Illustration d'une tique. By Felix Fellhauer. - Own work (Original text: Eigene Aufnahme)., CC BY-SA 3.0 de, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20173922

La mala­die de Lyme de plus en plus répan­due mais encore méconnue

La mala­die de Lyme de plus en plus répan­due mais encore méconnue

DÉCRYPTAGE – La sec­tion Isère de l’as­so­cia­tion France Lyme orga­ni­sait, ce samedi 28 mai, un ras­sem­ble­ment rue Félix-Poulat, à Grenoble, à l’oc­ca­sion de la jour­née natio­nale contre la mala­die de Lyme. Objectif : infor­mer les visi­teurs sur cette patho­lo­gie peu connue, trans­mise essen­tiel­le­ment par piqûres de tiques et qui, non soi­gnée, peut se révé­ler très invalidante.

Illustration d'une tique. By Felix Fellhauer. - Own work (Original text: Eigene Aufnahme)., CC BY-SA 3.0 de, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20173922

Une tique gor­gée de sang. © Félix Fellhauer

« Officiellement, c’est encore une mala­die rare, et le grand public n’est pas sen­si­bi­lisé à l’i­dée d’at­tra­per une mala­die par le biais d’un insecte ou d’un aca­rien. Peu de monde s’y inté­resse », regrette Cécile Musy, res­pon­sable du pôle Isère de l’asso­cia­tion France Lyme.

Suite à la sor­tie du repor­tage et de l’ou­vrage de Chantal Perrin, L’affaire de la mala­die de Lyme, le manque d’in­for­ma­tions s’es­tompe tou­te­fois. Le ras­sem­ble­ment orga­nisé ce samedi a été l’oc­ca­sion de conti­nuer sur la lancée.

De 9 heures à 18 heures, malades et membres d’as­so­cia­tions ont pu se ren­con­trer dans le cadre de la jour­née natio­nale contre la mala­die de Lyme, échan­ger sur leurs par­cours et débattre de leurs dif­fi­cul­tés à être recon­nus et soi­gnés. Mais aussi faire entendre leur voix et leurs revendications.

« C’est une mala­die invi­sible et à long terme »

« Le cas de ma fille est à l’i­mage d’é­nor­mé­ment de malades en France, dont le par­cours de l’er­rance médi­cale est assez long », témoigne Anne-Lise, membre de l’as­so­cia­tion France Lyme et mère d’une ado­les­cente atteinte de la mala­die. Souvent mécon­nue, cette der­nière se trans­met le plus sou­vent par une piqûre de tique, elle-même conta­mi­née par la bac­té­rie Borrelia.

Cécile Musy, responsable de la section Isère de l'association France Lyme

Cécile Musy, res­pon­sable de la sec­tion Isère de l’as­so­cia­tion France Lyme. DR

Pas moins de 30 % de ces para­sites sont por­teurs de la bac­té­rie. « La tique se nour­rit pen­dant plu­sieurs jours en aspi­rant du sang, et rejette un anes­thé­siant. Pendant cette phase de nutri­tion, la tique conta­mi­née rejette éga­le­ment la bac­té­rie res­pon­sable dans le sang. Si elle n’est pas déce­lée à temps, les consé­quences en matière de santé peuvent être lourdes », explique Cécile Musy.

Borrelia est la bac­té­rie la plus connue, mais cer­tai­ne­ment pas la seule. L’acarien peut conte­nir d’autres agents patho­gènes : virus mor­tel, encé­pha­lite et autres para­sites, dont cer­tains encore incon­nus. Des co-infec­tions sou­vent aussi peu étu­diées que la mala­die de Lyme.

La conta­mi­na­tion se carac­té­rise qua­si­ment tou­jours par un état grip­pal dans les dix jours qui suivent et, dans 50 % des cas, par des rou­geurs loca­li­sées autour de la piqûre, entre trois jours et six semaines après celle-ci.

Non trai­tée tout de suite, la mala­die se pro­page dans le corps et peut atteindre le sys­tème lym­pha­tique, les muscles, les tis­sus ner­veux et le cer­veau. Les symp­tômes peuvent alors deve­nir graves et dou­lou­reux : arthrite, dou­leurs mus­cu­laires et arti­cu­laires, grande fatigue géné­rale, voire pro­blèmes neu­ro­lo­giques et psy­chia­triques, dans les cas les plus avan­cés. « C’est une mala­die invi­sible et à long terme. C’est une infec­tion froide, sans fièvre, qui met du temps à arri­ver et qui peut deve­nir chro­nique », pré­vient la res­pon­sable Isère de l’association.

