« Justes soli­daires », une expo­si­tion qui rend hom­mage aux « citoyens soli­daires des migrants »

« Justes soli­daires », une expo­si­tion qui rend hom­mage aux « citoyens soli­daires des migrants »

TROIS QUESTIONS À – Le pho­to­graphe Bertrand Gaudillère et la jour­na­liste Catherine Monnet exposent leur tra­vail « Justes soli­daires » à l’Hôtel de Ville de Grenoble jusqu’au 30 novembre, dans le cadre du fes­ti­val Migrant’Scène orga­nisé par la Cimade, asso­cia­tion natio­nale qui accom­pagne les per­sonnes étran­gères dans la défense de leurs droits. Une gale­rie de por­traits accom­pa­gnés de témoi­gnages rend hom­mage à des citoyens soli­daires. En l’oc­cur­rence, ici dans le cadre des expul­sions de migrants des des­sous du pont du métro aérien de La Chapelle, dans le nord de Paris, pen­dant l’été 2015.

Le photographe Bertrand Gaudillère devant l'exposition "Justes solidaires", qu'il cosigne avec la journaliste Catherine Monnet. © Adèle Duminy

Le pho­to­graphe Bertrand Gaudillère devant l’ex­po­si­tion « Justes soli­daires », qu’il cosigne avec la jour­na­liste Catherine Monnet. © Adèle Duminy

Crises migra­toires ou « crise de l’accueil » ?

Les tra­vaux menés par Bertrand Gaudillère relèvent régu­liè­re­ment de pro­blé­ma­tiques sociales et poli­tiques, notam­ment au sein du col­lec­tif item, qu’il a contri­bué à créer. Avec « Justes soli­daires », le pho­to­graphe asso­cie ses cli­chés aux textes, lim­pides, de la jour­na­liste Catherine Monnet.

Tous deux entendent mon­trer com­ment de simples citoyens, issus de toutes les classes socio-pro­fes­sion­nelles, sont deve­nus soli­daires pour sou­te­nir les vic­times de ce qu’ils consi­dèrent comme « l’une des plus graves crises huma­ni­taires et poli­tiques du début du XXIe siècle ».

Leur pro­jet, débuté en 2015, prend le parti de dépla­cer notre point de vue sur les pro­blèmes liés aux crises migra­toires actuelles. « Crises migra­toires » aux­quelles le pho­to­graphe aime­rait sub­sti­tuer le terme de « crise de l’accueil » puisque le véri­table pro­blème se situe, selon lui, du côté de l’inaction des ins­ti­tu­tions fran­çaises et euro­péennes. Lesquelles n’assument pas le rôle qui leur échoit confor­mé­ment aux trai­tés qu’elles ont pour­tant rati­fiés. Les citoyens soli­daires, aux­quels le pho­to­graphe et la jour­na­liste rendent hom­mage ici, pal­lient ce man­que­ment. Entretien.

Le titre de l’exposition « Justes soli­daires » peut s’entendre de dif­fé­rentes manières. Cette poly­sé­mie est-elle volontaire ?

Bertrand Gaudillère : Ce titre nous a sem­blé juste à Catherine Monnet et à moi-même. Bien sûr, il y a la réfé­rence his­to­rique pas si loin­taine au fait que des per­sonnes ont pris soin d’autres per­sonnes… Sans faire tou­te­fois de com­pa­rai­son hâtive avec cette période trouble de l’histoire, on s’est demandé si les justes d’aujourd’hui ne seraient pas les gens qui font preuve de soli­da­rité citoyenne envers les migrants.

C’est aussi une manière de leur rendre hom­mage. Car, de leur côté, toutes ces per­sonnes ont ten­dance à mini­mi­ser leur action. Quand on leur dit que ce qu’elles font est vrai­ment impor­tant, elles répondent sou­vent : « On ne fait rien de par­ti­cu­lier. On est juste soli­daire. » Or, ils sont bien des “justes” en ce qu’ils sont capables de ne pas fer­mer les yeux face aux pro­blé­ma­tiques sociales aux­quelles on est confronté par le biais des vagues migratoires.

