DECRYPTAGE – Le projet de refonte du refuge de l’Aigle perché dans le Parc national des Ecrins pourrait aboutir cet été. Et ainsi mettre un terme à dix années de discorde entre les puristes et les réformateurs, à propos de ce lieu mythique au sein de la communauté alpiniste.
« A l’été 2014, on pourrait s’imaginer avoir un nouveau refuge parfaitement accueillant et adapté aux besoins de tous les alpinistes de passage dans la zone. Je suis impatient ». Georges Elzière, président de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), est confiant, mais le conditionnel reste de mise. Preuve qu’après dix ans de vifs débats entre montagnards, le sujet n’est pas encore tout à fait tranché.
Ils ne sont plus qu’une poignée d’irréductibles à s’opposer au dernier plan de rénovation de ce refuge centenaire perchée à 3440 mètres d’altitude. Adossée à un piton rocheux sur la route de la prestigieuse Meije dans le Parc national des Ecrins, ce dernier sera, quoi qu’il arrive, fermé cet été. Car il ne répond plus aux normes de sécurité.
Les débats sont passionnés depuis 2003, quant aux solutions à apporter aux problèmes de sécurité et de surpopulation dans le refuge. « Ils m’ont souvent fatigué et un peu agacé, car on a dépensé beaucoup de temps et d’argent », reconnaît Georges Elzière.
Plus qu’une seule opposition
François Gillet, guide et ancien maire de Meylan qui intervient comme médiateur depuis 2010, confirme la présence d’« un accord sinon unanime, du moins largement consensuel dans la communauté des alpinistes », autour d’un projet de refonte du site qui sauvegarderait le refuge initial. « Il n’y a plus qu’une opposition : celle des Amis du refuge de l’Aigle ».
L’association, qui réunit une dizaine d’antagonistes sous la houlette de Jean Berriot, est en attente d’une décision du tribunal administratif de Marseille portant sur le permis de démolir. Mais son argument principal, l’inscription du refuge au patrimoine de la Meije, a déjà été jugé irrecevable. L’association pourrait donc bientôt manquer de munitions dans la bataille administrative.
Un feuilleton sans fin
L’association « Les amis du refuge de l’Aigle » a été fondée en 2004 pour s’opposer au projet de reconstruction du refuge présenté par la CAF en 2003. Elle a vite été rejointe dans la lutte par le Groupe de haute montagne, la Fondation Petzl ainsi que plusieurs guides et grands noms de l’alpinisme qui ont lancé une pétition. Le facteur émotionnel était leur principal moteur, l’abri ravivant chez ces derniers des souvenirs impérissables.
Le consensus est aujourd’hui presque total autour du projet de « cabane de l’Aigle » qui « est sensé préserver le refuge initial. En réalité, il ne préserve pas les dimensions d’origine, aucune porte ni aucune fenêtre », selon l’un des ultimes opposants, Jean Berriot.
Paul Petzl, président de la Fondation éponyme s’est, lui, opposé à la destruction du refuge avant de donner récemment son aval au dernier projet : « Ce sujet a poussé la communauté montagnarde à se regrouper autour d’une même table pour discuter de l’avenir de l’alpinisme, ce qui n’était pas le cas auparavant. » La montagne n’aura ainsi peut être pas accouché d’une souris.
Cyril Fourneris
Préserver l’âme du refuge
« La cabane de l’Aigle », nom du projet sélectionné en 2011, a pour intention de préserver l’âme du refuge, en gardant notamment sa matière en vieux bois et son unique pièce centrale. La capacité d’hébergement est revue à la hausse, passant de 18 à 30. Le projet prévoit également un approvisionnement en eau et en électricité et, sur les parois, une coque répondant aux normes actuelles de résistance au vent et aux incendies.
→ Pour aller plus loin : consultez la frise chronologique retraçant l’histoire du refuge de l’Aigle, visible, ci-dessous ou en plein écran.