FOCUS – Si l’Isère s’inscrit (en grande partie) dans la lignée des résultats nationaux pour le premier tour de l’élection présidentielle, des disparités en matière de participation ou d’orientations sont patentes selon les communes. Quant aux réactions, elles se partagent entre appel à faire barrage à Marine Le Pen côté gauche, et discrétion côté droite.
Que ressort-il du premier tour de l’élection présidentielle du dimanche 10 avril en Isère ? En apparence, le département s’inscrit dans la mouvance nationale, avec un ordre d’arrivée des candidats similaire. À une exception près, qui peut avoir son importance : alors que Valérie Pécresse termine cinquième et Yannick Jadot sixième sur l’ensemble de la France, le candidat écologiste passe devant la candidate Les Républicains en Isère.
Deuxième écart : une abstention plus basse que la moyenne nationale. Alors que le taux d’abstention sur l’ensemble de la France se fixe à 26,31 %, celui de l’Isère affiche trois points de moins avec 23,42 %. Reste que les écarts sont grands entre les communes. De 33,93 % d’abstention pour Villefontaine à 9,76 % pour Chichilianne, en passant par 26,07 % à Grenoble, 29,77 % à Échirolles ou 30,80 % à Bourgoin-Jallieu.
Un vote utile Mélenchon très marqué au premier tour de la présidentielle
En-dehors de ces exceptions, le trio de tête en Isère reste bel et bien Emmanuel Macron en première position avec 26,85 % des suffrages exprimés (contre 27,60 % au niveau national), Marine Le Pen avec 23,03 % (contre 23,41 % au niveau national) et Jean-Luc Mélenchon avec 22,83 % (contre 21,95 %) au niveau national. Les autres candidats sont loin derrière, Éric Zemmour se classant quatrième avec 7,06 %.
Le “vote utile” en faveur de Jean-Luc Mélenchon semble donc avoir fonctionné en Isère comme sur le reste du territoire national. Quitte à mettre certaines communes en porte-à-faux avec leurs élus. À commencer par Grenoble, dont le maire Éric Piolle n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir la candidature Jadot. Le candidat EELV y obtient au final 8,95 %, soit un score bien supérieur à sa moyenne nationale. Mais c’est bien Jean-Luc Mélenchon qui domine les urnes grenobloises, avec un score de 38,94 %.
Les villes historiquement communistes n’ont guère voté Fabien Roussel. À Saint-Martin-d’Hères, celui-ci enregistre 3,41 % des suffrages, quand Jean-Luc Mélenchon engrange 37,26 %. Même constat à Échirolles, où le candidat PCF recueille 3,55 % des suffrages à Échirolles, contre 35,94 % pour Jean-Luc Mélenchon. Soit, dans les deux cas, une amélioration du score du candidat insoumis par rapport à 2017, où il était déjà en tête du premier tour.
Pécresse boudée même dans les communes LR
Côté droite, le constat est souvent le même. L’exemple de Charvieu-Chavagneux est remarquable : alors que son maire Gérard Dézempte a très activement soutenu la candidature d’Éric Zemmour, la commune a voté à 33,03 %… pour Marine Le Pen. Le polémiste est tout de même en quatrième position avec 10,01 %, mais loin derrière Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, respectivement troisième et deuxième.
Dans des communes à majorité Les Républicains, Valérie Pécresse ne fait pas non plus d’étincelles. À Voiron, celle-ci signe un score de 5,05 %, quand Emmanuel Macron dépasse les 30%. À Bourgoin-Jallieu, la candidate LR enregistre 4,79 %, et le président sortant 26,66 %. À noter que dans les deux communes, c’est Jean-Luc Mélenchon qui prend la deuxième place devant Marine Le Pen.
Du côté de Meylan, l’élection en 2020 de son maire écologiste Philippe Cardin n’a pas empêché les électeurs d’y voter à 39,17 % pour Emmanuel Macron. Ce qui représente 20 points de plus que Jean-Luc Mélenchon, arrivé deuxième. Configuration inverse pour Fontaine : son changement de majorité avec l’élection de Franck Longo ne contredit pas la tonalité de gauche de la commune, qui a voté à 33,62 % pour Jean-Luc Mélenchon.
« Castors fatigués » et « gauche fainéante »
Les réactions face aux résultats du premier tour ? Comme au niveau national, les acteurs politiques locaux de gauche appellent à faire barrage à Marine Le Pen en déposant un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne dimanche 24 avril. Non sans une certaine amertume. Exprimée notamment par Éric Piolle, qui estimait le soir même de l’élection sur l’antenne de France Info que « les castors [en référence au barrage, ndlr] sont fatigués ».
Au micro de Place Gre’net, le président de la Métropole Christophe Ferrari se montrait pour sa part sévère vis-à-vis des formations de gauche, coupables à ses yeux de ne pas avoir suivi l’avis de la Primaire populaire et soutenu sa candidate désignée Christiane Taubira. « La gauche a été fainéante depuis plusieurs années, elle n’a pas souhaité le rassemblement », assène-t-il.
Un rassemblement que souhaite également le secrétaire départemental PCF de l’Isère… pour les élections législatives. « Les résultats qui remontent démontrent qu’il y a entre trois et cinq circonscriptions qui peuvent basculer à gauche en Isère s’il y a union de la gauche », juge Jérémie Giono. En prenant pour modèle le Printemps isérois, lors des élections départementales de 2021.
Les soutiens à Éric Zemmour appellent au vote Le Pen
Les réactions du côté de la droite sont plus rares. Le Département de l’Isère a néanmoins adressé un communiqué dans la soirée du 10 avril, dans lequel son président Jean-Pierre Barbier recommande… de ne rien recommander. « Je n’ai jamais cru que les électeurs attendaient la parole des élus pour savoir comment voter. Comme il y a 5 ans, je ferai mon choix en conscience dans l’isoloir le 24 avril prochain », écrit-il sans plus de précisions.
Dans le camp Zemmour, le coordinateur départemental Isère du mouvement Reconquête ne cache pas sa déception. Lui qui, en février 2022, décrivait une « dynamique qui permet de prendre à l’électorat de Marine Le Pen comme de Valérie Pécresse ». Au micro de Place Gre’net, Alexandre Lacroix appelle à voter Marine Le Pen au second tour. Compte-t-il mener campagne pour la candidate RN ? « Ça, c’est une autre histoire », répond-il.
Enfin, chez les “qualifiés”, Alexis Jolly, responsable isérois RN, affiche sa satisfaction. « Les Français ont découvert Marine Le Pen telle qu’elle est : une femme courageuse, souriante, combattive », estime-t-il. Quand le député En marche de l’Isère Jean-Charles Colas-Roy met dos à dos les « scores de l’extrême droite et de l’extrême gauche ». Et vante le projet « équilibré » d’Emmanuel Macron, entre « dynamisme économique » et « mesures sociales ».
Par voie de communiqué, la députée LREM Émilie Chalas décrit pour sa part une « nouvelle campagne », « celle de la République sociale et fraternelle contre l’extrême droite : raciste par origine et rétrograde par projet ». Et lance un appel « aux électeurs républicains et progressistes ». Tout en se s’affirmant « à portée de discussion » envers ceux dont le vote pour Emmanuel Macron au second tour « ne vaut pas adhésion ».
Article modifié avec rajout de la réaction d’Émilie Chalas le mardi 12 avril à 10 h 30.