FOCUS – Depuis le 1er janvier 2016, la ville de Grenoble et quarante deux communes de la métropole expérimentent la circulation à 30 km/h. Seuls quelques grands axes conserveront, à titre exceptionnel, la limitation à 50 km/h. Une première expérimentation d’envergure à cette échelle dont les élus attendent des effets bénéfiques tant sur le plan économique que de la sécurité et de la pollution.
La généralisation de la circulation à 30 km/h dans 80 % des rues de Grenoble est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2016. Mais c’est ce mardi 5 janvier que la ville de Grenoble avait choisi pour dévoiler – communication oblige – un panneau de limitation à la vitesse de 30 km/h à l’entrée de ville Catane devant des médias venus en nombre.
À quelques encablures, un autre panneau annonce aux automobilistes qu’ils entrent désormais « dans une métropole apaisée ».
Une manière, peut-être, de désamorcer les éventuelles critiques d’une mesure qui a déjà fait grand bruit dans le Landernau grenoblois dès son annonce.
Une vitesse moyenne en ville entre 17 et 18 km/h
Une métropole apaisée donc. Du moins est-ce le vœu exprimé par quarante-trois communes – sur les quarante-neuf – de la Métropole à l’initiative de la nouvelle réglementation. Seule les communes de Mont-Saint-Martin, Sarcenas, Quaix, Meylan, Saint-Paul-de-Varces et Notre-Dame-de-Mésage n’ont pas souhaité adopter cette mesure.
Une décision collective dont Éric Piolle, le maire de Grenoble, se fait l’écho. « C’est une initiative qui n’a pas de couleur politique », souligne-t-il, non sans satisfaction. L’élu en est convaincu, « c’est l’adaptation de nos villes à un espace public qui permettra aux usagers de pouvoir circuler de façon apaisée ».
Qu’est-ce que cela va changer pour les habitants ? Tout d’abord, c’est l’inversion d’une règle : 30 km/h sera la norme sur la plupart des axes de circulation, tandis que la vitesse de 50 km/h sera l’exception.
Pour autant, cela ne devrait pas changer grand chose, tout au moins dans la ville-centre. « Aujourd’hui, en ville, la vitesse moyenne oscille entre 17 et 18 km/h », tient à pondérer Jacques Wiart, conseiller municipal délégué aux déplacements et à la logistique urbaine.
Ensuite, une trentaine de radars pédagogiques fixes ou mobiles vont être installés. L’objectif ? Rappeler la règle aux usagers et accompagner le changement. « C’est un véritable changement de comportement dans notre rapport à la ville, à l’automobile et une attention beaucoup plus grande aux piétons et aux cyclistes que nous souhaitons », explique l’élu.
« Une très belle opportunité économique pour la commune »
L’annonce de la nouvelle limitation, il y a de cela quelques mois, avait provoqué une levée de boucliers de la part des commerçants, ceux-ci estimant qu’elle dissuaderait les clients potentiels de se rendre en centre-ville. Des velléités d’opposition vite balayées par Jaques Wiart. « Nous sommes a contrario convaincus que c’est une très belle opportunité économique pour la commune. Ainsi, nous allons pouvoir revivifier les commerces et les activités économiques en ville. Avec la ville à 30 km/h, c’est davantage de fluidité », rétorque l’élu.
Une fluidité recherchée, selon lui, par les professionnels de la logistique et qui ne devrait pas pénaliser les livraisons, comme le prédisent beaucoup de commerçants. Bien au contraire.
Pour clore le chapitre, Éric Piolle évoque quant à lui des récriminations récurrentes qui pourraient être judicieusement réglées par l’utilisation optimale des parkings relais.
« Pour les craintes des commerçants, elles sont les mêmes que lorsqu’ils protestaient, à l’époque, contre les zones piétonnes, explique le maire de Grenoble […] Nous disposons de plus d’un millier de places vides, même dans les moments de pics commerciaux, que ce soit dans les parkings construits ou en ouvrages. Il y a donc une réelle possibilité d’absorber des voitures et ainsi de faire en sorte que l’espace public puisse redevenir un espace de vie qui facilite le commerce ».
Diminuer les nuisances sonores et la pollution
Mondane Jactat, conseillère municipale déléguée à la santé et à la politique de prévention, l’assure, cette mesure de limitation de vitesse va permettre d’améliorer la sécurité des personnes, de réduire les nuisances sonores et la pollution. « C’est la sécurité des personnes les plus vulnérables dans la rue dont il est question. À 30 km/h, la distance de freinage sera divisée par deux pour passer de 27 à 13 mètres, ce qui permettra de diviser par neuf les risques de décès », assure l’élue.
Quant au bruit qui est, selon la conseillère municipale, la nuisance principale ressentie par la population, il sera mécaniquement fortement diminué. Il en sera de même, par effet de bord, pour la pollution, l’enjeu majeur consistant à améliorer la santé des populations qui vivent le long des axes routiers.
Les aspects “sécurité” de la mesure, bien qu’importants, ne sont pas les plus emblématiques.
C’est du moins l’avis de Philippe Zanola, membre de l’Association pour le développement des transports en commun, voies cyclables et piétonnes de l’agglomération grenobloise (ADTC) et de l’association Rue de l’avenir. « La ville va enfin devenir une vraie ville […] Nous avons réussi à faire de nos villes des tuyaux à voitures avec des conducteurs isolés de leur environnement », constate-t-il.
Et de poursuivre : « Il est très important de retrouver cet espace urbain, de le reconquérir et la prochaine étape nous espérons que ce sera un meilleur partage de l’espace public qui est actuellement dévolu à 80 voir 90 % à l’automobile », conclut le militant associatif.
Quid des contrôles ? Sur ce point, Éric Piolle se veut rassurant. Certes, c’est une modification de la réglementation mais, pour autant, il n’est pas question de piéger les automobilistes.
« On y va tranquillement. Les panneaux et les marquages au sol vont être réalisés progressivement, les radars ne seront là qu’à titre pédagogique. Tout est là pour faciliter cette transition, ce changement de pratiques », déclare le maire.
A noter : un suivi et une évaluation vont, par ailleurs, être mis en place. L’objectif visé ? Davantage de souplesse et d’évolutivité dans la mise en œuvre de la mesure. Jacques Wiart nous en précise les contours.
Joël Kermabon
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