EN BREF – À l’occasion de la journée nationale de l’équité parentale, mercredi 16 mai, des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes de France pour réclamer une généralisation de la garde alternée des enfants de parents séparés. À Grenoble, c’est devant le palais de justice que des militants de l’association Père Enfant Mère s’étaient donné rendez-vous.
Malgré le soleil de midi, le public n’est pas venu nombreux au rassemblement convoqué par l’association Père Enfant Mère devant le palais de justice de Grenoble. Seuls trois militants avec leur banderole ainsi que deux personnes ayant répondu à l’appel avait fait le déplacement.
Président de Père Enfant Mère, association de défense des droits des enfants et des parents depuis dix-huit ans, René Forney n’est pas surpris de cette faible affluence. « Les autres ont peur des représailles », explique-t-il. À l’en croire, beaucoup de parents rechignent à s’afficher avec son association par crainte de conséquences négatives sur les procès à venir.
Fondée en 1992, celle-ci est basée à Grenoble et compte une petite dizaine d’adhérents dans toute la France. Ce mercredi 16 mai, elle participait à une journée nationale en faveur d’une généralisation de la garde alternée des enfants de parents séparés. Entrée dans la loi en 2002, ce régime spécifique prévoit que l’enfant vive en alternance aux domiciles des deux parents, à durée équitable de préférence.
L’épanouissement de l’enfant en ligne de mire
Travaux scientifiques à l’appui, en particulier ceux du psychologue et professeur à l’Université Grenoble-Alpes Gérard Poussin, les militants ne tarissent pas d’arguments pour clamer que la résidence alternée est la meilleure solution pour garantir l’épanouissement des enfants. Ceux bénéficiant de ce mode de garde, disent-ils, seront moins enclins à être malades ou à basculer dans la délinquance, le contact permanent avec les deux parents étant indispensable à l’équilibre psychique de l’enfant.
À mi-chemin entre l’humour et la provocation, Pierre Besson va encore plus loin : « Nous sommes là pour éviter que vos enfants ne deviennent des terroristes », lance-t-il. Et le responsable de la communication de Père Enfant Mère de rappeler que beaucoup des auteurs d’attentats qui ont sévi en France ces dernières années ont grandi sans père, pour cause de divorce ou de décès.
Seulement, la résidence alternée n’est que très rarement appliquée aujourd’hui. Seuls 17 % des enfants de parents séparés bénéficient de ce mode de garde aujourd’hui, contre 83 % pour la garde classique. L’enfant passe alors un week-end sur deux et la moitié des vacances chez un parent, le reste du temps chez l’autre.
René Forney pointe la responsabilité de la justice. Il accuse le « système judiciaire » de chercher à garder à tout prix les affaires familiales dans les tribunaux (le plus longtemps possible) à des fins de rentabilité et de profits. « Il y a tout un business derrière », répète-t-il. Ce discours virulent envers la justice s’accompagne d’une revendication importante : la dé-judiciarisation des décisions sur la garde alternée.
Une justice sexiste ?
D’autre part, Père Enfant Mère reproche aussi aux juges d’accumuler les stéréotypes de genre et, partant, d’agir de manière discriminatoire. Loin de favoriser l’égalité de traitement entre les sexes, la justice familiale obéirait en effet aveuglément au stéréotype selon lequel une femme serait plus à même qu’un homme de garder un enfant, grâce à des qualités de sensibilité et de douceur qui seraient indissociables du sexe féminin.
« La justice est sexiste », assène René Forney, qui en veut pour preuve la garde classique bien plus souvent accordée à la mère qu’au père. Ainsi, 71 % des enfants de parents séparés résident principalement chez leur mère, contre 12 % chez leur père. « Pourtant, la compétence est la même pour le père et la mère », regrette Pierre Besson.
Thomas Goncalves partage cette rancœur. Lui n’est pas militant à Père Enfant Mère. Il est simplement venu parler et raconter son histoire. Ce père de famille de 45 ans a obtenu la garde alternée de ses deux enfants en 2013, mais il ne voit plus sa fille cadette depuis le mois de mars. Il a attaqué son ex-épouse en justice pour aliénation d’enfant. Sans beaucoup d’espoir : « Je sais que je vais perdre, soupire-t-il, parce que je suis un père. » Les autres hochent la tête.
Samuel Ravier-Regnat