FOCUS – Travaux, soins, réaménagement budgétaire… Autant de sujets sur lesquels les six syndicats du CHU de Grenoble – La Tronche – en pleine réorganisation – sont en conflit avec la direction générale depuis avril dernier. S’estimant peu écoutée, l’intersyndicale a commencé un boycott des négociations pour faire davantage entendre sa voix face aux cadres supérieurs. Suite au protocole d’accord proposé par la direction, une réunion avec l’intersyndicale avait lieu ce mardi 23 mai. Dernière étape de ce combat ? Pas sûr…
Depuis quelque temps, le Centre hospitalier universitaire de Grenoble se fait terrain de combat. En avril dernier, les six syndicats du CHU de Grenoble – La Tronche ont en effet décidé de boycotter les négociations avec la direction. Une manière de se faire entendre et d’ouvrir un dialogue sur les solutions à mettre en place. « Nous avons recouru à ce moyen de pression sur la direction pour qu’elle puisse établir avec nous une feuille de route », explique Eric Gribaudi, délégué du syndicat majoritaire Defis, principal porteur du message de protestation.
« Le CHU de Grenoble est dans une phase de grosse mutation où les enjeux sont importants : les travaux, les soins, ou encore le réaménagement budgétaire prévu par le Plan triennal de l’Assurance maladie.
Nous sentions que nous n’étions pas vraiment associés aux décisions prises par rapport aux projets architecturaux, aux organisations de travail et aux conditions des agents de santé en termes d’hygiène et de sécurité. »
Loin de voir en ce comportement une volonté délibérée de la direction générale de les écarter, les syndicats lui reprochent toutefois d’avancer des propositions qui ne correspondent pas à leurs attentes, ni à celles du personnel.
Réunion après réunion, le chemin vers un dialogue paritaire commence à se creuser. Ce mardi 23 mai, l’intersyndical a rencontré la direction générale pour débattre sur un protocole d’accord qui lui avait été proposé le vendredi 19 mai. Dernière étape de ce long parcours ? À voir.
Une bataille pour se faire entendre… et écouter
L’origine de cette tension remonte à un an, lorsque l’intersyndicale a commencé son combat pour dénoncer les “failles” du centre hospitalier de La Tronche. Son objectif ? Demander à ce que la Direction des ressources humaines (DRH) se charge de résoudre des questions épineuses telles que – comme Eric Gribaudi le rappelle – « un projet social ayant du mal à se mettre en place, des organisations dans le service qui ne correspondent pas toujours à la règlementation, ou bien des pôles d’activités agissant de manière indépendante l’un de l’autre, sans une coordination centralisée. »
Malgré la persévérance des représentants syndicaux, leur cri de protestation n’a, de leur point de vue, pas été écouté. D’où leur décision de recourir à cette mesure extrême de boycott des instances pour pousser la direction générale à s’engager à chercher une solution. Avec à la clé, des résultats immédiats, dont l’ouverture d’un dialogue entre les deux parties.
Faute de clarté dans les revendications peu ciblées des syndicats, mais aussi faute de réponses formelles dans les vagues propositions des cadres supérieurs, les rencontres se sont toutefois enchaînées courant avril sans aboutir à un véritable accord. Les points débattus lors de cette joute verbale ? L’organisation du travail en douze heures, la gestion des personnels, ainsi qu’un rappel de la règlementation des services.
Lors de deux réunions, qui ont eu lieu le 10 et le 16 mai, les mêmes questions sont revenues à la surface mais, cette fois-ci, sous la forme d’une revendication beaucoup plus encadrée. Apprenant de ses erreurs, l’intersyndicale a tout d’abord ciblé les instances consultatives auxquelles adresser son discours : en premier lieu, les commissions paritaires ayant pour mission de gérer les carrières individuelles des agents de santé.
