Heureux qui, comme André Weill, a fait un long voyage… sur le che­min des migrants

Heureux qui, comme André Weill, a fait un long voyage… sur le che­min des migrants

DIAPORAMA – Après quatre mois et 2 600 kilo­mètres de marche en Tunisie, en Italie puis en France, André Weill a retrouvé sa ville de Meylan. Physicien à la retraite et ensei­gnant de yoga, le pèle­rin-voya­geur a suivi ce qu’il appelle le « che­min des migrants ». L’occasion de tra­ver­ser des lieux char­gés d’his­toire et d’al­ler à la ren­contre de l’autre. Retour en mots et en images sur un périple, autant qu’une aven­ture pleine de sens. 

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage », écri­vait en son temps Joachim du Bellay, dans un son­net qui chante, en réa­lité, le bon­heur du retour. Un beau voyage, mais aussi un pèle­ri­nage, un périple autant qu’une aven­ture. C’est tout cela qu’a vécu André Weill durant quatre mois, par­cou­rant le « che­min des migrants », depuis la Tunisie en pas­sant par l’Italie pour fina­le­ment retrou­ver sa ville de Meylan, le ven­dredi 3 août.

Deux mille six cent vingt kilomètres et seize mille mètres de dénivellé. Acceuil chaleureux Place des Tuileaux à Meylan. © André Weill

Deux mille six cent vingt kilo­mètres et seize mille mètres de déni­velé. Accueil cha­leu­reux place des Tuileaux à Meylan. © André Weill

Mais que res­sent-on, jus­te­ment, une fois ren­tré chez soi après avoir mar­ché 2 600 kilo­mètres ? « Un sen­ti­ment de vide », nous confie ce phy­si­cien à la retraite. « Pendant tout ce temps, on est pris par un rythme immuable : se lever tôt, faire six à huit heures de marche, la douche, la les­sive, faire ses courses, une sieste, trou­ver à se loger… Et tout d’un coup, quand on revient, la logis­tique est facile… et on a presque un manque », ajoute-t-il, s’en éton­nant lui-même.

Sur le che­min des migrants

L’objectif ini­tial d’André Weill était de faire un che­min du retour, plu­tôt que « d’al­ler vers ». Si Jérusalem comme point de départ était sa pre­mière idée, la situa­tion géo­po­li­tique l’a vite contraint à d’autres options. Ce sera fina­le­ment la Tunisie, avec l’Italie pour deuxième étape. Un choix d’i­ti­né­raire qui a condi­tionné la phi­lo­so­phie même du périple, quand ce grand mar­cheur a réa­lisé qu’il allait ainsi emprun­ter une voie migra­toire cou­rante… et sou­vent mortelle.

[slideshow_deploy id=“202866”]

« Cette idée a pris de l’am­pleur en moi », explique-t-il. Son tra­jet est devenu le che­min des migrants, et s’est doté d’un triple nom sur Facebook : Ahimsa Latifa Bienveillance. Soit un mot sans­krit signi­fiant « non-vio­lence », le pré­nom de la mère de l’un des mili­taires tué à Toulouse par Mohammed Merah et qui porte aujourd’­hui un mes­sage de paix, ainsi qu’un terme fran­çais appe­lant à l’hu­ma­nité de chacun.

L’occasion pour André Weill de mettre à pro­fit son voyage pour “por­ter les cou­leurs” d’une asso­cia­tion, Accueil migrants Grésivaudan, et d’or­ga­ni­ser une cagnotte en ligne à son inten­tion. « C’est une petite asso­cia­tion qui s’oc­cupe de cinq ou six familles. Je ne vou­lais pas me rame­ner à des gros busi­ness asso­cia­tifs natio­naux qui sont fina­le­ment assez imper­son­nels », explique-t-il. La cagnotte est encore ouverte jus­qu’à la mi-septembre.