Outre la volonté de saluer l’action de ces citoyens soli­daires, cher­chez-vous à encou­ra­ger les spec­ta­teurs de votre expo­si­tion à pas­ser dans le camp des “justes” ?

Bertrand Gaudillère © Adèle Duminy

Bertrand Gaudillère © Adèle Duminy

Ce tra­vail a plu­sieurs voca­tions. D’abord, on a voulu mon­trer qu’il n’y avait pas de petites ou de grandes actions : héber­ger, soi­gner, nour­rir, coor­don­ner, divertir…

Ce der­nier verbe par exemple est asso­cié à un jeune couple. Tous deux ont com­mencé par prê­ter leur douche. Un petit gars de 19 ans envi­ron a remar­qué leur PlayStation. Alors ils l’ont invité à venir jouer tous les jours. De cette petite action, découlent énor­mé­ment de choses. Ce gamin, en rup­ture sur le cam­pe­ment, a pu retrou­ver des pro­blé­ma­tiques de son âge.

On vou­lait aussi rendre le sujet lisible. C’est en par­tie le rôle des verbes qui accom­pagnent le dip­tyque de pho­tos et le témoi­gnage. Ils per­mettent de ren­trer dans la com­pré­hen­sion du sujet. Au départ, je n’étais pas d’accord avec Catherine Monnet. Je les trou­vais réduc­teurs car, lorsque l’on est sur le ter­rain, on voit bien que ces gens font plein de choses… Mais en même temps, ce mot est la porte d’entrée sur le sujet.

On vou­lait aussi tordre le cou à cette idée selon laquelle ceux qui s’engagent sont des profs à la retraite qui n’ont rien à faire ou de jeunes gau­chistes exal­tés. En réa­lité, ce sont des gens de tous âges, issus de toutes les caté­go­ries socio­pro­fes­sion­nelles et qui passent à l’action pour des rai­sons dif­fé­rentes, comme le montrent les témoi­gnages. On voit bien com­ment on peut ces­ser de subir pour deve­nir acteur de sa vie et de la société.

Dans cette démarche, est-il juste de dire que le tra­vail esthé­tique des pho­to­gra­phies s’est subor­donné au pro­pos que vous sou­hai­tiez défendre ?

Effectivement, ce n’est pas le tra­vail esthé­tique le plus poussé que j’ai fait. C’est une série de por­traits qui fonc­tionne en dip­tyque avec une série d’actions qui ne sont pas spec­ta­cu­laires puisque quo­ti­diennes. Je ne vou­lais pas magni­fier ce quo­ti­dien-là. Je suis dans le constat et la volonté de par­ta­ger. À par­tir de là, c’est vrai que je joue dans un espace artis­tique assez réduit. J’utilise éga­le­ment la cou­leur pour évi­ter l’échappatoire que pour­rait consti­tuer le noir et blanc, qui ren­drait peut-être le sujet un petit peu plus poé­tique et léger, comme je l’ai déjà fait sur d’autres sujets.

Et puis, ce qui prime ici, c’est vrai­ment le dia­logue entre les mots – les témoi­gnages recueillis par Catherine Monnet – et les images. Ce tra­vail de col­la­bo­ra­tion per­met de por­ter notre propos.

J’aimerais vrai­ment que les gens com­prennent qu’il n’y a pas de « crise des migrants » ou de « crise des réfu­giés » mais bien une « crise de l’accueil ». Quand on dit ça, on déplace le problème.

Rappeler que c’est la crise de l’accueil, c’est aussi mon­trer qu’il y a une défaillance des ins­ti­tu­tions fran­çaises et euro­péennes vis-à-vis de cette ques­tion migra­toire et c’est aussi rame­ner ces ques­tions-là du côté du droit et de la loi. Les ins­ti­tu­tions euro­péennes sont défaillantes puisqu’elles ne res­pectent pas les trai­tés inter­na­tio­naux qu’elles ont rati­fiés. En mon­trant des citoyens en action, c’est aussi l’inertie de ces ins­ti­tu­tions que l’on souligne.

Propos recueillis par Adèle Duminy

Infos pra­tiques

Festival Migrant’Scène

Du 18 novembre au 10 décembre 2017

Exposition « Justes Solidaires »

Hôtel de Ville, à Grenoble

Du 20 au 30 novembre

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