FIL INFO – Des scientifiques grenoblois du Centre de recherches sur les macromolécules végétales ont réussi à déterminer les fonctions de 79 nouvelles enzymes capables de dégrader des sucres complexes. Ces résultats, publiés le 4 mars dernier dans la revue scientifique américaine PNAS, ouvrent des perspectives couvrant les domaines des bioénergies aux cosmétiques en passant par la nutrition.
La dégradation des glucides ou sucres complexes, macromolécules très diversifiées (voir encadré), requiert une grande variété d’enzymes. Autrement dit, de “ciseaux à sucres” de taille moléculaire qui cassent les liaisons entre leurs briques élémentaires.
En quelques semaines seulement, des scientifiques grenoblois du Centre de recherche sur les macromolécules végétales (Cermav) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont réussi à déterminer la fonction de 79 nouveaux spécimens de ces enzymes. Et, du même coup, ont découvert treize nouvelles familles de “ciseaux à sucres”. Une performance que cette moisson en un temps record ! Le contraste est saisissant avec le siècle dernier où, en cent ans, les scientifiques ont décrit moins de 200 familles de “ciseaux à sucres”.
Les résultats* de leurs travaux ont été publiés le 4 mars dernier dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Une accélération des découvertes grâce aux méthodes de bio-informatique
Pour obtenir une telle accélération des découvertes, les chercheurs grenoblois ont fait appel à des généticiens du laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (AFBM)** d’Aix-Marseille.
Ces derniers ont utilisé des méthodes de bio-informatique pour rechercher dans des milliers de génomes, des gènes susceptibles de coder ces protéines spécifiques. Ils ont ensuite produit les enzymes correspondant à 560 de ces séquences.
C’est là que les chercheurs grenoblois ont pris le relais pour les tester. Comment ? En exposant ces dernières à plus de 200 sucres différents. Autant d’expériences qui les ont conduits à découvrir la fonction de 79 d’entre elles.
Les fonctions de 243 « ciseaux à sucre » restent encore à découvrir
La prochaine étape pour les chercheurs grenoblois ? Identifier la fonction des 243 autres protéines fabriquées par l’AFBM. Et poursuivre la découverte de nouveaux “ciseaux” dans l’abysse des enzymes des sucres complexes. C’est peu dire, sachant que grâce au seul métagénome du monde microbien de notre intestin (ou microbiote intestinal), les chercheurs estiment déjà la diversité de ces enzymes : il y en aurait entre 60 et 70 000***.
Une travail gigantesque qui vise certes à une meilleure compréhension du vivant. Mais pas seulement. Le jeu en vaut aussi économiquement la chandelle. De fait, ces enzymes pourraient servir d’outils moléculaires dans différents domaines. Notamment ceux des bioénergies, des cosmétiques ou encore de la nutrition.
VM
* Discovery of novel carbohydrate-active enzymes through the rational exploration of the protein sequences space, William Helbert, Laurent Poulet, Sophie Drouillard, Sophie Mathieu, Mélanie Loiodice, Marie Couturier, Vincent Lombard, Nicolas Terrapon, Jeremy Turchetto, Renaud Vincentelli et Bernard Henrissat. PNAS, 4 mars 2019. DOI : 10.1073/pnas.1815791116
** CNRS-Aix-Marseille Université
*** À titre de comparaison, le génome humain contient l’information pour fabriquer seulement une douzaine de “ciseaux à sucre” différents.
En savoir (un peu) plus sur les sucres complexes
Les sucres (ou glucides) complexes jouent des rôles multiples et essentiels dans le monde vivant : éléments de structure comme la cellulose, principal constituant de la paroi des cellules végétales ; ou substances de réserve énergétique telles que l’amidon chez les végétaux et le glycogène chez les animaux ; mais aussi signaux moléculaires comme dans les groupes sanguins.
Cette variété de fonctions repose sur des structures elles aussi très diverses, liées à la multiplicité des briques élémentaires les constituant. Des briques faites de sucres simples, dont on peut citer le glucose et le fructose pour les plus connus d’entre eux. Mais ce n’est pas tout, la diversité de ces glucides s’explique aussi par les différentes façons dont ces éléments de base s’agencent au sein des sucres complexes.