DÉCRYPTAGE – La section Isère de l’association France Lyme organisait, ce samedi 28 mai, un rassemblement rue Félix-Poulat, à Grenoble, à l’occasion de la journée nationale contre la maladie de Lyme. Objectif : informer les visiteurs sur cette pathologie peu connue, transmise essentiellement par piqûres de tiques et qui, non soignée, peut se révéler très invalidante.
« Officiellement, c’est encore une maladie rare, et le grand public n’est pas sensibilisé à l’idée d’attraper une maladie par le biais d’un insecte ou d’un acarien. Peu de monde s’y intéresse », regrette Cécile Musy, responsable du pôle Isère de l’association France Lyme.
Suite à la sortie du reportage et de l’ouvrage de Chantal Perrin, L’affaire de la maladie de Lyme, le manque d’informations s’estompe toutefois. Le rassemblement organisé ce samedi a été l’occasion de continuer sur la lancée.
De 9 heures à 18 heures, malades et membres d’associations ont pu se rencontrer dans le cadre de la journée nationale contre la maladie de Lyme, échanger sur leurs parcours et débattre de leurs difficultés à être reconnus et soignés. Mais aussi faire entendre leur voix et leurs revendications.
« C’est une maladie invisible et à long terme »
« Le cas de ma fille est à l’image d’énormément de malades en France, dont le parcours de l’errance médicale est assez long », témoigne Anne-Lise, membre de l’association France Lyme et mère d’une adolescente atteinte de la maladie. Souvent méconnue, cette dernière se transmet le plus souvent par une piqûre de tique, elle-même contaminée par la bactérie Borrelia.
Pas moins de 30 % de ces parasites sont porteurs de la bactérie. « La tique se nourrit pendant plusieurs jours en aspirant du sang, et rejette un anesthésiant. Pendant cette phase de nutrition, la tique contaminée rejette également la bactérie responsable dans le sang. Si elle n’est pas décelée à temps, les conséquences en matière de santé peuvent être lourdes », explique Cécile Musy.
Borrelia est la bactérie la plus connue, mais certainement pas la seule. L’acarien peut contenir d’autres agents pathogènes : virus mortel, encéphalite et autres parasites, dont certains encore inconnus. Des co-infections souvent aussi peu étudiées que la maladie de Lyme.
La contamination se caractérise quasiment toujours par un état grippal dans les dix jours qui suivent et, dans 50 % des cas, par des rougeurs localisées autour de la piqûre, entre trois jours et six semaines après celle-ci.
Non traitée tout de suite, la maladie se propage dans le corps et peut atteindre le système lymphatique, les muscles, les tissus nerveux et le cerveau. Les symptômes peuvent alors devenir graves et douloureux : arthrite, douleurs musculaires et articulaires, grande fatigue générale, voire problèmes neurologiques et psychiatriques, dans les cas les plus avancés. « C’est une maladie invisible et à long terme. C’est une infection froide, sans fièvre, qui met du temps à arriver et qui peut devenir chronique », prévient la responsable Isère de l’association.
Pas d’étude officielle sur le nombre de cas en Isère
Si 30.000 personnes atteintes de la maladie sont répertoriées chaque année, les associations de lutte estiment le nombre de cas à 600.000 en France. « Souvent, les diagnostics sont mal établis et les tests sanguins posent question, estime la responsable du pôle Isère de l’association Lyme France. De plus, les anciens malades, que l’on croit guéris, ne sont pas comptabilisés, à tort. »
Et chaque année le nombre de cas détectés augmente… Pour Cécile Musy, l’explication réside surtout dans la communication grandissante des associations et la sensibilisation accrue de la part des médecins qui poussent les personnes concernées à agir. Y compris les patients porteurs de la maladie depuis longtemps à leur insu.
« Il y a bien des cas officiels de patients reconnus malades de Lyme en Isère. Mais pas d’étude qui puisse donner un nombre, même si certaines études prouvent que l’implantation en Rhône-Alpes n’est pas négligeable. » Et dans plusieurs villes, à l’image de Bonneville en Haute-Savoie, des proportions importantes de personnes sont touchées : sur 100.000 habitants, 500 sont ainsi porteurs de la bactérie Borrelia. (Cire Rhône-Alpes 2006 – 2007)
« Beaucoup de médecins ne connaissent pas la maladie »
Méconnue, la maladie reste difficile à diagnostiquer. Sans compter que les recherches sur le sujet demeurent très minoritaires. « Cela reste une maladie rare qui n’intéresse pas », juge Cécile Musy. Et Anne-Lise de compléter : « C’était très dur d’entendre de la bouche de sa fille : “Je préférerais qu’on me coupe les jambes, ça serait plus simple, ça ferait moins mal.” Elle a été suivie par plus d’une vingtaine de médecins et spécialistes, a été diagnostiquée de toutes les maladies possibles, mentales ou physiques, avant d’être enfin diagnostiquée, huit ans plus tard, en Allemagne. »
Malgré l’augmentation du nombre de cas détectés et les risques réels encourus, les recommandations scientifiques officielles nient la gravité de la situation, selon les associations. Les malades déplorent l’absence d’étude épidémiologique sur le département de l’Isère, mais pas seulement. Manque de reconnaissance, tests et recherches insuffisants, traitements inadaptés… Autant de ressentis qu’ils ont pu exprimer ce 28 mai. « Sans aide et avec peu de moyens, il est très compliqué de tenir », confie Anne-Lise.
