REPORTAGE VIDÉO – À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, plus de 300 personnes se sont rassemblées à 15 h 40, place Félix-Poulat, en réponse à l’appel national et international à la grève. Un mouvement qui s’inscrit dans une « lutte perpétuelle » en faveur de l’égalité hommes-femmes.
« Ce n’est pas la femme que nous célébrons le 8 mars, ce sont plutôt ses combats, ses droits, ses sacrifices, ses luttes et ses forces », peut-on lire sur les banderoles des manifestants pour l’égalité hommes-femmes, place Félix-Poulat.
Cortège de manifestants, place Grenette. © Anaïs Mariotti
Pour le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, un appel à la grève avait été lancé sur la plateforme des droits des femmes en Isère ; reprenant elle-même l’appel national déposé notamment par trois organisations syndicales interprofessionnelles et quatre ONG. L’ampleur de la cessation de l’activité professionnelle est même planétaire : 50 pays se mobilisaient simultanément pour une journée de travail “sans femme”. Une grève qui débutait à 15 h 40, afin de dénoncer les inégalités salariales.
Renommer les rues de Grenoble avec des noms de femmes
Pourquoi 15 h 40 précisément ? Symboliquement, c’est l’heure à partir de laquelle les femmes ne sont plus payées, si l’on prend en considération l’écart salarial de 24 % entre les hommes et les femmes.
« La transphobie peut entraîner des suicides ». © Anaïs Mariotti
Dans une atmosphère paisible, hommes et femmes, jeunes et seniors, représentants d’associations* et de la communauté LGBT, citoyens lambda, tous entendaient lutter pour davantage de parité au sein de la société civile.
Mais également dénoncer les violences tant morales, physiques qu’économiques à l’encontre de la gente féminine. Impunités face aux violences sexuelles, propos sexistes dans la vie quotidienne, violences conjugales… Autant de thèmes dénoncés par hommes et femmes, durant ce rassemblement du 8 mars.
Au milieu de la foule, des élus. Entre autres, Bernard Macret (4e adjoint solidarité internationale, Émilie Marche (conseillère régionale), Emmanuel Carroz (adjoint égalité des droits et vie associative), Alan Confesson (conseiller municipal), Véronique Vermorel (conseillère départementale)… Ils ont participé à cette marche avant de rejoindre l’Hôtel de Ville où était présenté le plan d’égalité homme-femme.
L’une des mesures phares consiste à renommer les rues de Grenoble avec des noms de personnalités féminines, explique Emmanuel Carroz, l’adjoint au maire, égalité des droits et vie associative. « C’est encourageant, cette année nous avons une grande mobilisation pour les droits des femmes à Grenoble », ajoute l’élu, optimiste.
« À bas le patriarcat ! » scandent les manifestants
« À bas le patriarcat, il nous exploite, il nous opprime, il nous divise », scandaient les manifestants aux alentours de 17 heures. Le 8 mars n’est pas anecdotique : « Cette journée permet une prise de conscience globale et rassemble hommes et femmes pour faire entendre nos voix », estime Nina, étudiante à l’IEP de Grenoble et membre des jeunes communistes, qui participe chaque année à ce rassemblement.
Manifestantes place Saint-André © Anaïs Mariotti
D’autres manifestants rejoignent spontanément le cortège. C’est le cas de Nada, une étudiante égyptienne de Sciences Po. Engagée pour le droit des femmes, elle prépare un mémoire sur la place des femmes au Moyen-Orient, souvent victimes de la religion et de la société, explique-t-elle. « Dans mon pays [l’Égypte], je n’ai pas les mêmes droits. Ici, je peux donner mon point de vue, je peux affirmer mes convictions. J’aime la liberté que me donne la France, c’est pourquoi il m’est important de la défendre aujourd’hui », confie-t-elle.
« Mais dans les sociétés démocratiques aussi, on tente de restreindre nos droits. Je ressens ce poids de l’injustice en France, comme ailleurs », ajoute Zohreh Baharmast, présidente de la Ligue des droits de L’Homme en Isère. « Le fondamentalisme ne se limite pas qu’à une seule religion. Toutes peuvent avoir des positions extrêmes concernant le droit des femmes », estime-t-elle.
