FOCUS – Pour la première fois de la saison, les Centaures de Grenoble évolueront dimanche 9 avril au stade Lesdiguières. Ils recevront dans le cadre du Casque d’or, le championnat de Deuxième division, les Blue Stars de Marseille. Pour les footballeurs américains de Grenoble, c’est un sacré défi à relever face au leader invaincu de la poule. Le premier objectif des Grenoblois est de conserver leur deuxième place d’ici la fin de saison pour disputer les play-offs, les phases finales. Zoom sur l’équipe fanion grenobloise.
L’image d’un sport de brutes associée au football américain a vécu. Certes les contacts peuvent être rudes et les blessures sérieuses. Mais ce qui caractérise avant tout ce sport, c’est son aspect stratégique. Il suffit d’assister à un entraînement des Centaures, le club de Grenoble, pour s’en convaincre.
Par exemple, les joueurs en attaque répètent plusieurs fois différents schémas de jeu que l’entraîneur leur a montrés au préalable sur de grandes feuilles, le cahier de jeu. Il s’agit de s’adapter à la défense proposée par l’adversaire pour le surprendre. Le but est de gagner le maximum de terrain, par une course avec le ballon ou une passe à un coéquipier, pour marquer un touchdown (l’équivalent de l’essai au rugby) ou un field goal (un coup de pied pénalité).
Une importante préparation des matches à partir de vidéos
Un gros travail de préparation est nécessaire. « Ce qui limite le développement du football américain, c’est qu’il est très difficile de se contenter du loisir. J’aurais tendance à dire que c’est un sport qui n’existe pas en loisir », estime Benjamin Leger, joueur et coordinateur défensif (coach de la défense) des Centaures.
« On demande aux gars d’être des athlètes, de jouer vite et d’être costauds pour encaisser les chocs ou en donner. Mais en même temps, il y a une très grosse partie au niveau de l’intellect, de voir tous les schémas, d’étude de l’adversaire… Il y a un gros travail de déduction mentale à effectuer. Cela nécessite de beaucoup travailler sur les vidéos en amont. »
Les joueurs grenoblois s’entraînent trois fois deux heures par semaine. « Après, il y a ceux qui vont s’entraîner à la salle en plus pour faire de l’athlé, de la musculation… Pour les meilleurs athlètes de l’équipe, c’est au moins une heure et demie tous les jours », précise Leger. « Nous sommes avant tout un grand groupe de passionnés. Nous n’en vivons pas, mais nous le faisons parce que nous aimons ce sport, tout simplement. » La récompense ? C’est le match.
Une stratégie basée sur la formation des joueurs et des entraîneurs
L’équipe senior des Centaures évolue en Deuxième division, dans la poule sud-est. « L’objectif est d’atteindre les play-offs [les phases finales, ndlr] et, si possible, d’accéder à l’élite [la Première division, ndlr], sachant que c’est un objectif optimal », indique Laurent Lambert, redevenu président il y a deux ans après avoir connu les débuts du club en 1985.
« Dans notre projet, la montée doit arriver plus comme la conséquence du travail qu’on a accompli que comme un objectif que l’on poursuivrait à tout prix, sur lequel on mettrait tous nos moyens. Il y a différentes stratégies pour arriver au plus haut niveau. »
Celle des Grenoblois ne consiste pas à recruter massivement des joueurs étrangers ou français renommés, mais chers, pour y parvenir. « On souhaite travailler surtout sur notre formation, qui a toujours été notre point fort, c’est-à-dire sur notre rayonnement auprès des jeunes et sur la qualité des entraîneurs », précise Lambert. « C’est un projet de développement durable. »
Si le club « croit beaucoup à la formation française », il s’ouvre aussi sur d’autres horizons et à d’autres compétences. La preuve ? Son entraîneur en chef David Gould, arrivé cette saison, est canadien. « Il a un niveau universitaire, c’est-à-dire un très bon niveau », indique Lambert. « Il est né dans cette culture (du football américain). Avec quelqu’un comme lui, on s’assure de transmettre cette façon de voir les choses à nos entraîneurs en France, sur les méthodes de travail aussi. Il est très exigeant. »
Un jeu plus équilibré entre la passe et la course cette saison
Gould ne parle pas français. Mais il arrive à se faire comprendre de ses joueurs. « La beauté du foot américain, c’est que les mots sont en anglais. Ils me comprennent quand je parle. Ils savent au ton que j’utilise si je suis fâché. Il y a aussi assez de personnes dans le staff qui parlent anglais et qui traduisent pour les gars qui ne comprennent pas un point précis. »
Le Canadien a été aussi recruté pour faire évoluer un peu le jeu des Centaures. « Ces dernières années, on développait beaucoup de jeu à la passe. Avec l’arrivée de Dave, nous avons un peu rééquilibré cela. Nous avons toujours un jeu de passe très correct, mais c’est vrai que nous avons un peu plus d’armes à la course maintenant. Nous avons plus d’options pour surprendre l’adversaire, plus d’effet de surprise », explique Benjamin Leger. Cela semble plutôt fonctionner.
Les Grenoblois sont deuxièmes de leur poule, place qualificative en play-offs. Dimanche (à 14 heures), ils reçoivent les leaders marseillais, invaincus cette saison, qui les avaient corrigés lors du match aller (49−0). « Depuis que nous sommes montés dans le bus pour rentrer de Marseille, nous n’attendons qu’une seule chose : montrer que nous valons mieux que la performance qu’on a produite là-bas. Nous allons essayer de frapper un grand coup », confie Leger.
Le président Lambert : « On s’inspire des Brûleurs de loups »
Pour tenter de réaliser l’exploit, les joueurs pourront compter sur le soutien du public de Lesdiguières. « C’est un peu le stade emblématique de Grenoble. Comme nous sommes tous vraiment attachés à la ville, ce sont des temps forts pour nous. Nous souhaitons bien la représenter dans ce bel endroit. Pour des sportifs amateurs, c’est génial de pouvoir jouer dans une enceinte pareille. »
C’est un changement de dimension par rapport à la centaine de spectateurs habituellement présents au stade Espagnac. Les Centaures ont accueilli 3 000 personnes à Lesdiguières les dernières années. « On espère avoir une jauge de cet ordre-là ce week-end. Pour nous, c’est une sorte d’étude de marché grandeur nature qui nous confirmera qu’il y a matière à construire quelque chose de durable et de sérieux, y compris en envisageant à moyen et long termes une professionnalisation. C’est le but de notre projet », annonce le président Lambert.
« On s’inspire des Brûleurs de loups [hockey sur glace, ndlr]. Avec un sport relativement confidentiel sur un plan national, Grenoble est un club majeur. Tout cela s’est construit sur moins de 1 500 fidèles à Clémenceau [l’ancienne patinoire des BDL]. Si les mêmes causes produisent les mêmes effets, on devrait pouvoir mener notre projet à terme. »
Laurent Genin