Les cent cinquante migrants restant sur le camp Valmy ont été expulsés par la police. Une évacuation justifiée par les troubles à l'ordre public

Le camp Valmy éva­cué par la police dans une cer­taine désorganisation

Le camp Valmy éva­cué par la police dans une cer­taine désorganisation

REPORTAGE – Les cent cin­quante migrants res­tants sur le camp Valmy ont été expul­sés par la police, ce mer­credi après-midi. Une éva­cua­tion que la pré­fec­ture a jus­ti­fiée par les troubles à l’ordre public liés aux évé­ne­ments de ces der­niers jours. Les familles, ori­gi­naires pour la plu­part d’Albanie, de Macédoine, de Serbie et du Kosovo, ont ensuite été emme­nées en mini­bus jusque vers deux gym­nases gre­no­blois où elles seront relo­gées tem­po­rai­re­ment. Avant, en prin­cipe, d’être héber­gées dans des centres d’ac­cueil pour les deman­deurs d’a­sile dans les semaines à venir.

Les pre­miers bruits ont com­mencé à cou­rir mardi, en fin d’a­près-midi. Puis les rumeurs se sont trans­for­mées en infor­ma­tion de source sûre, relayée par des chaînes de mails et tex­tos : « Expulsion du camp Valmy immi­nente, ren­dez-vous mer­credi matin à 6 heures. » Ainsi, une tren­taine de mili­tants asso­cia­tifs, membres de col­lec­tifs et »simples » citoyens se sont donné ren­dez-vous dès l’aube, aux abords du cam­pe­ment de for­tune situé der­rière le stade des Alpes.

Les familles ont dû patienter de longs moments sous la chaleur avant d'être pris en charge. © Manuel Pavard, Place Gre'net

Les familles ont dû patien­ter de longs moments sous la cha­leur avant d’être prises en charge. © Manuel Pavard, Place Gre’net

Les traits tirés et les yeux cer­nés par une courte nuit de som­meil, ces der­niers patientent en atten­dant l’ar­ri­vée de la police, pré­vue entre 6 et 7 heures. Le camp s’est un peu vidé depuis la veille, quelques familles – dont cer­taines étaient pro­ba­ble­ment des­ti­na­taires d’une OQTF (Obligation de quit­ter le ter­ri­toire fran­çais) – ayant pré­féré quit­ter les lieux à l’an­nonce d’une future inter­ven­tion policière.

La préfecture a déployé de gros moyens pour cette expulsion avec une centaine de CRS présents. © Manuel Pavard, Place Gre'net

La pré­fec­ture a déployé de gros moyens pour cette expul­sion, avec une cen­taine de CRS pré­sents. © Manuel Pavard, Place Gre’net

Lundi soir, ils étaient encore près de deux cents à dor­mir sous la tente ou dans des cabanes en bois. Beaucoup de familles avec enfants, essen­tiel­le­ment ori­gi­naires des Balkans (Albanie, Macédoine, Serbie, Kosovo).

Mais ce mer­credi matin, le camp jouit d’un calme presque étrange : les migrants encore pré­sents s’attellent à démon­ter les tentes, bou­cler leurs sacs et ran­ger leurs maigres affaires. L’angoisse liée à l’in­cer­ti­tude des pro­chaines heures se lit tou­te­fois sur la plu­part des visages.

Le temps tourne : 7 heures, 8 heures, 9 heures… Et tou­jours pas l’ombre d’un képi ni d’un casque de CRS à l’ho­ri­zon. Chez les mili­tants pré­sents, on s’in­ter­roge, on par­le­mente, on iro­nise sur « les poli­ciers qui doivent bien rigo­ler en nous fai­sant lever à 5 heures du mat” ». Et on com­mence même à pro­gram­mer des »tours de garde » cou­vrant toute la jour­née. Mais en fin de mati­née, l’in­for­ma­tion arrive sous la forme d’un arrêté pré­fec­to­ral d’ex­pul­sion pla­cardé à l’en­trée du camp et effec­tif à par­tir de midi.

Un bref face à face a opposé militants et CRS à l'arrivée des forces de l'ordre, en début d'après-midi. © Manuel Pavard, Place Gre'net

Un bref face-à-face a opposé mili­tants et CRS à l’ar­ri­vée des forces de l’ordre, en début d’a­près-midi. © Manuel Pavard – Place Gre’net

Le pré­fet invoque en pre­mier lieu les « graves troubles à l’ordre public » consé­cu­tifs aux récents événements.

Il y a eu la rixe néces­si­tant l’in­ter­ven­tion des forces de l’ordre samedi 20 mai, l’a­gres­sion par des motards sans doute proches de l’ex­trême droite dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 mai, puis l’in­cen­die cri­mi­nel causé par le jet d’un cock­tail Molotov lundi 22 mai…

Autre argu­ment avancé par la pré­fec­ture : « un risque élevé pour la salu­brité publique en rai­son de condi­tions d’hygiène défaillantes ». Finalement, les pre­miers effec­tifs poli­ciers arrivent sur les lieux peu après 14 heures.

