Elisa Martin, première adjointe à la tranquillité publique à Grenoble devant un plan du quartier Mistral. © Paul Turenne - placegrenet.fr

Mistral : les poli­tiques plus que jamais au pied du mur

Mistral : les poli­tiques plus que jamais au pied du mur

DÉCRYPTAGE – Alors que la muni­ci­pa­lité tente d’a­mé­lio­rer la vie des habi­tants du quar­tier Mistral, les cri­tiques fusent dans l’op­po­si­tion. L’occasion de reve­nir sur les poli­tiques d’hier et d’au­jourd’­hui dans la cité. Et d’i­ma­gi­ner ce que pour­rait être l’avenir.

On a tou­jours envie d’employer les grands moyens face aux gros pro­blèmes. De la cité-jar­dins des années 20 aux grands ensembles de la fin des années 60, le quar­tier Mistral a connu de pro­fonds chan­ge­ments d’ur­ba­nisme, per­dant en ver­dure ce qu’il a gagné en nombre d’ha­bi­tants. Depuis, les barres et les tours se sont bien sûr usées, salies, ridées comme un visage après plu­sieurs décennies.

En 2003, le plan Borloo pour la ban­lieue est tombé à pic, per­met­tant de sou­te­nir finan­ciè­re­ment le nou­veau pro­jet urbain pour Mistral à hau­teur de plus d’une cen­taine de mil­lions d’eu­ros. Une dizaine d’an­nées ont été néces­saires pour lui rava­ler la façade. Les der­nières retouches sont en cours. Un lif­ting inté­gral avec peut-être à la clé, comme l’es­pèrent les poli­tiques, un chan­ge­ment en profondeur ?

Mistral connecté au reste de la ville. © Ville de Grenoble

Mistral connecté au reste de la ville. © Ville de Grenoble

Indéniablement, le visage de la cité s’est aujourd’­hui ouvert sur le quar­tier des Eaux-Claires et, plus lar­ge­ment, sur le reste de la ville. Mais les hommes, comme autant d’a­tomes consti­tu­tifs, peuvent-ils chan­ger aussi vite de trajectoires ?

Pas facile quand des obs­tacles contraignent le par­cours des vies. A com­men­cer par le chô­mage mas­sif des jeunes, la pau­pé­ri­sa­tion crois­sante et les dis­cri­mi­na­tions, toutes les petites nuances entre les hommes étant sou­vent sources de rejet. Sans comp­ter les inci­vi­li­tés et dégra­da­tions dans les immeubles, la main-mise des tra­fi­quants sur le quar­tier, la fer­me­ture des com­merces, le repli com­mu­nau­taire et le déve­lop­pe­ment du fait reli­gieux qui font sou­vent le lit de l’intolérance.

Pour éteindre l’in­cen­die, que pro­posent actuel­le­ment les poli­tiques de tous bords, afin de chan­ger les condi­tions de vie des habi­tants de Mistral ? Et que pense l’op­po­si­tion des actions de la Ville ?

Enseignement musical renforcé à Mistral de 1976 à 1990. © Extrait du film Mistral décibels années

Enseignement musi­cal ren­forcé à Mistral de 1976 à 1990. © Extrait du film Mistral déci­bels années

Il est bien loin le temps où les poli­tiques misaient mas­si­ve­ment sur l’é­du­ca­tif et les ″méthodes douces″. Beaucoup d’ha­bi­tants se sou­viennent encore de l’en­sei­gne­ment musi­cal ren­forcé dans les écoles pri­maires, mis en place en 1976 sous Hubert Dubedout et conforté sous la man­da­ture d’Alain Carignon.

Se rap­pelle-t-on que l’é­cole Mistral a été la pre­mière à en béné­fi­cier ? « On per­met­tait à ces enfants d’a­voir accès à la musique alors qu’ils étaient bien loin du conser­va­toire », se sou­vient Colette Quinery, pro­fes­seur de piano et res­pon­sable du ser­vice d’é­du­ca­tion musi­cale à la ville de Grenoble de 1972 à 1995.

Quant aux ins­ti­tu­teurs, ils étaient satis­faits. Grâce à cette bouf­fée d’oxy­gène, les enfants étaient plus atten­tifs en classe et appre­naient mieux, selon la musi­cienne. L’embellie dura jusqu’en 1990, moment du chan­ge­ment de l’é­quipe péda­go­gique de l’école.

Aujourd’hui ? On parle sécu­rité, vidéo­sur­veillance et mise sous tutelle de l’État des quar­tiers sensibles.

