FOCUS – Grande épopée que celle menée par la ville de Grenoble pour accueillir les JO de 1968. Anniversaire des 50 ans oblige, le Musée dauphinois revient sur cette histoire fascinante dont il n’est pourtant pas si facile de rendre compte sous forme d’exposition. Avec « Grenoble 1968, les Jeux olympiques qui ont changé l’Isère », le musée ne remporte pas, cette fois, l’or pour la scénographie, mais s’en sort avec les honneurs.
En quoi les JO de 1968 ont-ils changé la capitale des Alpes et son proche environnement ? C’est la question à laquelle tache de répondre la nouvelle exposition du Musée dauphinois intitulée « Grenoble 1968, les Jeux olympiques qui ont changé l’Isère », à découvrir jusqu’au 7 janvier 2019.
Celle-ci ne verse pas pour autant dans la célébration béate, comme on pourrait le craindre, mais interroge les traces laissées sur la ville et le département par l’organisation des Jeux olympiques. Et ce d’un point de vue urbanistique, médiatique, culturel et sportif.
Exposer les JO de 68 : un défi
Dans un esprit pédagogique, le musée remonte d’abord aux origines antiques des Jeux, avant de s’intéresser aux stratégies déployées par la ville de Grenoble lors de sa candidature.
Viennent ensuite les conséquences urbanistiques de l’organisation des JO : Grenoble s’est dotée de différentes infrastructures qui lui faisaient jusqu’alors défaut quand les stations de montagne se sont de leur côté transformées.
On passe alors d’une ambiance à une autre : les exploits sportifs, la médiatisation exceptionnelle pour l’époque, les empreintes laissées par les Jeux…
Pour fascinante que soit cette grande épopée des Jeux, c’est plus par l’appareil textuel que véritablement par les objets, affiches, extraits de films et photographies reproduites que l’on en apprécie la charge. En cela, le catalogue d’exposition permet une plongée plus fine dans les différents aspects évoqués.
De la grande mutation à la mauvaise réputation
Les photographies des nombreux chantiers lancés de l’été 1965 à la fin de l’année 1967 permettent de mesurer à quel point la ville a vu sa physionomie évoluer en un temps record. Avec, notamment, la construction du stade de glace, de l’anneau de vitesse, du village olympique et du centre de presse.
Côté transport, entre autres, la gare est déplacée et l’aéroport Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs fait son apparition. Travaux auxquels s’ajoutent la construction d’un nouvel hôtel de police, d’une nouvelle caserne des pompiers, d’un nouveau palais des expositions devenu Alpexpo, etc. Et même, côté culture, rayonnement oblige, la ville se dote des trois équipements que sont la Maison de la culture, le Musée dauphinois et le Conservatoire de musique.
Une débauche de moyens qui a laissé quelque amertume dans l’esprit des Grenoblois. Jean-Claude Killy, triple médaillé d’or de ces JO, présent lors de l’inauguration de l’exposition, s’en est ému : « Les JO de 68 ont souffert de cette réputation mais on ne peut pas dire que ce sont les équipements liés aux JO qui ont été coûteux. Il y a eu un véritable développement de territoire global. »
Propos validés par son homologue Marielle Goitschel qui rappela, quant à elle, la part prise par l’État dans le règlement de l’addition.
En l’occurrence, et même si le général de Gaulle avait d’abord annoncé en 1964 que l’État ne participerait pas financièrement aux travaux, c’est bien l’État qui écopa de plus des trois quarts du règlement des dépenses.
Pierre Frappat, dans le catalogue d’exposition, fait la comparaison suivante pour relativiser la somme déboursée tant par l’État que par la ville : « Les JO coûtèrent 1,1 milliard de francs de 1968 ; en euros de 2016 cela représenterait, très approximativement, 1,5 milliard d’euros. Vingt fois moins que les Jeux de 2014 à Sotchi, en Russie ! À la charge de Grenoble, il revint donc 20 % de cette somme, soit, très approximativement redisons-le, 300 millions d’euros de 2018. »
Adèle Duminy
Le cœur battant d’Alain Calmat
La bonne idée de cette exposition pour nous plonger dans le bain olympique ? Projeter un extrait du film « 13 jours en France » réalisé par Claude Lelouch, à qui avait été commandé un film sur les JO. Sur l’extrait choisi, le général de Gaulle proclame, on ne peut plus solennellement, l’ouverture de ces Xe Jeux olympiques d’hiver. Mais c’est surtout l’exploit d’Alain Calmat, ancien champion du monde de patinage artistique, qui coupe le souffle.
On le voit, muni de la flamme, gravir les marches qui le mènent à la vasque olympique. Le tout, au pas de course, dans des conditions de sécurité qui laissent songeur aujourd’hui. En guise de bande son, un battement cardiaque donne un caractère incroyablement serein à la scène.
« Ce n’est pas mon cœur qu’on entend ! Le mien a dû monter à 180 battements par minute. Monter ces marches était vraiment risqué », assure Alain Calmat qui, outre le danger, se souvient aussi de l’émotion ressentie. « Non seulement la vasque s’est embrasée mais la foule était en liesse. »
Les différents champions présents le jour de l’inauguration de l’exposition s’accordent eux aussi à saluer l’incroyable soutien dont ils ont bénéficié. « Rien à voir avec les supporters d’aujourd’hui ! Des braillards avinés… », a conclu Marielle Goitschel, l’ancienne championne au franc parler lui aussi légendaire.