FOCUS – Dans l’immense salle du Magasin des horizons, sont exposées jusqu’au 15 décembre 2019 les œuvres d’artistes féminines luttant en faveur de l’environnement. Une exposition interpellante joliment nommée « I Remember Earth » (Je me souviens de la terre).
Entre féminisme et conviction écologique, la nouvelle exposition du Magasin des horizons « I Remember earth » se veut engagée. Au total, une centaine d’œuvres de femmes, « parfois passées entre les mailles du filet » selon l’équipe organisatrice, jouent sur la connivence entre le monde artistique et le règne naturel. Ces « précurseuses », auteures « d’œuvres anticipatrices » ont, ajoute-t-elle, ouvert la voie aux pratiques contemporaines.
« Envisager de nouvelles façons de voir »
À travers cette exposition, le Magasin des horizons tend ainsi à faire un « plaidoyer pour l’environnement », mais propose également un « rapport à la Terre comme entité et à la terre comme matière », qui « ouvrirait des débats contemporains sur les enjeux environnementaux ».
« Les artistes ont toujours eu des inquiétudes concernant l’environnement », affirme l’équipe. Il n’y a qu’à voir, au cours de l’exposition, ce texte d’Agnès Denes datant des années 70, dans lequel elle dit « ne pas accepter les limites que la société à acceptées » ou encore « envisager de nouvelles façons de voir ».
À cette même époque, Gina Paye a, elle aussi, fait part de ses convictions. Son installation faite de bois, de chanvre et de terre peut en témoigner mais aussi trois de ses photographies explorant la terre mère « exploitée, dévastée, souillée, polluées ».
En plus des œuvres d’époque, l’exposition tient à mettre en avant des créations plus récentes, comme cette photographie de 2017 nommée « Inside the desert lies the thinnest grain of sand » (C’est dans le désert que se trouve le grain de sable le plus fin). L’artiste Katie Paterson a choisi d’associer les technologies à l’aridité de la nature. Elle a recueilli un grain de sable prélevé dans le désert du Sahara par des spécialistes nano-technicien dans le but de le réduire à sa plus petite dimension possible.
Des objets en tous genre
Pour provoquer des prises de conscience, la photographie est un moyen privilégié. Nombreuses sont les prises de vue que l’on peut croiser sur le parcours, comme celles de Barbara et Michel Leisgen. Le couple a choisi de s’incarner dans ses photos afin de « déjouer la prétendue supériorité de l’humain sur les autres espèces ». La série vient ainsi épouser les formes du corps de la photographe afin d’établir une connexion avec le paysage feuillu qui l’entoure.
Aux côtés de cette photographie, une œuvre, qui repose sur un concept original, retient l’attention. L’artiste Edith Dekyndt a en effet enterré trois tissus entre l’automne 2018 et le printemps 2019 dans les trois massifs grenoblois (Chartreuse, Belledonne et Vercors) afin de témoigner de la dégradation et de l’usure entraînées par les phénomènes naturels comme le ruissellement de l’eau, la rigueur de l’hiver ou encore le passage d’animaux.
Autre sculpture intéressante, celle de Rachel Labastie. Ses bâtons confectionnés en céramique, argile ou tessons font suite à son passage dans le village d’Egulbati. Elle y avait convié les anciens habitants à une cérémonie très singulière…
Sculptures, photos, objets et témoignages de rituels
La diversité de ces propositions rend cette exposition pleine de curiosités. Car en plus des sculptures, des photographies et autres objets, on y découvre des témoignages de rituels.
Comme cette vidéo signée Célia Gondol, artiste partie à deux reprises en Thaïlande pour étudier les pratiques bouddhistes. Elle y rejoue un geste rituel qui consiste à appliquer des feuilles d’or sur les statuts de Bouddha.
Enfin, comment ne pas parler de la pièce maîtresse de l’exposition ? Cette carte monumentale « Iconoclasistas » de Pablo Ares et Julia Risler qui donne une vue d’ensemble du sujet.
Elle témoigne en effet du travail d’investigation mené par le duo autour du statut des agricultrices à l’échelle internationale. On y observe ainsi les femmes des zones rurales d’Inde qui défendent la conservation des semences face aux tentatives de privatisation, ou encore celles d’Asie-Pacifique revendiquant leur droit à la terre et à la production.
Une exposition à voir donc, notamment à l’heure des importantes préoccupations liées aux fragilités des écosystèmes.
Alice Colmart