En ce qui concerne le traitement, tous les médecins s’entendent sur un point : plus tôt a lieu la prise en charge, plus efficace est le traitement. Mais deux camps s’affrontent concernant la durée du traitement. Maladie anodine, rapide à traiter ? Ou infection qui demande des mois d’antibiotiques ? Cette polémique constante agace les patients. « Beaucoup de médecins ne connaissent pas la maladie, ou pensent que le patient est guéri en trois semaines », explique Cécile Musy.
« C’est comme si on avait le VIH »
Malades et associations dénoncent le manque de recherches menées sur la maladie de Lyme et les faibles compétences du corps médical dans ce domaine. Actuellement, les médecins doivent suivre un protocole strict et prescrire des doses restreintes d’antibiotiques. « Certains médecins se voient même poursuivis et interdits d’exercer leur fonction pour avoir prescrit trop longtemps des antibiotiques », déplore Cécile Musy.
Parmi les rares praticiens à connaître cette maladie, le Dr Philippe Bottero, qui exerce à Nyons dans la Drôme, a lui-même été interdit d’exercer ses fonctions pendant six mois, dont deux avec sursis, suite à la prescription d’antibiotiques au long cours. « Sur le long terme, la maladie de Lyme peut entraîner la maladie d’Alzheimer ou des troubles psychiques tels que la bipolarité et la schizophrénie, explique-t-il. Bien que la source initiale soit infectieuse et mérite un traitement antibiotique, ce besoin n’est pas reconnu. »
Peu de praticiens se risquent donc à prescrire des antibiotiques au-delà du délai réglementaire de 21 jours, sous peine de pénalités financière et pénale. Et les associations* – dont la première date de 2008 – ne parviennent pas à faire entendre leurs revendications auprès des organismes de santé et des ministres concernés.
« C’est comme si on avait le VIH, explique Anne-Lise. Notre système immunitaire réagit de la même façon, et la vie au quotidien est la même, dans l’incompréhension et le déni. Elle est aussi contraignante et douloureuse, mais vous n’en mourez pas. » Informations et sensibilisation sont donc actuellement leurs seules armes pour lutter face à la maladie de Lyme.
Cassandre Jalliffier
UNE MALADIE TRANSMISSIBLE…
Des recherches menées en Allemagne sur la maladie de Lyme ont montré que celle-ci était sexuellement transmissible, et se transmettait de manière quasi-inévitable de la mère à l’enfant, en cas de grossesse. Or détecter la maladie est un véritable casse-tête… Le test de dépistage de Lyme a en effet un taux de fiabilité de seulement 30 %. D’autres tests existent, mais leur prescription se fait au compte-goutte, selon des critères très spécifiques, et parfois flous.
Côté français, certains chercheurs se consacrent tout de même à la question, comme Luc Montagnier. Après avoir été connu comme le chercheur précurseur du VIH, ce médecin fait de la maladie de Lyme son nouveau cheval de bataille.
LES BONS GESTES À ADOPTER
Les tiques se situent principalement en forêt et dans les herbes. Pour limiter les risques lors de sorties, il faut veiller à se couvrir intégralement le corps, avec un pantalon recouvrant les chaussures, un haut à manches longues, ainsi qu’un chapeau à visière et utiliser des produits répulsifs contre les insectes.
Au retour de promenade, examinez attentivement si aucune tique ne s’est accrochée à votre peau. Ces insectes se logent principalement dans les plis du genou, de l’aine, sous les aisselles, sur le cuir chevelu mais aussi… dans le nombril. Pour s’en débarrasser, le mieux est d’utiliser un tire-tique (pour ne pas laisser le rostre de l’animal) et de désinfecter la plaie.
En cas de syndrome grippal ou d’érythème autour de la piqûre dans les jours ou semaines qui suivent, contactez sans tarder votre médecin.
* Créée il y a quelques mois, la Fédération française des maladies vectorielles à tiques réunit plusieurs associations, malades et spécialistes, dont Christian Perronne, afin notamment d’optimiser la récolte des fonds.
N.B. : L’article a été modifié dimanche 29 mai 2016 à 9 heures, concernant l’absence d’étude officielle comptabilisant le nombre de personnes atteintes de la maladie de Lyme en Isère.
Une réflexion sur « La maladie de Lyme de plus en plus répandue mais encore méconnue »
y a t’il un lieu d’ecoute et de rencontre avec des malades (je le suis) a Grenoble ?