FOCUS – La Ville de Grenoble et le Planning familial de l’Isère renforcent leur partenariat à travers une nouvelle convention qui formalise et renforce le travail collaboratif mené depuis des années par ces deux entités. Cet accord vise également à consolider la coordination et la coopération de la Ville et du Planning familial sur « des actions et des aspirations communes ».
C’est symboliquement à quelques heures de la Journée internationale des droits des femmes (cf. diaporama ci-dessous) et du début de la Quinzaine contre le racisme et les discriminations, que le Planning familial de l’Isère et la Ville de Grenoble ont tenu à officialiser leur relation de partenariat.
À revoir : la Journée des droits des femmes à Grenoble © Léa Raymond – Placegrenet.fr
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L’histoire entre la Ville et le mouvement féministe n’est pas récente puisque Grenoble a été, en 1961, la première ville de France où s’est ouvert, clandestinement, un Planning familial. La contraception et l’avortement y étaient encore interdits. Depuis, le Planning familial de l’Isère, prenant en compte toutes les sexualités, défend les droits à la contraception et à l’avortement ainsi que l’éducation à la sexualité.
Une coopération de longue date
Le Planning familial de l’Isère dénonce et combat toutes les formes de violences envers les femmes, mais aussi les discriminations et les inégalités sociales tout en s’engageant dans la prévention du Sida et des infections sexuellement transmissibles (IST). Des valeurs communes que la Ville et le mouvement entendent consolider avec la signature d’une convention unique et trisannuelle de partenariat, d’objectifs et de moyens.
Céline Deslattes, la présidente du Planning familial de l’Isère et Max Cressent du collectif Rita. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Il n’en a pas toujours été ainsi. « Avant, nous étions dans une logique d’aller chercher des subventions, notamment pour les Centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) interquartiers, ou à la recherche de projets. Nous allions vers la Ville, la Métropole ou encore le Département », se souvient Céline Deslattes, la présidente du Planning familial de l’Isère.
C’est donc désormais de l’histoire ancienne pour cette association fortement implantée sur le territoire, via ses antennes* interquartiers dans cinq Maison des habitants (MDH). Suite à la proposition de la municipalité de travailler avec elle dans le cadre du Plan municipal de santé (PMS), un vrai partenariat cohérent a pu être construit au bout de deux années de travail. « Cela nous a donné une vraie liberté. Nous ne sommes plus dans une relation financeur-financé », se réjouit la présidente.
Un concours financier de la Ville à hauteur de 25 000 euros annuels
Les objectifs de cette convention entrée en vigueur le 1er janvier 2018 ? Outre la formalisation du soutien de la Ville, elle précise et renforce les modalités de coopération en « fixant le cadre d’une réflexion stratégique et prospective » autour d’enjeux et d’actions transversales définis par quatre axes de travail. Le tout « dans une recherche de complémentarité et de convergence des actions respectives de la Ville et de l’association », précise la municipalité. De surcroît, la convention sécurise le concours financier apporté au Planning familial à hauteur de 25 000 euros annuels.
Pour mettre de l’huile dans les rouages, une gouvernance a été mise en place, avec un référent unique désigné comme interface et un comité de suivi qui se réunira une fois par an. Vient compléter ce dispositif un comité technique partenarial qui, lui, se réunira plus fréquemment. « C’est important parce que, côté Ville, plusieurs directions* sont impliquées et il fallait assurer une bonne cohérence de l’ensemble », insiste Mondane Jactat, déléguée à la santé et à la politique de la ville.
Enfin, en 2020, dernière année de la convention, une évaluation, si possible externe, sera effectuée au regard des objectifs réalisés afin d’alimenter la préparation de la convention suivante.
« Des jeunes filles ne souhaitent pas aller au centre de leur quartier »
Quid des quatre axes de travail stratégiques définis par cette convention ? Vient en tête l’information et l’action en prévention pour développer une éducation sexuelle et affective. « Un des fondamentaux du Planning familial », rappelle Emmanuel Carroz, l’adjoint délégué à l’égalité des droits et à la vie associative. En 2017, pas moins de 141 personnes ont ainsi bénéficié d’un entretien de conseil conjugal et familial au sein des CPEF ou au centre de planification Gambetta, également siège de l’association.
« Souvent, il y a des jeunes filles qui ne souhaitent pas aller directement au CPEF de leur quartier par besoin d’anonymat », souligne Céline Deslattes. Dans ces centres, une attention toute particulière est donnée aux adolescents, aux migrants et aux personnes en situation de fragilité psycho-sociale.
Second axe : l’action pour réduire les disparités et les freins de recours aux soins gynécologiques. « En 2017, nous avons eu 630 consultations et examens cliniques, ce qui permet de travailler sur les questions de droit à l’avortement et à la contraception », explique Céline Deslattes.
