ENQUÊTE - La mort d'Yvan Colonna, lundi 21 mars 2022, près de trois semaines après sa violente agression par l'un de ses codétenus à la prison d'Arles, a encore jeté un coup de projecteur sur les violences carcérales en France. À côté de Grenoble, la maison d'arrêt de Varces, déjà régulièrement pointée du doigt pour ses conditions de détention, a ainsi connu de nouvelles rixes entre détenus, en janvier 2022. Mais selon certains témoignages, les violences seraient également l'œuvre des surveillants, accusés de brimades, humiliations, menaces, abus de pouvoir, et même parfois de passages à tabac, à l'encontre des détenus. Des faits que réfute catégoriquement la direction de la prison iséroise.
Dix jours après les obsèques d'Yvan Colonna, mort des suites de ses blessures le lundi 21 mars 2022, après trois semaines de coma, la colère ne faiblit pas en Corse. L'ancien militant nationaliste corse avait été violemment agressé par un codétenu radicalisé, le 2 mars, au sein même de la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône). Il y purgeait une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, en 1998. Un drame qui a suscité de nombreuses questions. Et a notamment relancé le débat récurrent des violences carcérales.
La maison d'arrêt de Varces compte 232 places, auxquelles s'ajoutent les 36 places du centre de semi-liberté de Grenoble. © Joël Kermabon - Place Gre'net
Selon les derniers chiffres disponibles au niveau national, l'administration pénitentiaire a ainsi dénombré 8 883 actes d’agression physique entre détenus en 2018. Bien sûr, difficile de comparer les situations des prisons d'Arles et de Varces. La première est une maison centrale, destinée aux longues peines et aux détenus particulièrement surveillés. Tandis qu'une maison d'arrêt, comme la seconde, est réservée aux détentions provisoires et aux peines de moins de deux ans. Mais l'établissement isérois n'échappe pas pour autant au constat.
"Les animosités des détenus à l'extérieur se répercutent à l'intérieur de la prison"
Depuis le début de l'année 2022, plusieurs rixes entre détenus ont ainsi éclaté à Varces, dont des bagarres assez violentes ayant causé deux blessés, les 11 et 12 janvier. Cause principale ? La rivalité entre clans pour le contrôle des "projections" de drogue et de téléphones portables vers les cours de promenade.
Les rixes survenues à Varces en janvier 2022 sont dues à la rivalité entre clans pour contrôler les objets (drogues ou téléphones portables essentiellement) projetés depuis l'extérieur dans la cour de promenade de la prison. © Nina Soudre - Place Gre'net
"La majorité des détenus proviennent de différents quartiers de l'agglomération grenobloise et leurs animosités à l'extérieur se répercutent à l'intérieur de la prison", explique le directeur Patrick Malle, aux commandes du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces3qui regroupe la maison d'arrêt de Varces et le centre de semi-liberté de Grenoble depuis le 1er septembre 2021. Et celui-ci confirme : "C'est ce qui se passe actuellement."
Patrick Malle, nouveau directeur du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces depuis septembre 2021. © Joël Kermabon - Place Gre'net
Comment parvenir alors à contenir ces violences ? Y mettre totalement fin serait évidemment illusoire. Néanmoins, précise le chef d'établissement, "notre travail, c'est de séparer les groupes pour éviter ce type de risques. Aujourd'hui, on commence à avoir une certaine connaissance de ces rivalités."
Un article du Postillon rapporte des scènes de violence récurrentes de la part des gardiens
À Varces comme ailleurs, le phénomène ne serait cependant pas circonscrit aux agressions entre détenus ou à l'encontre des surveillants. En France, les violences de personnels sur les détenus ne font l'objet d'aucune statistique officielle. Mais selon un rapport publié en juin 2019, l'Observatoire international des prisons (OIP) a reçu près de 200 signalements entre mi-2017 et mi-2019 - soit en moyenne deux par semaine - pour ce type de cas. Et à en croire un article du Postillon, paru dans son numéro de l'été 2020, la prison du Sud-Isère serait, elle aussi, concernée.
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