Pas d’é­tude offi­cielle sur le nombre de cas en Isère

Si 30.000 per­sonnes atteintes de la mala­die sont réper­to­riées chaque année, les asso­cia­tions de lutte estiment le nombre de cas à 600.000 en France. « Souvent, les diag­nos­tics sont mal éta­blis et les tests san­guins posent ques­tion, estime la res­pon­sable du pôle Isère de l’as­so­cia­tion Lyme France. De plus, les anciens malades, que l’on croit gué­ris, ne sont pas comp­ta­bi­li­sés, à tort. »

Rougeurs qui apparaissent après une piqûre de tique infectée, donnant lieu à la maladie de Lyme

Rougeurs appa­rais­sant après une piqûre de tique infec­tée. DR

Et chaque année le nombre de cas détec­tés aug­mente… Pour Cécile Musy, l’ex­pli­ca­tion réside sur­tout dans la com­mu­ni­ca­tion gran­dis­sante des asso­cia­tions et la sen­si­bi­li­sa­tion accrue de la part des méde­cins qui poussent les per­sonnes concer­nées à agir. Y com­pris les patients por­teurs de la mala­die depuis long­temps à leur insu.

« Il y a bien des cas offi­ciels de patients recon­nus malades de Lyme en Isère. Mais pas d’é­tude qui puisse don­ner un nombre, même si cer­taines études prouvent que l’im­plan­ta­tion en Rhône-Alpes n’est pas négli­geable. » Et dans plu­sieurs villes, à l’i­mage de Bonneville en Haute-Savoie, des pro­por­tions impor­tantes de per­sonnes sont tou­chées : sur 100.000 habi­tants, 500 sont ainsi por­teurs de la bac­té­rie Borrelia. (Cire Rhône-Alpes 2006 – 2007)

« Beaucoup de méde­cins ne connaissent pas la maladie »

Méconnue, la mala­die reste dif­fi­cile à diag­nos­ti­quer. Sans comp­ter que les recherches sur le sujet demeurent très mino­ri­taires. « Cela reste une mala­die rare qui n’in­té­resse pas », juge Cécile Musy. Et Anne-Lise de com­plé­ter : « C’était très dur d’en­tendre de la bouche de sa fille : “Je pré­fé­re­rais qu’on me coupe les jambes, ça serait plus simple, ça ferait moins mal.” Elle a été sui­vie par plus d’une ving­taine de méde­cins et spé­cia­listes, a été diag­nos­ti­quée de toutes les mala­dies pos­sibles, men­tales ou phy­siques, avant d’être enfin diag­nos­ti­quée, huit ans plus tard, en Allemagne. »

Rassemblement de la section Isère de l'association France Lyme, rue Félix Poulat à Grenoble, le 28 mai 2016, à l'occasion de la journée nationale contre la maladie de Lyme. © DR

Rassemblement de la sec­tion Isère de l’as­so­cia­tion France Lyme, rue Félix Poulat à Grenoble, le 28 mai 2016, à l’oc­ca­sion de la jour­née natio­nale contre la mala­die de Lyme. © DR

Malgré l’aug­men­ta­tion du nombre de cas détec­tés et les risques réels encou­rus, les recom­man­da­tions scien­ti­fiques offi­cielles nient la gra­vité de la situa­tion, selon les asso­cia­tions. Les malades déplorent l’ab­sence d’é­tude épi­dé­mio­lo­gique sur le dépar­te­ment de l’Isère, mais pas seule­ment. Manque de recon­nais­sance, tests et recherches insuf­fi­sants, trai­te­ments inadap­tés… Autant de res­sen­tis qu’ils ont pu expri­mer ce 28 mai. « Sans aide et avec peu de moyens, il est très com­pli­qué de tenir », confie Anne-Lise.

En ce qui concerne le trai­te­ment, tous les méde­cins s’en­tendent sur un point : plus tôt a lieu la prise en charge, plus effi­cace est le trai­te­ment. Mais deux camps s’af­frontent concer­nant la durée du trai­te­ment. Maladie ano­dine, rapide à trai­ter ? Ou infec­tion qui demande des mois d’an­ti­bio­tiques ? Cette polé­mique constante agace les patients. « Beaucoup de méde­cins ne connaissent pas la mala­die, ou pensent que le patient est guéri en trois semaines », explique Cécile Musy.

« C’est comme si on avait le VIH »

Malades et asso­cia­tions dénoncent le manque de recherches menées sur la mala­die de Lyme et les faibles com­pé­tences du corps médi­cal dans ce domaine. Actuellement, les méde­cins doivent suivre un pro­to­cole strict et pres­crire des doses res­treintes d’an­ti­bio­tiques. « Certains méde­cins se voient même pour­sui­vis et inter­dits d’exer­cer leur fonc­tion pour avoir pres­crit trop long­temps des anti­bio­tiques », déplore Cécile Musy.

