REPORTAGE – Seulement 19 élèves, pour trois maîtresses, ont fait leur rentrée à l’école Kerber – un établissement privé et entièrement gratuit, fondé à Grenoble par une ancienne avocate. Et un concept unique en France.
C’est l’heure de la récréation, mais Théo* n’a pas envie de sortir et pique une colère. Ses camarades en revanche ne se font pas prier. Balançoire, panier de basket, jeux divers les attendent dans la cour de l’école Kerber.
Déjà la sixième rentrée des classes pour cette discrète petite école élémentaire située dans le quartier Bajatière, à Grenoble.
Dans cette belle demeure bourgeoise, réaménagée en un établissement scolaire accueillant, pas de classes en surcharge. L’effectif plafonne à 19 élèves, répartis en deux classes de niveaux CP à CE2.
Sa vocation ? Offrir une bulle, une parenthèse à des enfants à qui l’école traditionnelle ne convient pas, à qui il faut davantage de temps pour assimiler et s’intégrer dans un groupe. Ceux qui entrent à Kerber « n’ont pas de gros problèmes, mais sont un peu plus lents, introvertis, ou n’ont pas accroché avec l’école classique… Par contre, ils sont motivés pour apprendre », indique Dominique, l’une des institutrices.
« Notre force, c’est le petit effectif »
Trois institutrices issues de l’école publique enseignent aux deux petites classes (CP et CE1-CE2). En matière d’outils pédagogiques, les maîtresses font feu de tout bois : Montessori, Freinet, pédagogie différenciée…
Elles ont aussi été formées aux méthodes des intelligences multiples. « Notre petite touche à nous », concède Dominique. « Mais nous ne sommes pas catalogués et nous suivons le programme de l’Education nationale… », précise Agnès, une autre maîtresse de Kerber.
L’objectif de l’équipe enseignante est en effet que les enfants repartent dans le système scolaire classique et du bon pied. Certains d’entre eux auront sans doute besoin d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS) ou partiront, dans un premier temps, dans une classe d’intégration scolaire (Clis). « En fait, notre force, c’est le petit effectif », considère Agnès. Parce qu’elles passent plus de temps auprès des enfants, les maîtresses peuvent aussi mieux conseiller leurs parents et les aider à faire le bon choix pour leur avenir.
Vivre-ensemble et cantine bio
Après cinq ans de fonctionnement, l’école Kerber a désormais un peu de recul et affiche des résultats satisfaisants. « Un petit autiste est reparti dans une école classique cette année », met en avant Dominique. Une petite victoire. Preuve que le concept de Kerber permet aux enfants d’assimiler tant les apprentissages de base – lire, compter, les notions de géographie, d’histoire, de citoyenneté – que des aptitudes au « vivre-ensemble », avec lequel on ne lésine pas ici.
A telle enseigne que, chaque matin, les enfants commencent la journée par une discussion. Où il s’agit, selon les jours, de parler de la vie en général, d’une œuvre d’art, de débattre d’une question philosophique ou de faire le point sur la semaine écoulée. Et chaque année, les élèves de Kerber font une sortie scolaire de plusieurs jours « pour souder le groupe », souligne Dominique.
Au quotidien, l’équipe enseignante veille à « responsabiliser » les enfants en les faisant adhérer aux règles de la vie en collectivité et participer aux petites tâches quotidiennes : vider la poubelle, mettre la table, ranger la classe, effacer le tableau ou arroser et biner le jardin.
Tous les midis, ils apprennent à bien manger dans leur cantine bio, où ils mettent parfois la main à la pâte.
C’est, par ailleurs, leur cuisinière qui s’occupe de ceux qui restent à la garderie, après la classe, de 16 h 15 à 17 h 30. Sans compter des intervenants extérieurs qui viennent, durant l’année et pendant le temps scolaire, les initier au cinéma, au théâtre, à l’informatique… Une façon d’élargir un peu plus encore l’horizon culturel des jeunes enfants.
Séverine Cattiaux
* Le prénom a été modifié.
ÉCOLE KERBER : UNE ORIGINE DIGNE D’UN ROMAN
C’est en 2011 que Monique Mignotte-Le Lous, ancienne avocate grenobloise, a décidé de fonder une école destinée à venir en aide aux enfants en difficulté. Elle l’a fait sur ses propres deniers, en mémoire de son père d’origine modeste qui a pu continuer l’école grâce à une bourse…
Pourquoi le nom de « Kerber » ? Pour évoquer la ferme en Bretagne (en breton, ker-ber = la maison de Pierre), où le père de Monique a passé son enfance.
La fondation Kerber, abondée par l’héritage paternel, a financé les travaux de l’établissement et rémunère les enseignantes. La fondatrice de l’école reste par ailleurs très impliquée dans son fonctionnement. Elle rencontre, avec l’équipe pédagogique, les parents des élèves candidats pour entrer à Kerber. Et c’est elle qui décide, en dernier ressort, du recrutement des enfants.
Une réflexion sur « Kerber, une école atypique qui offre une parenthèse aux enfants »
Tous les enfants n’ont-ils pas une intelligence multiple ?
Qu’est-ce que ce nouveau mythe pour séparer les enfants ?
Vous feriez mieux d’œuvrer pour une école publique, laïque pour tous. Encore du séparatisme au nom d’un faux égalitarisme ! Les instituteurs de la 3ème république doivent se retourner dans leur tombe.