TROIS QUESTIONS A – Le dispositif de tarification différenciée du stationnement résident à Grenoble, sur la base du quotient familial, est-il légal ? Après le recours déposé par l’opposition socialiste, Jacques Wiart, adjoint délégué aux déplacements, se dit serein. Et dit vouloir reprendre la concertation, quartier par quartier, là où la ville l’a laissée… maintenant que la délibération a été votée. Sauf que rien ne dit aujourd’hui que le dispositif expérimenté à Grenoble a un quelconque fondement juridique. La balle est dans le camp du juge…
Marie-Josée Salat, qui conteste la légalité de la différenciation des tarifs du stationnement résident en fonction du quotient familial, a déposé un recours devant le tribunal administratif. La conseillère municipale d’opposition PS à la ville de Grenoble considère qu’en introduisant des tarifs différenciés, il y a là une entrave au principe d’égalité d’accès devant le service public. Sur quelle base légale se fonde votre mesure ?
Les services juridiques de la Ville nous ont confirmé que le stationnement sur la voie publique est un service public administratif et qu’il était possible de prévoir une tarification sociale en fonction des revenus (voir encadré).
Mme Salat a déposé un recours, ce sera au juge de trancher mais nous sommes sereins. On est dans la légalité des textes.
La Ville parle de concertation mais elle semble avoir été menée a minima avant le vote de la délibération, le 20 juin dernier…
Il y a un sac de nœuds autour de tout ça. Dans l’engagement n° 49 est bel et bien prévu le principe de la concertation mais pour nous, la délibération du 20 juin n’est pas le point final à l’engagement n° 49.
Il y a eu un début de dialogue avec les habitants. Discuter quartier par quartier, c’est ce qu’on avait commencé à faire avec le quartier Île verte, avec Saint-Bruno ou les Eaux-Claires.
On avait engagé des diagnostics avec les habitants. Avec le vote de la délibération, on a convenu de suspendre les travaux.
Au nord des grands boulevards, passer en payant est le seul levier efficace pour diminuer la pression de stationnement dans ce secteur très dense. Mais on ne prendra jamais la décision de passer en payant sans un processus de concertation des habitants.
Le vote lui même a porté sur les orientations de la nouvelle politique de stationnement et sur les choix de tarification. La concertation doit intervenir maintenant à l’échelle des quartiers.
C’est là où il y a eu, dans l’interprétation de l’engagement 49, une différence d’appréciation entre le Cluq et la ville. Tout reste à faire. On n’est peut-être qu’au tiers du chemin.
Comment qualifier ce dispositif ? D’environnemental et de social ? Si le stationnement coûte plus cher, le risque est aussi que les résidents utilisent leur voiture pour se rendre, et se garer, sur leur lieu de travail où ils ne paieront pas. Et comment parler de mesures sociales quand 40 % des résidents paieront peut-être moins, mais 60 % plus… Quand avoir une deuxième voiture, qui n’est pas forcément l’apanage des foyers aisés, se paiera au prix fort (40 euros par mois) ?
Sur le plan environnemental, on a souhaité soulager la Ville de la pression du stationnement sur la voirie.
Pour cela, il faut un signal prix pour que les usagers réfléchissent et puissent éventuellement évoluer dans leurs comportements.
On a arrêté cette mesure mais, avec le temps, on souhaite pouvoir évaluer l’efficacité réelle de cette politique.
Que ce soit en termes de libération de l’espace public ou que ce soit sur cet effet pervers du report des stationnements. Mais selon nous, le risque est faible car, honnêtement, utiliser sa voiture est très coûteux et les alternatives en termes de transport de commun ou de vélo dans l’agglomération sont beaucoup moins chères.
Et, pour nous, le signal prix doit être modulé selon les capacités contributives des ménages. Selon les données collectées depuis juillet, 40 % des usagers paient moins, 10 % n’ont pas vu leurs tarifs baisser (ils sont restés à 12 euros) et 50 % ont vu leurs tarifs augmenter, jusqu’à 30 euros. Ainsi, 30 % des usagers paient 30 euros*, même s’il faudra là aussi attendre les semaines, les mois à venir pour s’en faire une idée plus juste.
Quant au deuxième ticket [pour la seconde voiture, ndlr], à 40 euros quels que soient les revenus, c’est d’après les premiers retours un cas relativement rare. On n’a vendu que 300 tickets à 40 euros sur plus de 7 000 tickets. Mais on n’a pas encore l’information détaillée par revenu et par tranche. Dans les mois à venir, on sera en capacité d’y voir plus clair et de vérifier la justesse de notre politique. Voire d’ajuster les tarifs.
Quelle solution pour les résidents s’il n’y a pas assez de places qui leur sont réservées dans les parkings en ouvrage ?
Ce quota de places réservées aux résidents a déjà été augmenté à une ou deux reprises selon les parkings. Dans les diagnostics par quartier, je me réserve avec mes collègues élus la possibilité d’aller négocier des solutions avec la Métro (qui pilote les parkings en ouvrage). Le parking du musée comme celui de Lafayette est très utilisé, en semaine comme en soirée et, là, on n’a pas de marge pour les résidents. Celui de l’hôtel de ville, sous le stade en fait, est par contre sous-utilisé, comme le parking Catane pourtant à proximité des zones d’habitations.
Propos recueillis par Patricia Cerinsek
* Le tarif de 30 euros par mois s’applique pour une famille de deux parents et deux enfants, au-delà d’un revenu de 3 600 euros par mois. Soit 360 euros par an pour une voiture. Avec deux voitures, la facture se monte à 840 euros.
DERRIÈRE LA TARIFICATION SOCIALE DU STATIONNEMENT, L’ADES
Derrière la tarification différenciée du stationnement, sur la base du quotient familial, il y a l’Ades. C’est sur l’expertise juridique de l’Association démocratie, écologie et solidarité que s’est fondée la ville de Grenoble pour expérimenter sa tarification sociale.
Légale ? Pas légale ? En fait, tout dépend par ce que l’on entend par « stationnement ». Un service public obligatoire, comme le défend Marie-Josée Salat ? Si c’est le cas, rien dans le code général des collectivités territoriales ne prévoit de tarification sociale.
Un service public facultatif, comme le soutient Vincent Comparat ? Là, la jurisprudence du Conseil d’État autoriserait à mettre en place la tarification sociale en fonction du quotient familial.
« En quoi, le stationnement est-il obligatoire ? L’éducation est un service public obligatoire », souligne le président de l’Ades, qui s’étonne ouvertement du recours déposé par l’opposition socialiste sur l’aspect social de la tarification et non sur les augmentations de tarifs. « Mais quelqu’un qui a une voiture n’est pas obligé de se garer sur une place payante. Il peut aller dans un parking en ouvrage, ou avoir lui-même un garage. »
Un service public qui se traduit par une redevance d’occupation du domaine public. « Or, d’après le législateur, le montant de la redevance dépend de ce que le résident en retire », rappelle Romain Rambaud, professeur de droit public à Grenoble. Et non donc des revenus…
Le groupe d’analyse métropolitain ne dit pas autre chose. « La modulation de la tarification du stationnement en fonction de tout critère ne peut se faire que sur la base d’une différence de consommation. La jurisprudence interdit la modulation du ticket résident en fonction des revenus, donc du quotient familial car c’est contraire au principe selon lequel la redevance perçue doit être l’exacte contrepartie de la prestation rendue », relève le Gam qui y voit, comme Marie-Josée Salat, une rupture du principe d’égalité devant le service public.