Cercles concentriques, symptômes de la maladie de Lyme. DR

Cercles concen­triques dus à la mala­die de Lyme. DR

Parmi les rares pra­ti­ciens à connaître cette mala­die, le Dr Philippe Bottero, qui exerce à Nyons dans la Drôme, a lui-même été inter­dit d’exer­cer ses fonc­tions pen­dant six mois, dont deux avec sur­sis, suite à la pres­crip­tion d’an­ti­bio­tiques au long cours. « Sur le long terme, la mala­die de Lyme peut entraî­ner la mala­die d’Alzheimer ou des troubles psy­chiques tels que la bipo­la­rité et la schi­zo­phré­nie, explique-t-il. Bien que la source ini­tiale soit infec­tieuse et mérite un trai­te­ment anti­bio­tique, ce besoin n’est pas reconnu. »

Peu de pra­ti­ciens se risquent donc à pres­crire des anti­bio­tiques au-delà du délai régle­men­taire de 21 jours, sous peine de péna­li­tés finan­cière et pénale. Et les asso­cia­tions* – dont la pre­mière date de 2008 – ne par­viennent pas à faire entendre leurs reven­di­ca­tions auprès des orga­nismes de santé et des ministres concernés.

« C’est comme si on avait le VIH, explique Anne-Lise. Notre sys­tème immu­ni­taire réagit de la même façon, et la vie au quo­ti­dien est la même, dans l’in­com­pré­hen­sion et le déni. Elle est aussi contrai­gnante et dou­lou­reuse, mais vous n’en mou­rez pas. » Informations et sen­si­bi­li­sa­tion sont donc actuel­le­ment leurs seules armes pour lut­ter face à la mala­die de Lyme.

Cassandre Jalliffier

UNE MALADIE TRANSMISSIBLE…

perturbateurs endocriniens pendant la grossesse et facteur d'obésité.

DR

Des recherches menées en Allemagne sur la mala­die de Lyme ont mon­tré que celle-ci était sexuel­le­ment trans­mis­sible, et se trans­met­tait de manière quasi-inévi­table de la mère à l’en­fant, en cas de gros­sesse. Or détec­ter la mala­die est un véri­table casse-tête… Le test de dépis­tage de Lyme a en effet un taux de fia­bi­lité de seule­ment 30 %. D’autres tests existent, mais leur pres­crip­tion se fait au compte-goutte, selon des cri­tères très spé­ci­fiques, et par­fois flous.

Côté fran­çais, cer­tains cher­cheurs se consacrent tout de même à la ques­tion, comme Luc Montagnier. Après avoir été connu comme le cher­cheur pré­cur­seur du VIH, ce méde­cin fait de la mala­die de Lyme son nou­veau che­val de bataille.

Randonnée Gourmande à la Bastille © Muriel Beaudoing - placegrenet.fr

© Muriel Beaudoing – pla​ce​gre​net​.fr

LES BONS GESTES À ADOPTER

Les tiques se situent prin­ci­pa­le­ment en forêt et dans les herbes. Pour limi­ter les risques lors de sor­ties, il faut veiller à se cou­vrir inté­gra­le­ment le corps, avec un pan­ta­lon recou­vrant les chaus­sures, un haut à manches longues, ainsi qu’un cha­peau à visière et uti­liser des pro­duits répul­sifs contre les insectes.

Au retour de pro­me­nade, exa­mi­nez atten­ti­ve­ment si aucune tique ne s’est accro­chée à votre peau. Ces insectes se logent prin­ci­pa­le­ment dans les plis du genou, de l’aine, sous les ais­selles, sur le cuir che­velu mais aussi… dans le nom­bril. Pour s’en débar­ras­ser, le mieux est d’u­ti­li­ser un tire-tique (pour ne pas lais­ser le rostre de l’a­ni­mal) et de dés­in­fec­ter la plaie.

En cas de syn­drome grip­pal ou d’é­ry­thème autour de la piqûre dans les jours ou semaines qui suivent, contac­tez sans tar­der votre médecin.

* Créée il y a quelques mois, la Fédération fran­çaise des mala­dies vec­to­rielles à tiques réunit plu­sieurs asso­cia­tions, malades et spé­cia­listes, dont Christian Perronne, afin notam­ment d’op­ti­mi­ser la récolte des fonds.

N.B. : L’article a été modi­fié dimanche 29 mai 2016 à 9 heures, concer­nant l’ab­sence d’é­tude offi­cielle comp­ta­bi­li­sant le nombre de per­sonnes atteintes de la mala­die de Lyme en Isère.

CJ

Auteur

Une réflexion sur « La mala­die de Lyme de plus en plus répan­due mais encore méconnue »

  1. y a t’il un lieu d’e­coute et de ren­contre avec des malades (je le suis) a Grenoble ?

    sep article

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