DÉCRYPTAGE – Alors que la municipalité tente d’améliorer la vie des habitants du quartier Mistral, les critiques fusent dans l’opposition. L’occasion de revenir sur les politiques d’hier et d’aujourd’hui dans la cité. Et d’imaginer ce que pourrait être l’avenir.
On a toujours envie d’employer les grands moyens face aux gros problèmes. De la cité-jardins des années 20 aux grands ensembles de la fin des années 60, le quartier Mistral a connu de profonds changements d’urbanisme, perdant en verdure ce qu’il a gagné en nombre d’habitants. Depuis, les barres et les tours se sont bien sûr usées, salies, ridées comme un visage après plusieurs décennies.
En 2003, le plan Borloo pour la banlieue est tombé à pic, permettant de soutenir financièrement le nouveau projet urbain pour Mistral à hauteur de plus d’une centaine de millions d’euros. Une dizaine d’années ont été nécessaires pour lui ravaler la façade. Les dernières retouches sont en cours. Un lifting intégral avec peut-être à la clé, comme l’espèrent les politiques, un changement en profondeur ?
Indéniablement, le visage de la cité s’est aujourd’hui ouvert sur le quartier des Eaux-Claires et, plus largement, sur le reste de la ville. Mais les hommes, comme autant d’atomes constitutifs, peuvent-ils changer aussi vite de trajectoires ?
Pas facile quand des obstacles contraignent le parcours des vies. A commencer par le chômage massif des jeunes, la paupérisation croissante et les discriminations, toutes les petites nuances entre les hommes étant souvent sources de rejet. Sans compter les incivilités et dégradations dans les immeubles, la main-mise des trafiquants sur le quartier, la fermeture des commerces, le repli communautaire et le développement du fait religieux qui font souvent le lit de l’intolérance.
Pour éteindre l’incendie, que proposent actuellement les politiques de tous bords, afin de changer les conditions de vie des habitants de Mistral ? Et que pense l’opposition des actions de la Ville ?
Il est bien loin le temps où les politiques misaient massivement sur l’éducatif et les ″méthodes douces″. Beaucoup d’habitants se souviennent encore de l’enseignement musical renforcé dans les écoles primaires, mis en place en 1976 sous Hubert Dubedout et conforté sous la mandature d’Alain Carignon.
Se rappelle-t-on que l’école Mistral a été la première à en bénéficier ? « On permettait à ces enfants d’avoir accès à la musique alors qu’ils étaient bien loin du conservatoire », se souvient Colette Quinery, professeur de piano et responsable du service d’éducation musicale à la ville de Grenoble de 1972 à 1995.
Quant aux instituteurs, ils étaient satisfaits. Grâce à cette bouffée d’oxygène, les enfants étaient plus attentifs en classe et apprenaient mieux, selon la musicienne. L’embellie dura jusqu’en 1990, moment du changement de l’équipe pédagogique de l’école.
Aujourd’hui ? On parle sécurité, vidéosurveillance et mise sous tutelle de l’État des quartiers sensibles.
« Pas le début du commencement d’un plan d’action »
Début 2015, Éric Piolle déclarait sur RMC, face à Jean-Jacques Bourdin, en avoir marre qu’on parle sans cesse de sécurité. Élisa Martin, 1re adjointe en charge du parcours éducatif et de la tranquillité publique, lui emboîte le pas : « Plutôt que tout le temps en causer, mieux vaut agir. C’est plutôt ça, notre philosophie ».
Actuellement où en sont-ils ? Chef d’orchestre sur Mistral, Élisa Martin précise ses actions. Elle a fait le tour de tous les partenaires et continue de les rencontrer régulièrement.
« J’anime aussi un comité de pilotage technique, qui rassemble l’ensemble des services municipaux intervenant sur Mistral, pour avoir une intervention plus forte, mieux coordonnée. »
L’élue s’occupe de tous les aspects : tranquillité, sécurité en lien avec les services de la police nationale, projets social, culturel et éducatif… Elle suit également de près le renouvellement urbain, les logiques de l’Anru et les financements.
« On s’attaque aussi très clairement à la question des commerces de proximité. On a rencontré ceux qui y sont encore implantés : la pharmacie, le bureau de tabac, la boucherie. On est en train de réfléchir à leur transfert sur l’espace Vaucanson. Et nous sommes par ailleurs en pleine discussion avec Lidl. »
Jérôme Safar, actuellement conseiller municipal d’opposition et chef de fil des socialistes à Grenoble, s’impatiente : « Je n’ai pas encore vu le début du commencement d’un plan d’action sur Mistral. Et je suis étonné parce que la municipalité ne part pas d’une page blanche. Cela fait un an qu’ils sont là. Il faut faire attention. Des gens veulent faire vivre le quartier. Ne leur donnons pas le sentiment que la mairie les abandonne. »
« Des élus s’accommodent des voyous et des communautés par électoralisme »
Apparemment peu prolixe sur le sujet ce jour-là, Matthieu Chamussy, président du groupe UMP – UDI au conseil municipal de Grenoble, s’étonne quand même : « Pourquoi dans un si petit espace [10 ha, ndlr] où vivent moins de 3 000 habitants, on n’a pas encore réussi à résoudre les problèmes ? ».
Pour son homologue de l’UMP, Alain Carignon, tout est limpide : « La population est maintenue dans une situation de paupérisation, volontairement […] Des élus s’accommodent des voyous et des communautés par électoralisme parce que cela produit un rendement. Cette situation est organisée et la preuve, c’est le résultat électoral. Dans ce quartier, on vote à 80 % pour la gauche et l’extrême gauche ! ».
Face à l’attaque, Jérôme Safar se fait mordant : « Ça relève quasiment de la diffamation ! S’accommoder des voyous par électoralisme, c’est du grand n’importe quoi ! Que la droite aille davantage dans ces quartiers, écoute un peu plus les habitants et peut-être aura-elle plus de voix aux élections ! » Et de tacler son rival sur la droite en lui renvoyant la balle : « Quand la droite a dirigé la Ville sur les 30 dernières années, là, on était dans le clientélisme et l’électoralisme le plus effréné dans ces quartiers. »
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