Reportage Joël Kermabon
Coupes budgétaires pour les associations en faveur des droits des femmes
Des associations de la région en faveur des droits des femmes ont vu leurs subventions publiques diminuer en 2016, tel le planning familial de l’Isère créé en 1961– historiquement symbolique puisqu’il est le premier ouvert en France. Même si le fonctionnement des sept centres de planification, gérés en Isère par le Planning Familial 38, reste inchangé, le conseil départemental a supprimé la subvention qu’il versait jusque-là pour le fonctionnement associatif,
Une suppression qui va avoir un impact sur les postes transversaux de l’association, dixit cette dernière. Et, in fine, sur sa capacité à mobiliser l’opinion publique autour des actions en faveur des droits des femmes, d’éducation à la sexualité et des missions de santé exercées par les conseillères conjugales et familiales et les médecins dans les centres de planification.
Sans compter l’existence du Pass contraception toujours en sursis. « Les associations féministes sont les premières victimes des politiques d’austérité », explique Alexia Madelon, présidente de l’association Osez le féminisme. « Le personnel qui prend en charge les femmes victimes de violence doit être formé. Mais pour cela, nous avons besoin de ressources », poursuit-elle.
Cortège pour les droits des femmes, après une halte devant le conseil régional. © Anaïs Mariotti
Ce n’est donc pas anodin si le cortège a fait halte devant l’ancien Centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF), situé rue Raoul Blanchard, qui a dû mettre la clé sous la porte, faute de financements. Les manifestants s’arrêtent ensuite devant le Conseil régional. Une manière symbolique de dénoncer la politique du président de région Laurent Wauquiez, connu pour ses positions anti-mariage pour tous, qu’il juge contraire à ses valeurs.
Certains rassemblements LGBT ont aussi été victimes des baisses de subventions en 2016, notamment le festival international cinématographique Vues d’en face. « Au niveau de la Région, la remise en cause du Pass Contraception, le risque de voir disparaître les festivals de cinéma LGBTQI consistent en des choix politiques révélateurs des positions conservatrices tenues par certain(e)s élu(e)s », souligne le communiqué.
« Un pas en avant, un pas en arrière, c’est la politique du gouvernement »
« Un pas en avant, un pas en arrière, c’est la politique du gouvernement », chantent les manifestants durant leur marche. Et ceux-ci de dénoncer pêle-mêle les positions conservatrices d’une certaine partie de la classe politique, menaçant parfois à leurs yeux les libertés de la femme.
« Ni invisibles, ni disponibles. Libres et irréductibles ». © Anaïs Mariotti
Parmi lesquelles les politiques anti-avortement qui refont surface en Europe et de l’autre côté de l’Atlantique. « Luttons contre la banalisation de l’extrême droite et le retour de l’ultra conservatisme », clame une manifestante au microphone. Elle fait ainsi référence à la volonté du Front national de supprimer le droit au remboursement lors du recours à l’IVG.
« Nous voulons que cessent enfin les inégalités au travail, en termes de salaires, d’accès à l’emploi, de carrière, de temps de travail », indique le tract distribué lors du rassemblement.
« Fachos, Machos, vous nous cassez le clito ». Manifestants place Félix-Poulat. © Anaïs Mariotti
En moyenne, les femmes perçoivent une rémunération inférieure de 27 % à celle des hommes. Elles sont aussi les premières touchées par l’emploi précaire et occupent 80 % des temps partiels. Quant aux postes à responsabilités, ils leur échappent le plus souvent, comme à l’Assemblée nationale où elles ne sont que 26,2 %.
Mais ce n’est pas tout : « Aujourd’hui, seulement 16 % des maires de France sont des femmes, relate l’avocate Pascale Modelski du nouveau mouvement « Elles marchent 38 » (cf. encadré). À la télévision, leur temps de parole s’élève à 30 % seulement. Et savez-vous combien de femmes dirigent une entreprise du CAC 40 ? Une seule ! »
Anaïs Mariotti
* Associations présentes lors du rassemblement du 8 mars : la CGT ; la Fédération Syndicale Unitaire ; La Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté ; le Planning Familial de l’Isère, la Ligue des Droits de l’Homme ; Osez le féminisme etc
N.B. : L’article a été modifié lundi 13 mars à 20 h 30 pour rectifier une inexactitude concernant la baisse de subvention du Planning Familial 38.