FOCUS – Cultiver les toits des immeubles et faire fleurir des jardins participatifs à travers la ville, le tout dans une ambiance conviviale et solidaire, est l’un des thèmes à l’honneur de la Biennale des villes transition. Mais c’est surtout l’un des objectifs poursuivis depuis des années par Cultivons nos toits, association grenobloise qui œuvre en faveur de l’agriculture urbaine. Jusqu’à fin mars, elle fait appel au financement participatif pour développer des “projets verts” dans l’agglomération grenobloise.
Logo de l’association Cultivons nos toits © Cultivons nos toits
« De plus en plus, les habitants veulent consommer des légumes sains, de bonne qualité, être reconnectés à ce qui nous fait vivre », estime Lucas Courgeon, 28 ans, ingénieur-environnement chargé de communication de Cultivons nos toits.
L’objectif de l’association ? Investir les espaces urbains non utilisés pour y réaliser des cultures potagères naturelles et tendre vers une autonomie alimentaire et énergétique des habitants.
Quand Cultivons nos toits a vu le jour en 2011, « il existait une réelle demande en ce qui concerne l’autoproduction alimentaire », se souvient Lucas. Soucieux de maîtriser leur alimentation, certains citoyens semblent en effet vouloir s’émanciper du commerce de la grande distribution.
Lucas rejoint l’association en 2014 : « J’avais le désir de contrôler ce que je mangeais, de savoir pourquoi je le mangeais, et à qui je l’achetais. Avec toutes les maladies et cancers liés à la nourriture, savoir ce que l’on consomme est primordial pour la santé et l’environnement », assure-t-il. Grâce aux divers projets d’agriculture urbaine, menés dans l’agglomération grenobloise, l’association propose des légumes frais, naturels et biologiques et surtout une alternative aux produits des grandes surfaces.
Potager géant sur le toit de la Casemate
Mis à disposition par la mairie de Grenoble, le toit plat de La Casemate est devenu un grand potager. En 2016, au début du projet, la surface cultivable était de 13 m². Petite surface mais grande victoire pour l’association, qui avait réussi à récolter près de 30 kilos de légumes au mois de juin.
Cultures sur le toit de la Casemate © Cultivons nos toits
En 2017, l’association augmente cette surface de culture à 300 m² et affiche des objectifs ambitieux : une tonne de production est attendue pour la saison prochaine.
Du 5 au 8 février, de nombreux bénévoles ont investi le toit de la Casemate. Ce chantier a été un « vif succès », assure l’association. Elle lance d’ailleurs un projet de financement participatif pour l’achat de bacs de culture. Et prévoit de renforcer le dispositif des paniers solidaires, coorganisé avec l’épicerie Episol et la Ville de Grenoble.
Travaux sur le toit de la Casemate pour accueillir les cultures potagères. © Cultivons nos toits
La culture sur toit est née d’un constat : l’urbanisation et la croissance démographique éloignent, chaque année un peu plus, les cultures végétales des villes. « En ville, il est très difficile d’avoir des espaces cultivables, l’espace au sol étant occupé par les bâtiments », explique Lucas Courgeon. « À Grenoble, il y a autant de toits plats que d’espaces de maraîchages en pleine terre sur un rayon de 10 kilomètres. Le potentiel de culture sur toit à Grenoble est donc énorme. Il est nécessaire d’investir ces espaces en hauteur pour amener la nature en ville », affirme-t-il.
Chantier permaculture sur le toit de la Casemate. © Cultivons nos toits
Et la hauteur des bâtiments améliore la qualité des aliments cultivés. En effet, sur un toit, l’air est davantage ventilé : « On trouve beaucoup moins de particules fines qu’au sol. De plus, les métaux lourds ont tendance à rester au sol », explique Lucas, en se référant à une étude scientifique réalisée par l’AgroParisTech.
À terme, l’association souhaite développer massivement la culture sur toit et que les habitants d’une même résidence aient leur propre potager, sur le toit de leur immeuble. « L’association sera toujours présente pour apporter des conseils et guider les habitants sur la gestion du potager », assure Lucas.
Au-delà de sa dimension éthique et écologique, Cultivons nos toits est aussi vecteur de lien social : « La gestion d’un espace commun rassemble les habitants et favorise l’entraide. Chacun peut y apporter ses propres compétences pour améliorer la production. Ensemble, ils s’émancipent collectivement », poursuit le bénévole.