« Pas le début du com­men­ce­ment d’un plan d’action »

Début 2015, Éric Piolle décla­rait sur RMC, face à Jean-Jacques Bourdin, en avoir marre qu’on parle sans cesse de sécu­rité. Élisa Martin, 1re adjointe en charge du par­cours édu­ca­tif et de la tran­quillité publique, lui emboîte le pas : « Plutôt que tout le temps en cau­ser, mieux vaut agir. C’est plu­tôt ça, notre phi­lo­so­phie ».

Élisa Martin, lors de son premier conseil municipal à Grenoble. © Muriel Beaudoing - placegrenet.fr

Élisa Martin, lors de son pre­mier conseil muni­ci­pal à Grenoble. © Muriel Beaudoing – pla​ce​gre​net​.fr

Actuellement où en sont-ils ? Chef d’or­chestre sur Mistral, Élisa Martin pré­cise ses actions. Elle a fait le tour de tous les par­te­naires et conti­nue de les ren­con­trer régulièrement.

« J’anime aussi un comité de pilo­tage tech­nique, qui ras­semble l’en­semble des ser­vices muni­ci­paux inter­ve­nant sur Mistral, pour avoir une inter­ven­tion plus forte, mieux coor­don­née. »

L’élue s’oc­cupe de tous les aspects : tran­quillité, sécu­rité en lien avec les ser­vices de la police natio­nale, pro­jets social, cultu­rel et édu­ca­tif… Elle suit éga­le­ment de près le renou­vel­le­ment urbain, les logiques de l’Anru et les financements.

« On s’at­taque aussi très clai­re­ment à la ques­tion des com­merces de proxi­mité. On a ren­con­tré ceux qui y sont encore implan­tés : la phar­ma­cie, le bureau de tabac, la bou­che­rie. On est en train de réflé­chir à leur trans­fert sur l’es­pace Vaucanson. Et nous sommes par ailleurs en pleine dis­cus­sion avec Lidl. »

Jérôme Safar, actuel­le­ment conseiller muni­ci­pal d’op­po­si­tion et chef de fil des socia­listes à Grenoble, s’im­pa­tiente : « Je n’ai pas encore vu le début du com­men­ce­ment d’un plan d’ac­tion sur Mistral. Et je suis étonné parce que la muni­ci­pa­lité ne part pas d’une page blanche. Cela fait un an qu’ils sont là. Il faut faire atten­tion. Des gens veulent faire vivre le quar­tier. Ne leur don­nons pas le sen­ti­ment que la mai­rie les aban­donne. »

« Des élus s’accommodent des voyous et des com­mu­nau­tés par électoralisme »

Matthieu Chamussy. © Nils Louna

Matthieu Chamussy. © Nils Louna

Apparemment peu pro­lixe sur le sujet ce jour-là, Matthieu Chamussy, pré­sident du groupe UMP – UDI au conseil muni­ci­pal de Grenoble, s’é­tonne quand même : « Pourquoi dans un si petit espace [10 ha, ndlr] où vivent moins de 3 000 habi­tants, on n’a pas encore réussi à résoudre les pro­blèmes ? ».

Pour son homo­logue de l’UMP, Alain Carignon, tout est lim­pide : « La popu­la­tion est main­te­nue dans une situa­tion de pau­pé­ri­sa­tion, volon­tai­re­ment […] Des élus s’accommodent des voyous et des com­mu­nau­tés par élec­to­ra­lisme parce que cela pro­duit un ren­de­ment. Cette situa­tion est orga­ni­sée et la preuve, c’est le résul­tat élec­to­ral. Dans ce quar­tier, on vote à 80 % pour la gauche et l’ex­trême gauche ! ».

Face à l’at­taque, Jérôme Safar se fait mor­dant : « Ça relève qua­si­ment de la dif­fa­ma­tion ! S’accommoder des voyous par élec­to­ra­lisme, c’est du grand n’im­porte quoi ! Que la droite aille davan­tage dans ces quar­tiers, écoute un peu plus les habi­tants et peut-être aura-elle plus de voix aux élec­tions ! » Et de tacler son rival sur la droite en lui ren­voyant la balle : « Quand la droite a dirigé la Ville sur les 30 der­nières années, là, on était dans le clien­té­lisme et l’é­lec­to­ra­lisme le plus effréné dans ces quar­tiers. »

« Une poli­tique d’at­tri­bu­tion des loge­ments tota­le­ment déséquilibrée »

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Véronique Magnin

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