Des lieux char­gés de sens et de solennité

Le voyage a mené André Weill sur des lieux for­cé­ment sym­bo­liques, à com­men­cer par le Musée de Bardo à Tunis, la plage de Sousse et celle de Lampedusa en Italie. Deux lieux meur­tris, les deux pre­miers par des atten­tats reven­di­qués par l’État isla­mique, le der­nier par le nau­frage d’un bateau de migrants qui a causé la mort de 366 personnes.

Le mar­cheur a éga­le­ment choisi de rejoindre la France en pas­sant le Col de l’Échelle, autre lieu sym­bo­lique du pas­sage des migrants. Avec des amis, André Weill y a orga­nisé un cercle de silence, espé­rant rame­ner « res­pect et dignité » dans le trai­te­ment, autant des migrants et des per­sonnes qui les aident… que du per­son­nel de la police des frontières.

« Le pro­blème est com­plexe, on ne peut pas dire “y a qu’à”, ”il suf­fit de”… On ne peut faire que dans le res­pect et la dignité des per­sonnes », estime-t-il ainsi.

Autre lieu solennel : La Méditerranée, « le plus grand cimetière marin, quinze mille noyés ». © André Weill

Autre lieu solen­nel : la Méditerranée, « le plus grand cime­tière marin, avec ses 15 000 noyés ». © André Weill

D’autres moments de gra­vité encore, lorsque le pèle­rin évoque l’Etna, « une terre qui tremble et qui fume »… Et de hauts lieux spi­ri­tuels, tels les villes de Rome et d’Assise, où André Weill s’est rendu dans les cryptes de Saint-Pierre et de Saint-François.

Une spi­ri­tua­lité à laquelle il a apporté sa propre solen­nité. « Je me suis arrêté et j’ai mar­qué un temps de silence devant les pri­sons et devant les hôpi­taux », nous dit-il. Professeur de yoga en pri­son, André Weill est en effet sen­si­bi­lisé à la ques­tion carcérale.

À la ren­contre de l’autre

Restent les ren­contres. Au cours de son voyage, André Weill a croisé des pèle­rins, et beau­coup de migrants venant notam­ment de pays d’Afrique noire. Dans le vil­lage de Riace, cité comme un modèle d’in­té­gra­tion des migrants, il a suivi un match de foot­ball en com­pa­gnie d’Africains fran­co­phones, épaté par leur connais­sance impec­cable des clubs et des joueurs. Mais la com­mu­ni­ca­tion n’a­vait rien de facile, reconnaît-il.

Après avoir suivi le « Chemin des migrants » de la Tunisie aux Alpes, le grenoblois André Weill revient en mots et en images sur son périple.Rencontres dans un bistro de Riace. © André Weill

Rencontres dans un bis­tro de Riace. © André Weill

« Ils sont devant les petits super­mar­chés, ils font la manche, mais quand on s’ar­rête pour dis­cu­ter avec eux, c’est un dis­cours assez sté­réo­typé. » Des per­sonnes qui cherchent du tra­vail, disent vou­loir aller en Angleterre, quel­que­fois en France, pour rejoindre leur famille. Et gardent le silence sur les condi­tions de leur tra­ver­sée. Ce qui n’é­tonne pas le voya­geur : « Tous les gens qui ont vécu des choses extrê­me­ment vio­lentes dans leur vie ont beau­coup de peine à en par­ler. »

Et André Weill de racon­ter encore volon­tiers sa soi­rée pas­sée aux côtés d’une famille d’o­ri­gine rwan­daise, en Italie depuis trente ans : « Les parents sont encore rwan­dais et leurs trois enfants sont ita­liens, sur la manière de man­ger, sur leur vision du monde, sur toute leur vie sociale. » La fille du couple est par ailleurs aujourd’­hui étu­diante à Sciences Po et se des­tine aux rela­tions inter­na­tio­nales. Un « clin d’œil de l’Histoire » qui plaît par­ti­cu­liè­re­ment à André Weill… pour qui déci­dé­ment les fron­tières ne semblent avoir de sens que lors­qu’il s’a­git de les traverser.

