DÉCRYPTAGE – Alors que la vénérable tour Perret continue de sublir une lente érosion, la municipalité ne semble toujours pas résolue à lancer des travaux de restauration. Une inaction qui a poussé un simple citoyen grenoblois, très attaché à la tour, à lancer une pétition. Son objectif : demander à la mairie un engagement daté et précis.
500. C’est le nombre de signatures recueillies en quelques jours par Pascal Bioud pour sauver la tour Perret à Grenoble. La pétition a été « beaucoup partagée sur les réseaux sociaux », se félicite ainsi son auteur, qui présente sa démarche comme celle d’un « Grenoblois qui aime son patrimoine et en particulier la tour ». Celui-ci assure d’ailleurs ne pas chercher à faire de polémique partisane et se baser sur les études Tillier et Mouton de 2005 et 2012, qui soulignent la nécessité de mener des travaux de restauration et en chiffrent le coût.
Un enjeu électoral
Cependant, à quelques mois des élections municipales, la question de l’avenir de la tour Perret se transforme évidemment en enjeu politique. C’est ce qu’a bien compris Alain Robert, délégué départemental adjoint de la Fondation du patrimoine pour le Sud Isère. Celui-ci ira donc, dès le mois d’octobre, à la rencontre des décideurs politiques et des associations culturelles et de protection du patrimoine pour étudier comment sauver la tour. Il remettra ensuite ses conclusions à la prochaine équipe municipale pour « l’aider à prendre une décision ».
Du côté de l’opposition de droite, la dégradation de la tour est le symbole de l’abandon du patrimoine architectural de la ville par la majorité. Ainsi, le conseiller municipal UMP Matthieu Chamussy s’estime-t-il « heureux d’être rejoint dans un combat mené depuis plus de dix ans ». Pour lui, la sauvegarde de la tour n’a « jamais été une priorité de la municipalité », ce qu’il regrette et qu’il entend évidemment changer en cas de victoire aux municipales.
Le discours se veut pourtant rassurant du côté de la majorité. Pour l’adjoint à l’urbanisme Philippe de Longevialle, la tour n’est ainsi pas une priorité, notamment par rapport au clocher de la collégiale Saint André, qui serait en bien plus piteux état. « La structure de la tour n’est pas du tout menacée » affirme l’élu. Une récente étude technique aurait même démontré, selon lui, que la tour était capable de résister à certains séismes. « Sinon, nous ne tirerions pas le feu d’artifice du 14 Juillet d’ici ! ».
Aussi la critique, selon laquelle la municipalité abandonne son patrimoine architecturale, ne tient-elle pas pour l’adjoint. Et celui-ci d’expliquer le report des travaux de restauration par la longueur des études préalables inhérentes à ce type de bâtiment. « La première étude date de 2005. Huit ans, cela commence à faire long ! » ironise, quant‑à lui Pascal Bioud, qui dénonce l’absence de calendrier.
Un coût prohibitif ?
Six millions d’euros. C’est le coût estimé des travaux de restauration, selon la dernière étude de faisabilité de 2012. Soit près de 10 % du budget investissement de la ville de Grenoble. Un coût prohibitif de l’aveu de beaucoup. Cependant, l’argument financier n’est pas recevable pour l’opposition et l’initiateur de la pétition. En effet, la tour étant classée monument historique depuis 1998, le coût des travaux peut être pris en charge pour moitié par les subventions de l’Etat et du département.
De plus, les experts affirment que l’urgence se situe au niveau de la façade extérieure du bâtiment, plus exposée aux éléments et à la pollution et donc davantage dégradée que l’intérieur. Les travaux pourraient donc être réalisés sur plusieurs années, ce qui étalerait les coûts sur plusieurs exercices.
Une partie des dépenses liées à la restauration pourrait par ailleurs être prise en charge par le mécénat public. Si Mathieu Chamussy refuse cette solution, considérant que « les Grenoblois payent déjà depuis 18 ans pour ça ! », Philippe de Longevialle, lui, envisage sérieusement cette option et prône « un appel aux dons de la part des Grenoblois ».
Enfin, des partenariats avec des entreprises privées sont en projet, notamment avec le cimentier Vicat. L’entreprise grenobloise pourrait ainsi apporter des matériaux et mettre à disposition ses bureaux d’étude sur le béton. « Il s’agirait pour Vicat d’une forme de mécénat. Une façon de manifester son engagement pour la défense du patrimoine commun », explique l’adjoint à l’urbanisme. De son côté, le cimentier, confirme : « La mairie de Grenoble a sollicité le groupe Vicat. Nous avons répondu que nous n’étions pas opposés à un partenariat basé sur un apport de matériaux et la réalisation d’études. » A suivre, donc.
Valentin Dizier
Nota : La chute de l’article a été modifiée le 20 septembre 2013, suite à la réponse du groupe Vicat, sollicité au préalable. A lire aussi sur Place Gre’net : La tour Perret, une vieille dame en péril