TROIS QUESTIONS À – Le 15 avril, cela fera un an que Jacques Reboh est le président des Brûleurs de Loups. Ce fils de pieds-noirs né à Grenoble en 1968, à la tête du groupe Agda Immobilier (PME de près de 250 personnes au chiffre d’affaires d’environ 20 millions d’euros) a réussi à redresser le club de hockey sur glace grenoblois alors mal en point sportivement et surtout économiquement. Mardi soir, les Brûleurs de Loups (BDL) étaient reçus au Conseil départemental de l’Isère après leur victoire en Coupe de France cette saison. Jacques Reboh entend poursuivre sur cette dynamique l’an prochain. L’objectif ? Redevenir champion de France, un titre qui échappe aux BDL depuis 2009.
Quelle était la situation du club des Brûleurs de Loups quand vous l’avez repris et où en est-il aujourd’hui ?
Jacques Reboh : L’état des lieux du club que j’avais pu faire à l’époque mettait en évidence différentes difficultés. La première concernait les relations avec les principaux acteurs nécessaires au bon fonctionnement du club, c’est-à-dire les supporters. On sentait qu’il y avait une cote de désamour assez forte avec eux. On avait aussi une cote de désamour global avec les collectivités locales. Je sentais une tension et une sorte de projet non abouti pour la fin de l’exercice (précédent).
Et puis, l’aspect économique était compliqué [Jacques Reboh évoquait une absence de 800 000 euros sur un budget de 2,5 millions en octobre 2016 dans Le Dauphiné libéré, ndlr] parce que nous sortions d’une mauvaise année. Le club avait perdu en quart de finale durant plusieurs saisons, donc il n’y avait pas de recettes complémentaires liées aux phases finales.
Des choix économiques pas très bons avaient été faits. Et surtout, (il y avait) un contrôle fiscal latent puisque nous étions en procédure d’appel avec un risque important pour le club de se voir condamné à une sanction lourde qu’il n’aurait pas probablement la possibilité d’honorer. C’était l’état des lieux.
Durant cette année, nous nous sommes employés à reconquérir le public, les partenaires, à nous rapprocher d’eux, à donner de la proximité, de la simplicité. Et à montrer que le sport élite hockey restait une discipline très famille, très simple. C’était la première étape. Et les résultats sportifs aidant, nous avons réussi à créer cette relation. C’est un pari qui est en bonne voie d’être gagné. Nous verrons si nous arrivons à nous inscrire dans le temps. Ce sera notre politique pour les années à venir.
Après, sur l’aspect économique, nous avions un modèle recalculé avec la multiplicité des matches [44 en saison régulière, sans compter les phases finales, ndlr]. Et puis il y avait le contrôle fiscal… Il a fait l’objet d’une négociation avec l’administration et cela nous a permis d’envisager un étalement de la dette sur plusieurs années.
Ces démarches ont rendu de la visibilité et de la pérennité au club. Il y a encore une injection de fonds nécessaire cette année, le club est donc encore sous perfusion, mais nous pensons l’année prochaine pouvoir la débrancher et entrer dans un modèle économique stable. Cette année, nous devrions être bénéficiaires mais de façon artificielle, du fait des apports exceptionnels réalisés [notamment son apport personnel, ndlr].
Les bons résultats sportifs – victoire en Coupe de France et demi-finale en championnat – vous ont-ils satisfait au-delà des attentes que vous aviez en début de saison ?
Effectivement, si on m’avait dit en début de saison que nous allions vivre cette saison, j’aurais signé des deux mains. Mais après, nous sommes compétiteurs. Quand nous sommes si près de la victoire [défaite au match 7 des demi-finales contre Rouen, ndlr], il y a énormément de déception, parce que je pense que nous aurions pu aller chercher cette victoire, notamment au 6e match à Rouen, qui nous aurait propulsés en finale. Le dieu du sport ne l’a pas voulu. Ça nous laisse un challenge pour la saison prochaine. […]
L’année prochaine, nous serons encore sur une phase de pérennisation (sportive et économique), c’est-à-dire confirmer les bons signaux qui ont été envoyés cette année, avec la volonté de construire une équipe encore meilleure, si c’est possible, et d’aller conquérir le titre. Aller chercher le titre [de champion de France] ou les deux titres [avec la Coupe de France] serait l’idéal.
Au niveau de l’effectif, nous souhaitons conserver l’ossature maîtresse construite avec différents cadres de l’équipe pour ne pas avoir besoin de réécrire l’intégralité de l’histoire et notamment les valeurs portées par ce club. L’idée est de garder environ 50 % de l’effectif. Naturellement, des joueurs vont nous quitter pour des raisons personnelles, sportives ou des fins de carrière. Alexandre Texier partira mécaniquement pour son projet de carrière. [La pépite grenobloise, 17 ans, a été supervisée à de nombreuses reprises par des clubs de NHL, la prestigieuse Ligue nord-américaine de hockey. Son rêve est d’y évoluer un jour, ndlr].
Existe-t-il des similitudes entre le monde de l’immobilier et celui du sport, ou dans la gestion de ces deux univers ?
Entre l’immobilier et le monde sportif non, mais entre la gestion d’une PME et la gestion d’un groupe sportif, oui, il y a des similitudes. Nous sommes très forts – et c’est mon mode de management – dans les rapports humains, la proximité, la simplicité, l’humilité… Tout cela est nécessaire dans l’entreprise. Nous retrouvons ces éléments-là dans le sport également puisque, quand on donne tout et qu’on est généreux avec les gens, qu’on est amené à encadrer, ces gens vous le rendent sans tricher. Cette année, dans l’équipe, aucun joueur n’a triché. Ils ont tous donné ce qu’ils avaient à donner.
Propos recueillis par Laurent Genin