REPORTAGE – Disparition des classes “adaptées”, réduction des heures d’enseignement, manque de concertation, suppression du latin et des filières bilingues… La réforme des collèges ne passe pas auprès des professeurs. Ce mardi 19 mai après-midi, le cortège grenoblois a rassemblé plusieurs centaines d’enseignants des différentes filières.
« On est revenu quinze ans en arrière », se désole Béatrice Vincent, secrétaire départementale Force ouvrière (FO) des lycées et collèges.
Derrière la réforme des collèges proposée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, les professeurs flairent la piste d’une réforme économique. Béatrice Vincent a fait le calcul avec le syndicat : « Depuis les années 2000, le coût moyen par élève n’a jamais été aussi faible ».
Le syndicat n’est pas le seul à faire le constat. « Il y a des solutions mais il faut le budget qui va avec, confirme une professeure d’anglais en 4e et 5e au collège du Touvet, qui manifeste pour le maintien des classes bilingues en allemand. On nous demande toujours de nous occuper des élèves en difficulté mais sans moyens. »
En tant que professeure d’anglais, elle est aussi directement concernée par la réduction des heures de cours. « Les LV2 perdent une demi-heure de cours par semaine : elles passent de trois heures à deux heures trente. »
Jean-Michel Ducros, professeur d’EPS au collège Vercors et membre du syndicat Snep-FSU, pointe, lui, le nombre d’heures d’enseignement comme la clé de la réussite ou de l’échec des élèves.
A proximité de la voiture syndicale, Damien Barthélémy a fabriqué sa propre pancarte.
Ce professeur des écoles est venu par solidarité avec ses collègues, mais aussi pour ses cours au collège en classes Segpa (sections d’enseignement général et professionnel adapté). Avec la réforme, ces classes au nombre d’élèves réduits n’existeront plus à moyen terme. « Les élèves vont être intégrés dans les classes ordinaires, avec 25 ou 26 de leurs camarades », ajoute Béatrice Vincent. « Je souhaite bien du courage aux collègues du collège », conclut Damien Barthélémy, un peu amer.
Au-delà de la réforme en elle-même, quelques enseignants regrettent le manque de concertation sur le sujet. A l’image de Sofien Bourzig, professeur de mathématiques au collège de Tullins, qui n’est pas contre une réforme dans l’absolu : « On veut qu’il y ait une concertation avec les professeurs et pas de leur côté, dans les ministères, avec des personnes qui n’ont pas forcément connaissance du collège ».
Charlotte Robert, professeur de français au sein du même établissement, confirme ce sentiment : « On a l’impression de ne pas être entendu. Cette réforme a été faite sans concertation avec les enseignants et aucune de nos revendications n’a été entendue. »
Parmi la foule d’enseignants en tout genre, Yann Liotard du collège Les Saules à Grenoble enseigne le français… et surtout le latin ! Une langue dite “morte” qui pourrait le devenir une bonne fois pour toute avec la réforme qui prévoit sa suppression. Son enseignement au collège est pourtant bien vivant, même si les effectifs de latinistes varient. Yann Liotard tente la métaphore : « C’est un peu comme le vin ! Il y a les bons crus… Et, parfois, c’est plus mince ». Cette année, il compte ainsi une classe de 25 élèves en 4e, contre une douzaine en 5e.
Le cortège se termine devant le rectorat de Grenoble, place Bir-Hakeim. La foule n’a guère envie de s’avancer pour « mettre la pression ». Quelques derniers slogans sont entonnés, mais l’enthousiasme de la manifestation retombe rapidement. Une de plus.
Ludovic Chataing