EN BREF – Un mail envoyé le dimanche 8 janvier peu avant 11 heures depuis l’adresse de Julien Zloch, chef de cabinet d’Éric Piolle, affirme à ses destinataires que la messagerie Telegram des élus de la mairie de Grenoble aurait été piratée. Pourtant, jamais l’intéressé n’a rédigé ni envoyé ce courriel, dont le contenu laisse d’ailleurs peu de doutes quant à sa véritable source.
Étrange courriel arrivé dimanche matin sur la boîte de réception de la rédaction de Place Gre’net. Ayant pour objet « Alerte : piratage de notre messagerie interne Telegram !!! » et émanant de l’adresse mail de Julien Zloch, chef de cabinet du maire de Grenoble Éric Piolle, ce courriel également adressé à d’autres médias locaux affirme que la messagerie Telegram utilisée par les élus de la municipalité grenobloise a été piratée.
Pour “preuve”, le texte du courriel est accompagné d’une capture d’écran d’un bref échange de messages entre les conseillers municipaux Hakim Sabri, Alain Denoyelle et Alain Confesson, durant le conseil municipal du 11 juillet 2016. Celui-ci avait été perturbé par des opposants au plan d’austérité décidé par la Ville de Grenoble.
Il ne s’agit pas d’un montage : la mairie confirme incidemment la véracité des échanges divulgués, en considérant qu’ils relèvent de la « vie privée » des élus, quand bien même ceux-ci ne contiennent guère que des éléments de considérations politiques.
Les quelques phrases échangées n’offrent d’ailleurs aucune information particulière et ne se démarquent pas de la communication publique des élus en question. Hakim Sabri se demande ainsi ce que les opposants proposent, une position qu’il exprimait déjà six jours plus tôt dans un entretien accordé à Place Gre’net.
Manipulation et psychologie inversée
Difficile, sur la base de cette seule capture d’écran, de savoir si la messagerie des élus a bel et bien été piratée. La municipalité l’ignore elle-même. Une chose est certaine, en revanche : l’adresse de Julien Zloch a clairement été détournée. Les auteurs du message espéraient-ils vraiment faire croire aux destinataires du courriel que le chef de cabinet d’Éric Piolle en était l’auteur ?
Auquel cas, cette tentative de manipulation aurait mérité plus de subtilité… On imagine mal, en effet, Julien Zloch écrire : « Des opposant-e‑s au plan de sauvegarde de la municipalité ont piraté notre messagerie telegram. Il s’agit du réseau social interne utilisé par le groupe de la majorité municipale. Les messages piratés comportent de nombreux éléments sur la politique locale, et révèlent le vrai visage de l’actuelle municipalité. » Un message qui reprend la terminologie et même le féminin entre tirets régulièrement utilisé par de nombreuses associations ou collectifs.
Plus grossière encore, la phrase de conclusion du courriel – « Soyez sûrs que si vous, journalistes et acteurs de l’information locale, commenciez à publier ces documents, d’autres suivraient. Sachez faire les bons choix… » – fait un usage sensiblement maladroit de la psychologie inversée.
Une boîte mail piratée ?
Julien Zloch, le principal intéressé, a découvert l’existence de ce courriel au moment où nous l’avons contacté pour lui demander sa réaction. Impossible de savoir à combien de destinataires il est parvenu, mais le site militant Haro ! en faisait également partie, ne manquant pas de lui consacrer un article le jour même.
La boîte mail du chef de cabinet a‑t-elle été piratée, comme est censée l’avoir été Telegram ? En réalité, une étude du code du courriel permet de voir que ses auteurs ont utilisé le serveur Riseup.net, issu d’un collectif basé à Seattle qui « fournit des outils de communication en ligne pour les personnes et les groupes qui militent en faveur d’un changement social libérateur ». Quant à l’identifiant de l’expéditeur, il ne laisse aucune place au doute : « nonalausterite ».
En somme, le compte de Julien Zloch n’a probablement pas été piraté. Mais le détournement de son adresse afin d’envoyer ce message falsifié est un élément suffisant pour que la municipalité annonce son intention de porter plainte pour usurpation d’identité. « Et nous irons jusqu’aux tribunaux ! », tient-elle à faire savoir.
Œuvre de plaisantins, tentative d’exploitation d’une capture d’écran Telegram obtenue par des moyens détournés, ou peut-être coup d’essai auprès de la municipalité et des médias avant la révélation d’autres échanges entre élus ? La question subsiste autour de ce bien étrange courriel dominical, qui ne fait en tout cas pas rire du tout la majorité municipale de Grenoble.