Là aussi, le centre de Gambetta joue un rôle non négligeable dans l’accueil des femmes issues des “quartiers”. Pourquoi ? Parce que l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse n’est pas accessible dans les antennes interquartiers. Et le besoin est grand puisque la fréquentation des centres a triplé en trois ans. On y trouve majoritairement des femmes issues de l’immigration (du Maghreb et d’Afrique noire) souvent isolées et en situation de très grande précarité.
Soutenir les femmes en situation de vulnérabilité
Au titre du troisième axe de travail, la promotion de toute forme de soutien aux femmes en situation de vulnérabilité. Le but ? Les accompagner vers un retour à l’emploi. Comment ? En les aidant à sortir de leur isolement, à prendre confiance en elles, à rencontrer et tisser des liens avec des professionnelles.
C’était l’objet des ateliers qui se sont déroulés du 4 au 8 décembre 2017 à la MDH de l’Abbaye-Jouhaux lors la Semaine des femmes organisée dans le cadre du programme Pouvoir d’agir. Au total, dix femmes du secteur 5 y ont participé. Autre volet de cet axe : la mise en place d’un café des parents. Notamment dans les écoles maternelles Le Lac et La Fontaine.
Dix-sept temps d’écoute au total – des échanges individuels et confidentiels ou des discussions collectives – durant lesquels les conseillères de l’association ont rencontré cinquante femmes et neuf hommes. Les buts visés ? Notamment lever les doutes des parents liés à la parentalité, renforcer la perméabilité entre l’école et les familles ou encore le soutien à la mobilisation de l’enfant dans son parcours scolaire.
Un fond documentaire couvrant cinquante années des droits des femmes
« Sensibiliser le public autour des problématiques de société, initier la réflexion, informer et développer la connaissance pour lutter contre les discriminations et pour l’égalité des droits et contribuer à réduire les stigmatisations de genre ». Tels sont les termes du quatrième axe qui mise sur la pédagogie. Tout particulièrement à travers la mise à disposition de l’important fond documentaire du Planning familial couvrant près de cinquante ans d’histoire des droits des femmes.
Pédagogie encore avec le renforcement du partenariat avec l’Éducation nationale via le Programme de développement affectif et social, programme (Prodas). « L’idée c’est de dire “comment je me respecte, qu’est-ce que le corps de l’autre, comment je suis, moi, jeune enfant dans cet espace-là ?” », commente Céline Deslattes. Un élément « socle », selon la présidente.
Participent aussi de ce dernier axe les actions contre les discriminations, comme la lutte contre le Sida ou le harcèlement de rue.
Enfin, avec le festival de ciné-débats Les dérangeantes c’est dans la lutte contre les discriminations et les violences liées au genre que s’est engagé le Planning familial avec les concours du Centre communal d’action sociale (CCAS), de la Métropole, des MDH et de la direction de l’Action territoriale. Transversalement à ces quatre axes, plus de 160 animations auprès de publics scolaires et non scolaires ont été menées, touchant ainsi plus de 1 400 élèves allant de la maternelle à la terminale.
Une personne trans sur trois porte atteinte à ses jours
Le Planning familial de l’Isère travaille par ailleurs, de concert avec le collectif Ressort intersexe et trans en action (Rita) depuis maintenant cinq ans, sur l’accueil et l’accompagnement des personnes transidentitaires. Ces dernières – soit une personne sur 400 à 500 – sont souvent victimes d’agressions, parfois très violentes, essuient des refus de soins, accèdent difficilement à l’emploi et se suicident dix fois plus que les personnes cisgenres.
« Nous accompagnons environ 450 personnes par an. Notamment à travers la mise en place de deux permanences d’accueil collectif », explique Max Cressent, éducateur spécialisé bénévole et membre du collectif Rita. Ces permanences offrent la possibilité de rencontrer un médecin ou une conseillère spécialement formée. Mais aussi d’accéder à des documents d’information ainsi qu’à du matériel de prévention.
Le risque suicidaire est une préoccupation majeure pour le collectif. « Une personne trans sur trois porte atteinte à ses jours. Nous avons vraiment voulu nous emparer de cette question pour améliorer leurs conditions d’existence », déclare Max Cressent.
Joël Kermabon
* Les antennes interquartiers du Planning Familial de l’Isère sont implantées dans cinq Maisons des habitants (MDH) gérées par la Direction de l’action territoriale de la Ville de Grenoble : MDH Vieux-Temple, MDH Mistral Eaux-Claires, MDH Teisseire, MDH Prémol et MDH Abbaye-Jouhaux.
- ** Notamment la direction Santé publique et environnementale, la direction de l’Action territorialisée et la direction Éducation jeunesse