Florent Mathieu

Florent Mathieu

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Deux hommes suspectés de braquages à Pont-de-Claix et Échirolles placés en garde à vue
Assassinat à Saint-Barthélémy-de-Beaurepaire : un homme mis en exa­men, les deux autres sus­pects tou­jours en fuite

FLASH INFO - Les gendarmes en charge de l'enquête sur l'assassinat d'un jeune homme de 24 ans, tué par balle vendredi 15 septembre 2023 dans Lire plus

Trois collectifs annoncent un rassemblement "réservé aux personnes racisées non blanches" à Grenoble samedi 23 septembre
Trois col­lec­tifs annoncent un ras­sem­ble­ment « réservé aux per­sonnes raci­sées non blanches » à Grenoble samedi 23 septembre

FOCUS - Trois organisations – le Collectif des femmes musulmanes de Grenoble, les Féministes racisées anti-patriarcat (Frap) et le FUIQP Grenoble – annoncent organiser un Lire plus

La coopé­ra­tive Toutenvélo Grenoble inau­gure ses nou­veaux locaux pour ses 7 ans

FOCUS - Toutenvélo Grenoble a inauguré, jeudi 14 septembre 2023, ses nouveaux locaux, loués à la Métropole, dans la zone d'activité des Peupliers. Pour la Lire plus

Inauguration avec les élus et les techniciens des travaux de la zone d'activités économiques de l'Argentière sur Fontaine-Sassenage©GrenobleAlpesMétropoleClaraGoubault
Fontaine-Sassenage : la zone d’ac­ti­vité éco­no­mique de l’Argentière végé­ta­li­sée et sécu­ri­sée pour les mobi­li­tés actives 

FLASH INFO - Située sur les communes de Fontaine et Sassenage, la zone d'activité économique de l'Argentière est depuis quelques mois praticable à pied et Lire plus

Le Smmag déploie des vélos Mvélo+ "Édition 10 000" pour fêter ses 10 000 contrats de location
Des vélos Mvélo+ « Édition 10 000 » pour fêter les 10 000 contrats de loca­tion du Smmag

EN BREF - Pour mieux célébrer le franchissement du cap des 10 000 contrats de location, le Smmag déploie 200 vélos siglés et colorés pour Lire plus

Mercredi 20 septembre, de nombreux jeunes ont pu obtenir des produits alimentaires auprès des bénévoles de l'Union des étudiant.e.s de Grenoble et de Génération Précarité. © Martin de Kerimel - Place Gre'net
Distribution de pro­duits de pre­mière néces­sité : une ren­trée sous le signe de la pré­ca­rité pour de nom­breux étu­diants du cam­pus de Saint-Martin-d’Hères

REPORTAGE - L'augmentation du coût de la rentrée en 2023 ? L'Union des étudiant.e.s de Grenoble la chiffre à 8% et parle d'un taux encore Lire plus

Flash Info

|

21/09

21h32

|

|

21/09

16h12

|

|

21/09

14h05

|

|

19/09

12h34

|

|

18/09

16h22

|

|

14/09

17h44

|

|

14/09

15h33

|

|

14/09

12h33

|

|

13/09

17h22

|

|

13/09

14h24

|

Les plus lus

A écouter| Chronique Place Gre’net – RCF 58 : Un mariage en pré­sence d’un chien… et la ques­tion de la condi­tion ani­male à Grenoble

A écouter| Chronique Place Gre’net – RCF 57 : Retour sur « la condam­na­tion d’Éric Piolle » et sa vision per­son­nelle de la probité

Société| Séisme au Maroc : des asso­cia­tions isé­roises col­lectent des dons et du maté­riel, les col­lec­ti­vi­tés votent des aides d’urgence

Agenda

Je partage !