BLOG CULTURE – D’après une histoire vraie, programmé à la MC2 début avril, croise contemporanéité et folklore dans une même danse, qui résonne au son de deux batteries, tantôt rock, tantôt tribales. Christian Rizzo renoue avec ses vieilles amours rock’n roll et interroge la norme mâle via ses huit interprètes, tout en cheveux et en barbes.
On peut faire une lecture autobiographique des créations de Christian Rizzo, de l’aveu du chorégraphe lui-même. D’après une histoire vraie ne déroge pas à la règle puisque sa genèse s’inscrit dans une expérience vécue. « En 2004, à Istanbul. À quelques minutes de la fin d’un spectacle auquel j’assiste, surgit comme de nulle part une bande d’hommes qui exécute une danse folklorique très courte et disparaît aussitôt. Une émotion profonde, presque archaïque, m’envahit », confie Christian Rizzo dans la note d’intention du spectacle.
Danse contemporaine et folklorique
L’expérience du spectateur fouille également dans des territoires archaïques à la vue de cette danse irriguée de folklore, méditerranéen pour l’essentiel. Les huit interprètes semblent se livrer à quelque rite aussi ancestral qu’actuel. La danse permet de fantasmer un culte inédit traversé par les élans des deux batteries qui surplombent la scène en arrière-plan.
La présence des batteurs-compositeurs Didier Ambact et King Q4 sur le plateau ajoute à la dimension cultuelle du spectacle. Les batteries vibrent des multiples influences que brasse la chorégraphie. Les cymbales claquent en mode tribal. Les percussions esquissent de douces rythmiques ou, à rebours, crachent un rock binaire débridé… Les atmosphères s’étagent ainsi sous une lumière spectrale et uniforme.
Au-dessus de la norme mâle
Mais ce que l’on observe surtout, ce sont ces huit hommes d’âge médian, aux silhouettes voisines, aux habits tristement contemporains : une gamme de bleu et de gris, des chemises, des jeans. La nudité des pieds qui frottent les tapis, les étreintes, les rondes et guirlandes bras dessus, bras dessous jettent une bizarrerie salvatrice dans cette uniformité toute actuelle.
Les barbes et les cheveux longs qu’arborent certains se parent de significations plurielles. Est-ce là quelque attribut attaché à la pratique d’un curieux rituel ? Ou simplement le signe d’une allégeance à la dernière tendance capillaire ? Christian Rizzo semble puiser là dans ses différentes histoires artistiques, celles des origines : le stylisme et le rock, notamment.
Sur cette trame, les déplacements se complexifient à mesure que le spectacle avance, comme si ce drôle d’office dansé gagnait en richesse. D’amples arabesques strient l’espace. Les pas de bourré se mêlent à de petits jetés de jambes folkloriques. Les mains nouées dans le dos et les esquisses de rondes sont aussi ludiques que porteuses de réflexion sur ce qui fait civilisation, construit ou déconstruit une norme. Et c’est bien la norme mâle qu’enjambent avec gravité et amusement les huit danseurs dans de gracieux sautillements.
Adèle Duminy
D’après une histoire vraie : pièce pour huit danseurs et deux batteurs.
Conception, chorégraphie, scénographie et costumes de Christian Rizzo.
Spectacle vu le 7 février 2015 au Bâtiment des forces motrices à Genève, dans le cadre du Festival Antigel
D’après une histoire vraie est programmé à la MC2 de Grenoble
Mardi 1er avril, 19 h 30
Jeudi 2 avril, 19 h 30
Vendredi 3 avril, 20 h 30
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