Des jardins participatifs dans la commune de Vif
« Aujourd’hui, il est déplorable de constater que beaucoup d’enfants pensent que les fruits et légumes poussent dans les supermarchés », raconte Lucas. Pour éveiller la conscience écologique des jeunes, Cultivons nos toits a donc créé un jardin éco-pédagogique dans la commune de Vif, partenaire de l’association.
Atelier jardinage au jardin éco-pédagogique de la commune de Vif © Cultivons nos toits
À l’école ou au centre de loisirs, des enfants de 6 à 12 ans viennent cultiver leurs propres légumes. « Les enfants assureront le futur de notre monde. Il est primordial de les rapprocher de leur alimentation. Si ce lien est rompu, personne ne s’opposera demain à la malbouffe et aux produits industrialisés », met en garde Lucas Courgeon.
La culture permet aussi aux jeunes de développer leur autonomie manuelle et intellectuelle et d’ouvrir des ateliers de réflexion autour de la nature et de la croissance soutenable. Mais aussi et surtout de leur faire prendre conscience de la vie terrestre, ce “tout” indissociable nommé écosystème.
Jardin éco-pédagogique dans la commune de Vif © Cultivons nos toits
Permaculture : « retrouver notre juste place par rapport à la Nature »
« La permaculture, ce n’est pas que du jardinage, c’est une philosophie holistique, une révision de notre rapport à la Terre et à l’alimentation. Il s’agit d’être plus humble et de retrouver notre juste place par rapport à la nature », affirmait Vincent Vanel, le fondateur de Greenation, le 1er février dernier à l’Institut de géographie alpine de Grenoble.
À Seyssinet-Pariset, l’agriculture hors-sol et la mise en place de bacs de culture inspirés des méthodes de la permaculture (cf. encadré), sont apparues en 2016, à l’initiative de l’architecte Philippe Blanchet, du lycée horticole de Saint-Ismier, et de l’association Cultivons nos toits.
Bac de permaculture à Seyssinet. À droite, Lucas Courgeon. © Cultivons nos toits
Achevés en 2016, les travaux ont donné naissance à un « espace vitrine de l’agriculture urbaine », alliant des modules de culture hors-sol, sur des dalles en béton, des modules d’aquaponie (cf. encadré) et des systèmes de compostage. En somme, des techniques agricoles en harmonie parfaite avec les écosystèmes.
En 2017, l’association continue de développer ce projet ainsi que des études approfondies sur les espaces verts. En fonction des résultats, elle envisage de créer un système de distribution de paniers potagers en circuit « ultra court » (cf. encadré) au sein de la résidence à Seyssinet.
Ces initiatives innovantes locales et citoyennes portées par des associations comme Cultivons nos toits sont bel et bien au cœur de la transition énergétique. Les circuits d’alimentation courts permettent en effet de dynamiser l’économie locale, de limiter l’empreinte carbone liée aux transports et de renforcer le lien social entre les individus, affaibli depuis l’apparition de la grande distribution. Une piste de plus à creuser quand on sait que, le 22 août 2016, l’humanité avait déjà épuisé toutes les ressources naturelles que la Terre peut produire en une année…
Anaïs Mariotti
Aquaponie : forme d’aquaculture associant la culture de plantes végétales en « symbiose » avec l’élevage de certains poissons. Inspirée des méthodes de la permaculture, elle permet de reproduire l’harmonie naturelle d’un écosystème. Les déjections des poissons servent d’engrais naturel pour les plantes cultivées.
Permaculture : à la fois un concept philosophique et une conception respectueuse de la Terre, basée sur des méthodes de culture naturelle. La permaculture a pour but de reproduire les écosystèmes naturels. L’objectif est de développer une agriculture soutenable tout en maximisant l’efficacité de la production (minimiser le travail et les énergies et maximiser la production et la soutenabilité). En somme, cette méthode de culture systémique reproduit les schémas naturels et les écosystèmes afin de créer une agriculture en totale harmonie avec l’environnement.
Circuits alimentaires courts : il vise à réduire la distance d’acheminement des produits, entre le lieu de culture ou de production et le lieu de vente. Les “circuits courts” permettent de relocaliser l’agriculture locale et ainsi de dynamiser l’économie régionale. Mais aussi de limiter la production de CO2, en réduisant l’empreinte carbone liée aux transports.