FOCUS – Avec la suspension de l’écotaxe décidée par le gouvernement en octobre dernier, pas moins de 120 projets de transports en commun qui devaient être financés en partie grâce à celle-ci sont menacés. Si la liste, dévoilée le 3 mars par France Info, comprend le prolongement de la ligne A de tramway et la restructuration du réseau de bus à Grenoble, le syndicat mixte de transport en commun de l’agglomération grenobloise (SMTC) relativise les conséquences de ce coup d’arrêt.
Pas moins de cinq millions d’euros. La somme que devait toucher le SMTC de la part de l’État pour l’aider à financer deux projets de transports en commun était loin d’être négligeable. Inscrits dans le deuxième appel à projet transports collectifs en site propre (TCSP) et dans le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), le prolongement de la ligne A de tramway et la restructuration du réseau de bus de l’agglomération devront sans doute pourtant s’en passer. Une conséquence directe de l’enterrement de première classe de l’écotaxe par le gouvernement.Des recettes confisquées par les bonnets rouges
« Effectivement, il était prévu que les recettes de l’écotaxe viennent financer pour partie les projets inscrits au SNIT », rappelle Alizé Bachimon, directeur de cabinet du président du SMTC. Les 450 millions d’euros de recettes prévues, suite à son entrée en vigueur au 1er janvier 2014, auraient ainsi dû venir soutenir des projets de transport dans toute la France. Problème : les bonnets rouges et les portiques saccagés ou incendiés sont passés par là, entre temps. Avec, au final, un recul du gouvernement. L’arrivée des financements serait donc incertaine. Notamment, pour ce qui concerne l’agglomération grenobloise, l’extension de la ligne A de tramway d’Échirolles vers Pont-de-Claix et la restructuration du réseau de bus au 1er septembre 2014. Deux projets respectivement chiffrés à 30 et 25 millions d’euros. « Pour ces deux projets, nous espérons une subvention de l’ordre de 10 % de l’État » explique Alizé Bachimon.Rien d’officiel pour l’heure
Officiellement, la subvention est toujours dans les tuyaux. « Jusqu’à aujourd’hui, l’État ne nous a pas adressé de correspondance officielle, de courrier ou même de courriel nous indiquant que nos projets ne seraient pas subventionnables ou ne seraient pas subventionnés à cause de la suspension de l’écotaxe », affirme le directeur de cabinet, tout en concédant qu’il y a “des craintes”.
Reste que, subvention de l’État ou non, le SMTC serait en capacité de trouver ces cinq millions d’euros, selon Alizé Bachimon. Un tel faux pas du gouvernement aurait, en revanche, été beaucoup plus problématique pour les chantiers retenus par le deuxième appel à projet TCSP. A savoir, l’extension de la ligne E. « Pour ces travaux qui coûtent 270 millions d’euros, nous avons reçu 31,6 millions d’euros de la part de l’État en subvention. » Une telle somme aurait été beaucoup plus difficile à trouver, reconnaît-il.
Des projets reportés d’un an
Le dossier n’en demeure pas moins épineux. Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional Rhône-Alpes et président de la commission Transports, déplacements et infrastructures, fait partie des treize élus écologistes qui ont tiré la sonnette d’alarme. Ce dernier a d’ailleurs signé, en février dernier, un communiqué adressé au gouvernement intitulé « Le report de la taxe kilométrique poids lourds menace les projets de transports collectifs. L’État doit tenir ses engagements pour la mobilité durable ». Dans celui-ci, des élus écologistes de toute la France évoquent les conséquences de la suspension de l’écotaxe sur le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). « Sur les 770 millions d’euros de recettes initialement prévus, l’État ne compense qu’à hauteur de 320 millions, laissant un besoin de financement de 450 millions », écrivent les écologistes. Un besoin lourd de conséquences pour de nombreux chantiers. « Pour ce qui concerne les infrastructures ferroviaires comme le sillon alpin nord, c’est-à-dire la liaison Grenoble Chambéry Annecy, nous n’avons pas beaucoup de visibilité. On ne sait pas combien le gouvernement mettra sur le contrat de plan État-région (CPER) 2014 – 2020. Ce que l’on sait, c’est qu’en 2014 il n’y aura rien de débloqué. Le contrat de plan est reculé d’une année », déplore l’élu. De même pour les aides prévues dans le cadre du troisième appel à projet. « Tous ces projets devaient recevoir une part de financement plus ou moins importante, en fonction de leur intérêt, et ils attendront un an de plus. Le vrai débat est : est-ce qu’il y aura quelque chose un jour ? », s’interroge Jean-Charles Kohlhaas. Le doute plane toujours sur l’écotaxeJean-Charles Kohlhaas et les autres signataires invitent le gouvernement à mettre en œuvre la taxe controversée, afin de favoriser des transports moins polluants. « Dans un contexte budgétaire très contraint, les élu-e‑s écologistes demandent que l’État tienne ses engagements pour la priorité aux transports durables (ferroviaire, fluvial, écomobilité) plutôt qu’aux transports routiers, aussi bien dans l’élaboration des CPER que dans le financement du troisième appel à projets “transports collectifs en site propre” » concluent-ils. Un sentiment d’incertitude règne, selon le conseiller régional. L’écotaxe entrera-t-elle en vigueur ? Quels fonds seront débloqués pour l’appel à projet par le contrat de plan État-région ? « On ne sait pas bien où va le gouvernement » regrette-t-il. Et d’ajouter : « Comme rien n’est lancé au mois de mars, et qu’il est question d’un remaniement ministériel avant l’été, avec un probable changement de ministre des Transports, cela signifie que rien ne va avancer avant l’automne. J’ai peur que le calendrier politique ralentisse encore plus la donne ». Sans compter que la mobilisation contre l’écotaxe n’est sans doute pas près de fléchir… Guillaume Rantet