REPORTAGE VIDÉO – La troisième édition de « À la Bastille ! », le festival de théâtre en plein air de la Bastille bat son plein. Au programme, du 1er au 15 août, pas moins de trente spectacles mêlant théâtre, danse, musique et conférences écologiques, éthiques ou politiques. Le tout en plein air sur les terrasses bordant les contreforts du fort de la Bastille. Retour sur un« festival ensoleillé pour rire penser et même réfléchir ».
Une fois parvenu à la gare haute du téléphérique, il faut encore faire quelques pas sur le sentier descendant vers la porte de France pour dénicher le lieu où se déroule le spectacle du jour. A travers le feuillage bordant le sentier, on perçoit quelques éclats de dialogues hachés par le vent soufflant en rafales.
La scène, naturelle, se situe en contrebas de quelques marches irrégulières délimitées par des rondins. Pas d’estrade, pas de régie ni d’amplification. Spectateurs et acteurs sont au même niveau, favorisant ainsi la proximité.
Deux comédiens se tiennent là, se donnant la réplique devant une maigre assistance. Il est vrai que la météo, avec la menace d’orages imminents, est bien loin d’être engageante ce samedi 8 août, ceci expliquant en partie cela. Mais pas seulement.
Une communication un peu tardive, voire confidentielle, n’a peut-être pas permis de toucher un public déjà rare sur Grenoble en cette période d’été. L’entreprise n’en demeure pas moins courageuse : monter un festival entièrement gratuit et hors-normes.
Un festival de théâtre anarchiste, alternatif et autogéré
« Burn août », tel était le titre de la pièce jouée ce jour là par Christine Favaro et Philippe Bazatole, président de la compagnie Les Bleus de Sassenage, tous deux coordinateurs du festival. Une « comédie sans queue ni tête, citoyenne, sociale et libertaire », écrite par le directeur de la compagnie, dont les plâtres ont notamment été essuyés lors du festival “off” d’Avignon cet été.
Complices sur la scène comme à la ville, les deux acteurs se délectent à dépeindre, avec une jubilation non feinte, des scènes de la vie de tous les jours, des comportements “ordinaires”.
Mêlant humour, poésie et fantaisie à des tirades – détournées – empruntées à Cyrano de Bergerac ou encore à Phèdre, ils tendent ainsi un miroir aux spectateurs qui ne peuvent manquer de s’y reconnaître. Le tout sur fond de considérations écologiques, sociétales et politiques.
Pour autant, bien que les personnalités politiques soient souvent égratignées, ce n’est jamais virulent ou agressif. Les messages passent en douceur. « Des fois, “ça pique”, mais ce n’est jamais méchant, gratuit », souligne Philippe Bazatole. « Le ton est, il est vrai, résolument anarcho-libertaire, mais c’était aussi notre souhait de créer un festival de théâtre anarchiste, alternatif et autogéré. » L’acteur en est convaincu, la démarche est cohérente : « Nous ne sommes pas marqués politiquement, mais nous nous inscrivons dans une démarche citoyenne active. Nous sommes pour une démocratie directe », assure-t-il.
Pour étayer ses propos, Philippe Bazatole évoque une autre facette du festival. « Outre les différents spectacles, nous organisons également des conférences-débats éthiques, politiques, dans le sens noble du terme, où l’on parle de la chose commune. »
C’est ainsi que Mathilde Anstett et Sylvain Rochex, si la météo l’avait permis*, auraient animé, lundi 10 août, une conférence intitulée « Il faut tout un village pour éduquer un enfant » (proverbe sénégalais), sur le thème de la déscolarisation positive et iconoclaste.
Un autre thème sera abordé ce vendredi 14 août, à 18 heures : « L’art dramatique : une pratique indisciplinée ». Une conférence qui sera suivie d’un débat avec Viviane Huys, historienne de l’art, diplômée en philosophie du langage et docteure en histoire.
Réalisation Joël Kermabon
« Ce n’est pas saugrenu d’organiser un festival gratuit ! »
Le festival ne bénéficie d’aucune subvention. Son organisation ne repose que sur le bénévolat. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, pour Philippe Bazatole, le financement, bien que non négligeable, n’est pas le problème principal. « Nous n’avons pas réellement besoin d’argent. Nous avons besoin d’une communication sérieuse et soutenue en amont et aussi d’un soutien moral de la mairie », expose le comédien.
Pour cette troisième édition, la ville de Grenoble figure bien parmi les quelques partenaires du festival. Mais en quoi consiste ce partenariat ? « Elle est partenaire dans le sens où elle ne s’oppose pas au festival. Ils nous ont relayés sur le site de la ville de Grenoble, tout comme l’a fait la régie du téléphérique, sans pour autant nous soutenir financièrement si l’on fait exception d’une quarantaine d’allers-retours gratuits dans les bulles », constate Philippe Bazatole.
Selon ce dernier, la mairie avait déjà été approchée juste après l’édition 2014. La municipalité n’avait alors pas donné de suites, sans doute « encore débordée par sa récente arrivée aux affaires », tente d’expliquer l’acteur.
« Nous souhaitons à la rentrée pouvoir établir des contacts sérieux avec eux et qu’ils puissent nous entendre. Ce n’est pas une idée saugrenue que d’organiser un festival gratuit. Ça ne coûte rien à la collectivité », souligne Philippe Batazole.
En attendant, le festival suit son cours jusqu’au 15 août. Malgré une météo fluctuante, les organisateurs gardent une motivation intacte. Si vous montez à la Bastille (ou en redescendez) sur le coup de 16 heures et que vous entendez quelques répliques, vous êtes au bon endroit ! Prenez le temps de vous arrêter et d’assister à l’une des représentations offertes par ce petit festival qui aimerait bien, un jour, jouer dans la cour des grands.
Joël Kermabon
Pour en savoir plus : consultez la programmation sur le site officiel du festival.
* Suite à l’annulation de la conférence, l’article a été modifié le 11 août 2015 à 11 h 45.