annon­çait par voie de com­mu­ni­qué avoir fait pro­cé­der « en liai­son avec la mai­rie de Grenoble, à la mise à l’abri en urgence de la popu­la­tion du cam­pe­ment sau­vage ins­tallé sur les bords de l’Isère, à Grenoble, ave­nue de Valmy, en rai­son de condi­tions sani­taires par­ti­cu­liè­re­ment pré­oc­cu­pante ».

Le collectif de militants poussé vers la sortie des jardins des Berges par les CRS. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Le col­lec­tif de mili­tants poussé vers la sor­tie des jar­dins des Berges par les CRS. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Pour jus­ti­fier l’in­ter­ven­tion, la pré­fec­ture invoque des condi­tions d’hy­giène pré­sen­tant « des risques pour la santé humaine et pour la salu­brité publique dans un sec­teur situé en centre-ville : absence d’eau potable, amon­cel­le­ments d’immondices et d’ordures ména­gères jon­chant le sol et infes­tées d’animaux, gazi­nières arti­sa­nales joux­tant des maté­riaux inflam­mables ». Tout autant qu’elle affirme s’être alar­mée de « la pré­sence de plu­sieurs enfants en bas âge, dont deux nour­ris­sons, dont l’état de santé a néces­sité une éva­cua­tion médi­cale ».

Les ser­vices de l’État ne man­quant pas, de sur­croît, de rap­pe­ler que ce cam­pe­ment avait fait l’ob­jet d’une « mise à l’a­bri de la popu­la­tion en mai der­nier et avait été le théâtre de graves troubles à l’ordre public ». Au total, réca­pi­tule la pré­fec­ture, « ce sont 46 per­sonnes, dont 28 adultes et 18 enfants, la plu­part en bas âge, qui ont été héber­gées pro­vi­soi­re­ment par les ser­vices de l’État dans l’attente d’un héber­ge­ment répon­dant aux pro­cé­dures de droit com­mun dont elles relèvent ».

Certaines familles ont pris peur

Reste que quatre familles sont res­tées sur le car­reau, d’a­près Yvon Sellier, du col­lec­tif La Patate chaude. La rai­son ? Elles n’é­taient pas sur place lors de l’o­pé­ra­tion de police, ayant vrai­sem­bla­ble­ment pris peur. Pour autant, pas ques­tion de res­ter les bras croi­sés pour le mili­tant, qui poursuit.

A gauche et de face, Yvon Sellier, du collectif La patate chaude. © Joël Kermabon - Place Gre'net

A gauche et de face, Yvon Sellier, du col­lec­tif La patate chaude. © Joël Kermabon – Place Gre’net

« La police muni­ci­pale nous a aver­tis qu’elle ne les lais­se­rait pas cam­per. Nous avons pu joindre la pre­mière adjointe, Élisa Martin, qui a fina­le­ment accepté de leur faire réser­ver des chambres d’hô­tel pour quatre nuits, donc jus­qu’à mardi pro­chain », nous confie-t-il. Le col­lec­tif a aussi contacté Yves Dareau, le secré­taire géné­ral de la pré­fec­ture de l’Isère.

Lequel a pro­mis de réexa­mi­ner le cas des familles non encore prises en compte, comme celui des autres. « Nous avons enfin pro­testé auprès de lui contre le har­cè­le­ment conti­nuel dont les familles migrantes sont vic­times depuis plu­sieurs mois de la part de la police natio­nale », pré­cise encore Yvon Sellier. Qui assure que le col­lec­tif res­tera, bien sûr, vigi­lant et mobi­lisé. Ce que nous confirme Roseline Vachetta, tout par­ti­cu­liè­re­ment pré­oc­cu­pée par le sort des enfants en bas âge.

Joël Kermabon

  • * Cisem : Apardap, CIIP, Collectif Hébergement-loge­ment, CSRA, Ensemble !, Europe- Écologie Verts Isère, Go citoyen­neté, La Patate chaude, Ligue des droits de l’Homme, Ligue inter­na­tio­nale des femmes pour la paix et la liberté, NPA, PAS 38, PCF, PCOF, Ras L’front, RESF 38, RUSF 38, Solidaires, Syndicat multi-pro­fes­sion­nel des tra­vailleurs sans papiers CGT, UD CGT. Et : Assemblée des Mal-Logé-e‑s, Attac 38, CADTM (Comité pour l’Annulation des dettes illé­gi­times), Osez le féminisme.

Joël Kermabon

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