EN BREF – En 2020, une partie des conseillers communautaires de la Métro seront élus au suffrage universel direct. C’est ce que prévoit un amendement gouvernemental voté en juillet 2015. Mais, derrière, le projet de loi peine à sortir. De quoi menacer la légitimité démocratique des métropoles pour deux Grenoblois qui ont interpellé Manuel Valls.
Une partie des conseillers métropolitains grenoblois seront-ils élus au suffrage universel direct en 2020 ? Daniel Bloch et Romain Lajarge en doutent.
Ces deux Grenoblois, l’un physicien, l’autre géographe*, auteurs de Grenoble, le pari de la métropole**, ont interpellé le Premier ministre Manuel Valls dans une lettre rendue publique par Go citoyenneté.
Car, depuis l’amendement – adopté en dernière minute par l’Assemblée nationale en juillet 2015 –, qui prévoit que le conseil des métropoles soit composé d’un collège de conseillers métropolitains élus au suffrage universel direct et d’un collège de représentants des communes, que s’est-il passé ?
À vrai dire, pas grand-chose. Un projet de loi doit être déposé avant la fin de l’année 2016. De même, le dispositif doit aussi être inséré dans la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République, ndlr). Et ?
« Il [le législateur] ne l’a pas fait et n’a pas (encore) pris date pour légiférer ultérieurement », pointent les deux Grenoblois. « La perspective que ne soit pas reconnue la responsabilité démocratique des élus directement devant les citoyens est donc grande. »
La mort annoncée des communes ?
Qu’est-ce qui coince ? La crainte des maires de perdre leur souveraineté ? Avec, derrière, le spectre de la mort annoncée des communes et des départements ? Les maires n’ont d’ailleurs pas tardé à monter au créneau sitôt l’amendement adopté, par la voix de leur porte-parole, le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard.
« S’il y a un suffrage universel dans une métropole, c’est la mort des communes, c’est la mort des maires », dénonce-t-il dans Le Courrier des maires. La mesure, soutenue par les socialistes, et notamment Michel Destot, était réclamée depuis des années par les écologistes.
Un amendement qui doit mettre fin au système de fléchage en vigueur lors du scrutin de 2014. Car le principe de deux listes distinctes sur un même bulletin de vote (une pour les candidats au conseil municipal, l’autre pour les candidats aux sièges de conseillers communautaires) est jugé insuffisant.
De fait, la circonscription électorale reste communale et les candidats au poste de conseillers communautaires choisis en fonction de leur place sur la liste municipale.
Mais l’élection au suffrage universel direct n’est pas gagnée. Et les cosignataires de la lettre à Matignon craignent que « les métropoles restent des intercommunalités presque comme les autres ou, au mieux, seulement des métropoles confisquées ».
« Les métropoles échoueront si elles vont au conflit avec les maires des communes qui les composent mais elles seront ingouvernables si elles ne peuvent pas prendre appui sur des conseillers métropolitains dont la légitimité sera directement tirée de leur engagement métropolitain », appuient-ils.
« Autrement dit, les conseillers métropolitains sont actuellement seulement les conseillers des communes composant la métropole et ils continueront à être élus, lors des élections communales de 2020, sur des projets qui concerneront d’abord et avant tout la commune dont ils veulent devenir les élus. »
Patricia Cerinsek
* Le physicien Daniel Bloch a notamment été conseiller du président de Grenoble-Alpes Métropole de 2003 à 2007, le socialiste Didier Migaud. Romain Lajarge est géographe à l’Institut de géographie alpine.
** Grenoble, le pari de la métropole, éd. Pug, janvier 2016.