FOCUS – L’historien Benjamin Stora sera présent à Grenoble le mardi 19 septembre à l’occasion d’une conférence sur l’Histoire de l’immigration. Tour d’horizon, avec ce spécialiste de l’Algérie et de la colonisation, des thématiques et des enjeux qu’il compte aborder auprès de son auditoire.
« Questions autour de l’Histoire de l’immigration » Tel est l’intitulé de la conférence que tiendra l’historien et professeur des universités Benjamin Stora au Centre œcuménique Saint-Marc de Grenoble, mardi 19 septembre à 19 heures. Une conférence au tarif libre et sans réservation, organisée par l’Association tisser les liens d’amitiés solidaires (Atllas).
En septembre 2016, le spécialiste de l’Histoire de l’Algérie, de la colonisation et de l’immigration en France, président du Conseil d’orientation du Musée de l’histoire de l’immigration, avait déjà donné une conférence sur la Guerre d’Algérie. À cette occasion, le maire de Grenoble Éric Piolle lui avait remis la Grande médaille d’or de la Ville.
Le débat sur l’immigration, « un vieux débat » dans la société française
À l’occasion de cette nouvelle conférence, Benjamin Stora détaille ses angles d’approche. Avec, en premier lieu, la place du débat sur l’immigration dans la société française. « Un vieux débat, souligne l’historien, qui date presque de la fin XIXe – début XXe siècles, avec l’immigration italienne, les immigrations espagnoles ou polonaises, ou des Juifs d’Europe centrale dans l’entre-deux guerre. »
Benjamin Stora identifie aussi une nouvelle donne avec la crise des migrants. « Depuis deux ou trois ans, plus d’un million de personnes sont entrées en Europe. Il y a un nouveau débat important entre ceux qui se réfèrent à une tradition et une histoire des peurs, de l’hostilité, de la fermeture des frontières, et ceux qui se situent au contraire dans une tradition et une histoire d’hospitalité et d’accueil ». Ainsi se pose la question de la « fabrication des récits nationaux ».
Immigrations anciennes et nouvelles
Juifs, musulmans, la grande séparation. Dernier ouvrage en date de Benjamin Stora, aux éditions L’Esprit du temps.
Deuxième angle : les différences entre les immigrations anciennes et celles d’aujourd’hui. Si l’immigration économique existe toujours, elle n’est en effet plus la seule. « C’est un objet nouveau de la mondialisation au sens large. Il y a aujourd’hui 230 millions de personnes dans le monde en situation migratoire. C’est devenu une question géopolitique, une question de frontières et de redéfinition des États. »
Benjamin Stora mentionne également un autre élément à prendre en compte : les bouleversements climatiques. « C’est encore un facteur nouveau : les réfugiés climatiques qui se déplacent en lien avec la sécheresse, les ouragans, les inondations… Avec le réchauffement climatique, une nouvelle dimension migratoire va s’installer à l’échelle mondiale », juge-t-il.
La singularité française : immigration et mémoire coloniale
Dernier aspect abordé par l’historien : « La question française et le rapport entre immigration et mémoire coloniale ». Benjamin Stora décrit en effet une « polarisation qui s’exerce sur les questions migratoires à travers les immigrations d’origine post-coloniale ».
Benjamin Stora est président du Conseil d’orientation du Musée national de l’Histoire de l’immigration. © Musée de l’Histoire de l’immigration
Et l’historien de citer notamment les débats sur l’immigration en lien avec la décolonisation, avec par exemple la question de la présence algérienne en France. « Ce sont des débats qui nous renseignent sur la façon dont l’Histoire de l’immigration a percuté l’Histoire nationale française », rappelle-t-il.
« On a là un questionnement de ce que l’on appelle le modèle républicain, le modèle national et les questions d’intégrations ou d’assimilation, poursuit Benjamin Stora. C’est une singularité française. La France est un très fort pays d’immigration qui se retrouve au cœur d’une problématique nouvelle en Europe : celle de la redéfinition du lien national. »
Une montée des nationalismes xénophobes
Au-delà de la question française, Benjamin Stora observe par ailleurs un regain d’hostilité vis-à-vis des migrants dans le monde, que ce soit à travers les discours “décomplexés” de Donald Trump ou les prises de position d’un chef d’État comme Viktor Orbán. Une « montée des nationalismes à caractère xénophobe » que l’historien aborde encore comme une question nouvelle.
« Cette montée des nationalismes à base ethnique et souverainiste se retourne et se polarise naturellement contre les étrangers, et c’est une situation que l’on ne peut pas caractériser comme une suite logique ou une continuité. Le racisme à l’égard des étrangers est une posture ancienne, mais il y a un changement, ou plutôt un seuil qui a été franchi ! », conclut-il.