ENTRETIEN – Guy Môquet, court-métrage du cinéaste grenoblois Demis Herenger sera présenté en mai à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Cette comédie romantique de 32 minutes, entièrement tournée à la Villeneuve, met en scène 25 jeunes de la cité grenobloise. Rencontre avec le réalisateur.
Pouvez-vous nous expliquer comment est né le projet Guy Môquet ? C’est un projet réalisé avec le collectif grenoblois Vill9 la Série et Baldanders Films, société de production basée à Marseille. Ce sont eux qui m’ont invité à réaliser ce court-métrage, entièrement tourné dans le quartier de la Villeneuve. L’aventure a réellement démarré en février 2013. Nous avons alors commencé à discuter du projet lors de réunions. L’idée était de trouver la stratégie pour répondre à cette invitation. Le cinéaste Jean Renoir disait d’ailleurs qu’un film se prépare comme un casse.Comment s’est passée l’écriture du scénario ?
Écrire seul le scénario et le soumettre ensuite à l’approbation n’était pas l’idée que je me faisais de ce projet. Ce film s’est écrit et construit collectivement. J’étais certain que la mixture ne prendrait que s’il y avait une implication personnelle de chaque personne de l’équipe. Ça ne veut pas dire pour autant que je prenais tout ce que me disait chacun. Et ça ne veut pas dire non plus que c’est un scénario signé collectivement car c’est bien moi qui le signe. Souvent, je demandais à des personnes de l’équipe de me raconter le film et, d’après leur façon de raconter les trous ou les détails, j’évaluais ce qui pouvait clocher ou ce qui était à préciser. C’est donc un scénario peu écrit et très parlé.Comment s’est déroulé le tournage à la Villeneuve ?
J’aime faire des films à l’endroit où je suis. Et en l’occurrence, j’étais à la Villeneuve. Nous avons tourné Guy Môquet en un laps de temps très court, autrement dit en sept après-midis et une nuit. Les acteurs avaient des tas de choses à faire. Certains travaillaient ou étaient scolarisés. Il fallait donc faire vite… Je transmettais les indications de dialogues, le sens et le mouvement de la scène, la disposition et on tournait dans la foulée. Je pense qu’un réalisateur doit savoir s’adapter au milieu dans lequel il tourne. Dans un quartier difficile, un pays en crise, on ne peut pas arriver avec plusieurs cars de régie. Sinon, cela devient obscène. Quand je tourne en milieu carcéral d’ailleurs, je n’amène pas du gros matériel car c’est honteux pour l’administration pénitentiaire. Dans ce cas-là, on ne fait pas un cinéma de l’histoire mais un cinéma de la consommation. Le désir que j’ai de cinéma est un désir de parler du monde.On est loin du film de banlieue…
Tout à fait ! L’idée n’était pas du tout de faire un film de quartier. Les images qui nous sont données à voir des “quartiers” vont souvent dans le même sens. On parle de drogue, de délinquance, de prison et de trafic et l’on finit par oublier qu’il existe d’autres sens possibles. C’est un peu la même idée lorsque que je tourne des films en milieu carcéral. Le spectateur ne sait pas forcément que le film se passe en prison et je ne parle pas forcément de cela ou alors de manière métaphorique. Ce qui m’intéresse, c’est de décaler le regard.Un mot sur les acteurs de ce film. Ce sont tous des amateurs ?
Oui, j’aime tourner avec des acteurs amateurs. Ce qui m’intéresse, c’est d’évaluer leur désir de cinéma. Tous ont été préparés par des ateliers menés par l’équipe de Vill9 la série. Ces ateliers avaient commencé quelques mois avant le tournage. Nous y avons testé et filmé des situations proches du scénario. Le choix des acteurs s’est ensuite fait à partir des ateliers mais aussi au hasard des rencontres.Quel regard portez-vous sur le cinéma français ?
Depuis mes débuts, le cinéma a évolué. Aujourd’hui, tout le monde peut faire des films, même ceux qui ont moins de moyens. C’est comme dans le football et l’écriture. Les téléphones font désormais des films, les caméras ne coûtent pas si cher… Après, qui sera Rimbaud, qui ne le sera pas ? En tout cas, on est à égalité devant les moyens. Maïlys MedjadjSynopsis : Guy Moquet ou Guimo, ou encore Guim’s, a promis à Ticky de l’embrasser au crépuscule en plein milieu du quartier devant tout le monde. Peut-être pas si fou… mais peut-être pas si simple.