Le Musée de la Résistance et de la Déportation de Grenoble ouvre un nouvel espace muséographique. Consacrée à la “Saint-Barthélémy grenobloise”, répression nazie ayant touché Grenoble durant l’automne 1943, cette nouvelle exposition “permanente” choisit de jouer sur l’ambiance d’une époque et fait la part belle à l’interactivité.
Devant le fronton d’un immeuble grenoblois défilent au pas de l’oie les silhouettes casquées de soldats allemands. Voici la première image que découvre le visiteur en accédant au deuxième étage par l’escalier, dans lequel résonne l’entêtant bruit des bottes. Et c’est ainsi que s’ouvre le nouvel espace muséographique du Musée de la Résistance et de la Déportation de Grenoble.
Cette fois, ce n’est pas une exposition temporaire que propose le Musée, mais un réaménagement de son espace permanent. Ou plutôt, insiste la responsable du Musée Alice Buffet*, « son espace de longue durée ». « Nous n’avons jamais parlé d’espace permanent parce que nous estimons que le parcours est vivant et qu’il peut évoluer, au gré des avancées de l’Histoire, des recherches scientifiques ou des expositions réalisées. »
Une “Saint-Barthélémy grenobloise”
C’est bien le cas de ce nouvel espace, découlant directement de l’exposition Automne 1943, Résistance et répressions, organisée en 2013 à l’occasion des 70 ans de la “Saint-Barthélémy grenobloise”. L’objectif : consacrer une partie entière du musée à l’arrivée des Allemands dans Grenoble – sous occupation italienne avant septembre 1943 – et à la répression sanglante qui s’ensuivit.
Car lorsque l’armée allemande prend le contrôle de Grenoble, elle met fin à l’occupation “douce” qu’a connue la ville sous domination italienne. Les rafles et les exécutions sommaires ne tardent pas.
Le 11 novembre, des centaines de manifestants grenoblois sont arrêtés et déportés. La réaction de la Résistance ne se fait pas attendre, avec les explosions du Polygone d’artillerie et, quelques jours plus tard, de la Caserne de Bonne.
Vers la fin du mois de novembre 1943, les Nazis confient à un groupe de collaborationnistes une vaste opération de répression. Une “Saint-Barthélémy” durant laquelle 25 personnes seront arrêtées et déportées ou assassinées. La Résistance grenobloise sort quasiment décapitée de ce coup de filet macabre orchestré par le milicien Francis André, « gueule tordue » de la Collaboration, qui sera fusillé en 1946 après avoir reconnu 120 assassinats et de multiples actes de torture.
« Laisser la place à l’image et à l’ambiance »
Le parti-pris du nouvel espace ? « Nous avons choisi de minimiser la place du texte pour laisser la place à l’image et à l’ambiance, explique Alice Buffet. On a fait appel à des technologies plus modernes, avec des dispositifs interactifs, de l’image, de la vidéo. C’est une façon d’alterner entre réflexion et émotion, et cela permet la transmission. Notamment pour les plus jeunes générations qui viennent en nombre. »
Si l’espace ne perd pas sa dimension pédagogique, l’accent est en effet mis sur le caractère “vivant” des événements relatés : représentations animées des explosions du Polygone et de la Caserne de Bonne, figuration des fusillés avec incrustations vidéos pour présenter leur parcours… ou consultations interactives des profils et des parcours de différents collaborateurs. Et des différentes collaborations.
Mais le musée n’oublie pas de représenter des documents d’époque, à commencer par une carte de toutes les entreprises du territoire établie par les autorités allemandes, montrant que les Nazis s’intéressaient de près à la vie économique de la région grenobloise. Nouveauté : la présentation, pour la première fois, d’objets personnels ayant appartenu à Jean Perrot. Dont un éphéméride mettant cruellement en relief la date de son exécution, le 29 novembre 1943.
Des documents, parmi de nombreux autres, qui perpétuent eux aussi une mémoire aussi douloureuse que nécessaire. Et que le Musée de la Résistance s’emploie à faire vivre en évitant l’écueil du didactisme historique punitif comme du sensationnalisme ou du voyeurisme.
Florent Mathieu
* Alice Buffet succède ainsi à Olivier Cogne, qui a rejoint la direction du Musée Dauphinois.