FOCUS – Le lycée Roger-Deschaux de Sassenage garde portes closes depuis le lundi 25 novembre. Face à des incivilités, des dégradations, des bagarres et des violences à répétition, les personnels ont décidé de faire valoir leur droit de retrait. Et demandent au rectorat de Grenoble d’apporter des solutions pour permettre aux équipes pédagogiques d’accomplir leur mission auprès des jeunes dans un climat plus serein.
Cinq conseils de discipline depuis la rentrée et une trentaine d’exclusions temporaires, des dégradations, des insultes, des bagarres, des armes blanches en circulation… Les personnels du lycée Roger-Deschaux de Sassenage sont à bout. Et ont décidé lundi 25 novembre d’exercer leur droit de retrait, face au « danger grave et imminent auxquels ils doivent faire face quotidiennement », indiquent-ils dans un communiqué de presse.
La liste des problèmes est particulièrement longue, avec plus de 150 incidents signalés depuis septembre. Et les professionnels de l’établissement sont soumis à rude épreuve. Exemple : le lundi 14 octobre, une bagarre entre deux élèves nécessite cinq adultes pour les séparer. Avec, à la clé, un arrêt de travail pour l’un des assistants d’éducation, victime de coups. Le lendemain, mardi 15 octobre, nouvel arrêt de travail pour une autre AED, suite à des insultes et des menaces verbales…
Le lycée professionnel Roger-Deschaux en voie de « ghettoïsation » ?
Dernier incident en date, le mercredi 20 novembre : un élève du lycée est violemment passé à tabac devant les portes de l’établissement. Parmi ses agresseurs, un jeune exclu du lycée lors d’un précédent conseil de discipline. Trop c’est trop pour le personnel. « Si nous avons exercé notre droit de retrait, c’est pour protéger nos élèves autant que nous-mêmes », explique à Place Gre’net une enseignante de Roger-Deschaux.
Comment en est-on arrivé à cette situation ? La professeure décrit un lycée en voie de « ghettoïsation » depuis 2015, soit l’année où l’établissement a cessé d’être lycée polyvalent pour devenir lycée professionnel. « Pour beaucoup, les élèves sont ici par défaut, parce que leur dossier ne leur permet pas d’être ailleurs », explique-t-elle. Résultat ? « Des élèves peu motivés, qui transportent dans le lycée ce qu’ils vivent dans les quartiers ».
Pas question pour autant de stigmatiser les jeunes, insiste l’enseignante. Nombre d’entre eux sont justement les premiers à souffrir du climat délétère qui règne dans l’établissement. Des cas de harcèlement scolaires sont également observés par les équipes éducatives. La professeure fait par ailleurs remarquer que plusieurs parents d’élèves ont adressé aux personnels des témoignages de soutien face à l’exercice de leur droit de retrait.
Le rectorat de Grenoble annonce la réalisation d’un audit
Quelles solutions face aux violences et incivilités ? Les personnels demandent à l’Éducation nationale deux postes d’AED supplémentaires, ainsi que la présence d’une assistante sociale et d’un psychologue deux jours et demi par semaine. Une première réponse, explique la professeure. « Évidemment, s’il y a plus de monde pour encadrer les jeunes, il y aura certainement moins de problèmes », considère-t-elle.
Reste que la configuration même de l’établissement et son processus de ghettoïsation pose un problème plus profond. « Nous n’avons pas toutes les solutions ! », prévient l’enseignante. Qui refuse de baisser les bras : « Nous avons déjà fait plusieurs expériences pédagogiques. Il y a des choses qui fonctionnent, nous ne sommes pas du tout abattus face a ces problèmes… mais on attend des réponses ».
Des réponses du rectorat de Grenoble, en premier lieu. Une délégation a ainsi été reçue mercredi 27 novembre, entretien au cours duquel les services de l’Éducation nationale et les personnels se sont mis d’accord sur la réalisation d’un audit. Une reprise des cours est-elle prévue ? Non, répond l’enseignante : « Le droit de retrait est maintenu jusqu’à ce que l’on nous propose des solutions pour que l’on puisse exercer nos missions dans un climat plus serein ».