Deuxième interlocuteur ? Le comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail (CHSCT), l’organisme chargé de la protection de la santé et de la sécurité des salariés. Et enfin, le comité technique d’établissement (CTE), chargé de coordonner les questions budgétaires et d’assurer de bonnes conditions de travail au personnel non médical.
Dans un CHU en plein travaux, le sujet de la modernisation de l’hôpital devait en outre forcément figurer dans la liste des requêtes. « Nous souhaitons pouvoir intervenir davantage sur les projets architecturaux, sur la construction du nouveau plateau technique, sur la réorganisation des urgences, des blocs, des plannings », explique le délégué du Defis.
Entre protocole d’accord et engagements : les dernières phases du combat ?
En réponse, Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, et Stéphanie Fazi Leblanc, directrice générale adjointe, ont présenté à l’intersyndicale un protocole d’accord dont les propositions ont été débattues lors de la réunion de ce mardi 22 mai. Une rencontre à l’issue de laquelle la direction générale a affirmé, dans un communiqué de presse, vouloir s’engager « à faire respecter le rôle des instances représentatives de l’établissement, à poursuivre les actions d’information et de formation des cadres de l’établissement, ainsi qu’à marquer une pause dans le passage des horaires en douze heures ».
Un point assez conflictuel qu’Eric Gribaudi prend soin d’éclaircir : « Une mission ministérielle avait en effet relevé les risques du travail en horaire dérogatoire, notamment les douze heures. En 2011, la DRH avait établi de limiter cette extension de l’horaire de travail dans le cadre de la réanimation et des soins continus, sous des contraintes spécifiques de service. Or, ce périmètre d’application n’est plus respecté : actuellement, 26 % du personnel travaille un tel nombre d’heures. »
Toujours dans son communiqué de presse, la direction générale a déclaré avoir, en outre, pour mission de « formaliser l’association des partenaires sociaux dans la conduite des projets de réorganisation, et [de] mettre en œuvre le groupe de suivi des mesures du projet social qui a pour objectif de servir la qualité de vie au travail de chacun ainsi que le projet managérial ».
En d’autres termes, l’idée est de prendre en compte l’opinion des syndicats et du personnel, en les informant sur les décisions concernant les travaux de modernisation ainsi que l’organisation de l’hôpital, même avant qu’elles ne soient présentées en conseil.
La demande des syndicats d’avoir plus de poids dans les phases de concertation semblerait avoir ainsi été prise en compte. « Quant au CHSCT, hormis le rappel de la réglementation, on a obtenu que les dossiers traités soient présentés avec information préalable aux délégués avec la totalité des documents qui seront discutés lors des séances », résume Eric Gribaudi.
Des points encore à régler…
La fin du conflit approche-t-elle donc ? Pas tout à fait. Avant de signer le protocole issu de cette concertation, l’intersyndicale veut s’assurer de quelques modifications. Le débat reste ouvert, notamment sur la question des commissions administratives paritaires, chargées de traiter les cas individuels des agents de santé, comme les conseils de discipline ou les licenciements.
Selon le délégué du syndicat Defis, « la direction devrait s’engager davantage à ce qu’il y ait un véritable dialogue sur ce point, de sorte que les décisions soient prises grâce à une étude approfondie de chaque dossier, et non pas seulement sur la base des délibérations des ressources humaines ».
Et celui-ci de préciser : « Cette dernière représente en effet une présence encombrante dans les instances liées aux commissions administratives paritaires, bien qu’elle n’ait pas une voix délibérative ni un pouvoir décisionnel dans cette sphère d’action. À cette question épineuse, les cadres n’ont pas su donner une réponse claire et satisfaisante. »
D’où les doutes persistants sur la signature ou non du protocole amendé. La décision sera prise le lundi 29 mai, lors d’une réunion intersyndicale où les quatorze représentants du personnel établiront ensemble la conduite à adopter. Affaire à suivre, donc.
Giovanna Crippa, correspondante à La Tronche