Le faible nombre de minibus affrétés a provoqué une forte cohue au moment de l'embarquement dans les véhicules. © Manuel Pavard, Place Gre'net

Le faible nombre de mini­bus affré­tés a pro­vo­qué une forte cohue au moment de l’embarquement dans les véhi­cules. © Manuel Pavard – Place Gre’net

Les auto­ri­tés ont dépê­ché de gros moyens : on dénombre ainsi vingt et un four­gons au total, pour une cen­taine de CRS ! Ces der­niers déploient immé­dia­te­ment un cor­don autour du camp. Puis, après un bref face-à-face et quelques slo­gans scan­dés par les mili­tants, l’é­va­cua­tion débute sous la hou­lette des ser­vices préfectoraux.

Avec seule­ment trois ou quatre mini­bus affré­tés pour 156 per­sonnes recen­sées (102 adultes et 54 enfants), l’o­pé­ra­tion prend un temps monstre et la désor­ga­ni­sa­tion, illus­trée par les ater­moie­ments des poli­ciers, est patente. Familles et enfants doivent ainsi patien­ter de longs moments sous une cha­leur écrasante.

Les pel­le­teuses à l’œuvre pour raser les der­niers ves­tiges du campement

Pendant ce temps, les pel­le­teuses com­mencent leur tra­vail de des­truc­tion métho­dique des cabanes en bois, der­niers ves­tiges du cam­pe­ment, tan­dis que les mili­tants s’oc­cupent de récu­pé­rer les affaires des migrants dis­sé­mi­nées dans le parc Valmy. Une fois rem­plis, les mini­bus, contraints d’ef­fec­tuer plu­sieurs allers-retours, conduisent les familles dans deux gym­nases gre­no­blois réqui­si­tion­nés, Alphonse Daudet et La Houille Blanche, où celles-ci seront héber­gées temporairement.

Le campement de fortune, installé dans le parc Valmy depuis la mi-février, a immédiatement été détruit. © Manuel Pavard, Place Gre'net

Le cam­pe­ment de for­tune, ins­tallé dans le parc Valmy depuis la mi-février, a immé­dia­te­ment été détruit. © Manuel Pavard – Place Gre’net

« Il s’agit d’une solu­tion d’urgence, pro­vi­soire, car ces lieux ne sont pas adap­tés à l’accueil de familles avec enfants au-delà de quelques jours », sou­ligne la Ville de Grenoble. Qui, dans un com­mu­ni­qué, « réitère sa demande auprès de l’État d’assumer ses res­pon­sa­bi­li­tés en matière d’hébergement des deman­deurs d’asile, avec la mise à dis­po­si­tion de nou­veaux lieux pour accueillir ces per­sonnes de façon durable et dans des condi­tions dignes ».

« Enfin la pré­fec­ture se décide à les trai­ter comme des deman­deurs d’asile »

Du côté de l’Assemblée des mal-logés, les échos sont légè­re­ment dif­fé­rents. Alice estime ainsi que le relo­ge­ment dans les gym­nases « devrait durer quelques semaines, le temps que la pré­fec­ture dis­patche tout le monde dans les Cada [centres d’ac­cueil pour deman­deurs d’a­sile, ndlr]. Enfin elle se décide à les trai­ter comme des deman­deurs d’a­sile ! », se féli­cite-t-elle, rap­pe­lant que « l’im­mense majo­rité des occu­pants du camp sont dans des pro­cé­dures de demande d’a­sile ».

Les 150 migrants occupant le camp Valmy ont été expulsés par les CRS, ce mercredi 24 juin, puis conduits dans deux gymnases grenoblois.

Les mini­bus ont emmené les familles vers les gym­nases Alphonse Daudet et La Houille Blanche, où elles seront héber­gées pro­vi­soi­re­ment. © Manuel Pavard, Place Gre’net

Malgré tout, l’Assemblée des mal-logés comme l’en­semble des col­lec­tifs de sou­tien « res­tent vigi­lants, assure Alice. On milite tou­jours pour que la pré­fec­ture use de son droit de réqui­si­tion. »

Elle a sur­tout conscience que la vie des migrants, dans les semaines à venir, sera tout sauf un par­cours de santé.

« On sait très bien que c’est dur pour eux. Ces der­niers jours, j’ai pas mal dis­cuté avec des femmes dont cer­taines enceintes sur le cam­pe­ment : l’une d’elles avait par exemple perdu son bébé car ça fait trois mois qu’elle est à la rue. » Alice ne le cache pas : après « avoir tissé des liens très forts », elle se dit « émue » par le départ de ceux qu’elle consi­dère désor­mais comme des « cama­rades de lutte ». Elle se ras­sure néan­moins : « Ces adieux ont été dif­fi­ciles pour nous tous mais ils ne sont pas non plus par­tis à l’autre bout du monde ! »

Manuel Pavard

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