REPORTAGE – Si le salon Artisa présente, du 30 novembre au 4 décembre à Alpexpo, de beaux objets d’art tous plus originaux les uns que les autres, il est difficile d’imaginer le processus de création à l’œuvre en amont. Nous avons rencontré dans son atelier de La Tronche une exposante, Sibylle Traynard. Cette créatrice de bijoux crée « des sculptures dans l’espace » inspirés de la nature et des montagnes environnantes. Découverte du métier minutieux, mais aussi de la philosophie de cette artiste.
La créatrice de bijoux nous accueille dans son atelier de la Tronche. Dans cet endroit entouré de verdure aux pieds des montagnes, on entend des oiseaux, un coq… Une ambiance paisible, propice à la création. « La création est un moment où tout est lié : la contemplation, la spiritualité… On est dans une bulle. »
« Il faut arriver à entrer dans cette bulle pour produire ce qu’on ressent », précise Sibylle Traynard, qui crée des bijoux depuis quarante ans. Deux maîtres-mots expliquent son parcours : la nature et la création. La dureté et la douceur y sont complémentaires.
Grâce à ses parents montagnards, elle a découvert très tôt la montagne. « Je n’ai pas toujours eu une vie facile. La montagne m’a beaucoup aidée à percer dans ce métier et à persévérer », confie-t-elle. Depuis sa tendre enfance, Sibylle baigne par ailleurs dans la création : « J’ai fabriqué plein des choses. Par exemple, je faisais des maquettes de refuges en montagne, des petits tableaux avec des clous, avec n’importe quoi… »
Ses études à l’École des beaux arts et des arts décoratifs de Genève lui offrent une formation généraliste en art, mais surtout beaucoup de cours de dessin : nature-morte, nu, géométrie dans l’espace, dessin de bijoux, etc. À ce moment-là, ce n’est pas le bijou qui l’attire, mais la céramique. « Je voulais être potière », confie Sibylle. « Lorsque je visitais des ateliers, une fois j’ai vu une bijouterie et j’ai eu un déclic : “je vais faire des bijoux”, me suis-je dit. »
Métier d’harmonie et d’indépendance
Grâce à des connaissances acquises lors de ses études, Sibylle s’installe « petit à petit » dans son atelier et développe sa propre technique. « C’est le fait que ce métier soit très minutieux et très posé qui m’a plu. Et cela me convient bien, alors que je ne porte pas du tout de bijoux, ce qui fait le désespoir de mes clients et de mes amis, dit-elle en riant. Par contre, j’aime les voir portés, avec beaucoup de passion et d’harmonie. »
Pendant treize ans, Sibylle a également été accompagnatrice de montagne, mais « à un moment donné, il a fallu choisir entre ce métier et la création ». Malgré leurs différences évidentes, il y a également des points communs entre les deux professions : tous deux exigent une grande indépendance, de l’autonomie et un esprit d’initiative. « Et il ne faut pas être malade ! », ajoute-t-elle avec un sourire, en évoquant la fragilité de statut d’artisan ou d’auto-entrepreneur.
Un bijou comme une sculpture dans l’espace
Pour Sibylle, un bijou est « une sculpture dans l’espace » : « En commençant la création dans ma tête, je sais déjà ce qui sera plat, ce qui aura du volume, ce qui va être mis en avant, etc. »
Inspirée par la montagne et la musique, Sibylle retrouve dans la création des moments de calme et de concentration. « J’ai une tendance spirituelle. Quand je vois un coucher de soleil, je suis scotchée. C’est tellement beau ! Je peux rester des heures à le regarder. Cela fait partie de ma spiritualité. La nature est une grande cathédrale. La beauté de la nature, voilà ce que je veux transmettre avec mes créations. »
Ses bijoux ne copient cependant pas des formes de la nature : « Lorsqu’un peintre dessine une fleur, il s’en imprègne, la regarde très longtemps avant de dessiner, tout seul devant cette fleur et la nature qui l’entoure. C’est comme de la méditation. Une fois que tout est imprégné dans sa tête, il peut se mettre à l’œuvre. Moi, c’est pareil. »
Le bijou est pour l’artiste quelque chose d’abstrait : « Je ne représente pas de petits chevaux, des petits chiens… Cela ne m’intéresse pas : les bijoux comme ça, on en voit partout. » La créatrice travaille sans moule et fait ses constructions avec un chalumeau. « Mais, tout d’abord, je fais mon croquis avec une technique de superposition : je fais un dessin, puis je recopie sur un calque les éléments qui me plaisent et ainsi de suite. Au final, j’arrive ainsi à quelque chose qui me plaît vraiment. »
Yuliya Ruzhechka
« Il faut être curieux de tout »
Quelles sont les qualités requises dans ce métier ? Être très dynamique, minutieux, ordonné, avoir de la patience et être concentré, selon Sibylle… Mais pas seulement. « Il faut avoir beaucoup de culture visuelle, être curieux de tout : de la nature, de la peinture, de la sculpture, de l’architecture et de l’art en général. Après, l’imaginaire, on l’a ou on ne l’a pas… Quant à la technique, cela s’acquiert. »
Mais surtout, comme tout métier d’artisanat d’art, la création de bijoux est un métier de communication. « C’est important qu’il y ait une entente entre l’artisan et la personne qui vient dans son atelier ». Et dans ce métier, les artisans ont besoin de visibilité et doivent donc participer à les salons et expositions.
Découvrez les coulisses de l’atelier de Sibylle Traynard dans notre diaporama.
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Comment crée-t-on un bijou ?
La rencontre avec le client est la première étape du travail de bijoutier. Ensuite, à partir de cette discussion, l’artisan commence à élaborer une esquisse. « À partir du croquis, je réfléchis à comment je vais procéder. Je décide du volume », précise Sibylle.
Ensuite, elle procède à la fabrication avec un fil ou une plaque et commence l’ouvrage. « Cela peut être de la découpe avec la scie. Parmi mes outils, j’ai aussi des limes, des pinces pour donner une forme. Mais mon outil principal est un chalumeau. Il sert à faire de la construction. Comme je n’ai pas de moule, je construis mes bijoux en soudant des plaques. »
Sibylle Traynard travaille l’or et l’argent, des matières premières françaises : « Ici, on a une bonne qualité de métal. La création de bijoux est très surveillée en France. On a un cahier de police où l’on note tout ce qui concerne le bijou, avec le poids, la nature du métal et de la pierre. Tous ces bijoux sont référencés et, à n’importe quel moment, des bijoutiers peuvent se faire contrôler par des douaniers qui surveillent l’entrée et la sortie du métal. »