FOCUS – Vendredi 2 décembre, le Musée de la Résistance et de la déportation de l’Isère a inauguré sa nouvelle exposition temporaire. Centrée sur la représentation des maquisards dans la bande dessinée, « La BD prend le maquis ! », visible jusqu’au 22 mai 2017, s’articule autour de deux temps forts. Le premier montre à quel point la représentation du maquis a évolué au fil des soixante-dix dernières années. Le second est davantage ancré dans le présent avec, notamment, les dessins originaux de quatre bédéistes contemporains : Espé, Olivier Frasier, Lara et Baptiste Payen.
Le credo du Musée de la Résistance et de la déportation de l’Isère ? Le devoir mémoriel bien sûr, ce qui ne l’empêche pas d’innover dans sa façon de transmettre. La bande dessinée, qui a le vent en poupe dans les musées, était donc tout indiquée. D’autant plus que c’est la première fois qu’une exposition se concentre sur la représentation du maquis dans le 9e art.
« La BD prend le maquis ! », qui dure du 3 décembre 2016 au 22 mai 2017, retourne d’abord aux sources de l’imagerie maquisarde – très abondante dès l’Occupation – avant de s’en remettre aux illustrations ultra-actuelles de quatre dessinateurs dépêchés par le musée pour l’occasion.
« Je ne peux pas concevoir qu’une nouvelle exposition ne comporte pas une part d’inédit, qu’elle ne cherche pas aussi à encourager de nouvelles créations », explique Xavier Aumage, archiviste du Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne, responsable du commissariat d’exposition. Voilà pourquoi la visite s’achève sur les quatre dessins inédits d’Espé, Olivier Frasier, Lara et Baptiste Payen, qui ont planché la veille même de l’ouverture de l’exposition au public, le 3 décembre, sur l’élaboration de leurs dessins. Leur mot d’ordre ? « Dessine-moi ton maquis ».
Les quatre dessins en disent autant sur les soixante-dix ans de représentations du maquis digérés par les artistes que sur leurs imaginaires respectifs. Car ce que montre très bien l’exposition, c’est que chaque représentation ne délivre évidemment qu’une vision partielle de ce qu’étaient la Résistance et le maquis. Une vision, qui plus est, subordonnée aux aléas de l’Histoire.
Du discrédit à l’héroïsation : 70 ans de maquis en BD
Dès l’Occupation, accessoires entre les mains de la propagande légale, bandes dessinées et illustrations diverses dépeignent les résistants sous les traits les plus repoussants : une véritable “armée du crime”.
Autre exemple, cette propagande officielle profite également de ses moyens illimités pour vanter les mérites du travail en Allemagne quelques mois avant l’institution du Service du travail obligatoire (STO). Le petit fascicule L’aventure de Célestin Tournevis, édité par l’État français en 1942, dépeint ainsi un personnage très désireux de partir outre-Rhin pour trouver le travail de ses rêves (gros salaire, congés payés, avantages sociaux de toutes sortes…).
Pour contrarier le message, le journal Combat donne une suite à cette histoire sous le titre éloquent : « La mésaventure de Célestin Tournevis » (voir ci-contre). En fait de fortune, le personnage éponyme trouve la mort sous les tirs allemands. Cette bataille de l’image, amorcée ici, les résistants la remporteront haut la main quelques années plus tard.
À la Libération, point de collaboration ni de guéguerre entre groupuscules résistants. Le maquisard – qui représentait alors toutes les formes de résistances dans l’esprit des Français – se pare des plus beaux atours dans les séries, innombrables, destinées à la jeunesse. Jusqu’au début des années 1950, du moins, période à partir de laquelle le sujet perd du terrain au profit du Far West, de la conquête spatiale, du Pôle Nord, etc. L’Histoire remettra toutefois le maquis au goût du jour avec le retour au pouvoir du Général de Gaulle en 1958.
Voilà comment l’exposition retrace, d’abord chronologiquement et d’une manière fort pédagogique, la façon dont la représentation du maquis dans la BD accompagne les soubresauts de l’Histoire.
La BD au service de l’histoire oubliée
Qu’en est-il aujourd’hui ? Débarrassés des enjeux propagandistes évoqués plus haut, les scénaristes contemporains seraient davantage préoccupés de vérité historique. C’est en tout cas ce que tient à démontrer le musée en exposant en vis-à-vis de certaines planches les objets, photographies ou archives qui ont pu sous-tendre le travail des bédéistes.
On voit aussi comment certains albums, à l’instar du cinéma, tentent de combler les trous laissés vacants par l’Histoire officielle. Dans Résistants oubliés (Éditions Glénat, 2015), Kamel Mouellef revient sur le rôle de certains soldats issus des colonies françaises dans la constitution des maquis.
Pour Xavier Aumage, l’intérêt éducatif de ces BD est essentiel. Après la lecture ce ces pages dans un collège, un jeune garçon, dont les grands-parents sont d’origine guinéenne, interpelle l’archiviste : « Vous voyez, mes ancêtres n’étaient pas tous des esclaves. » Jolie anecdote qui montre comment la BD, tout en restituant un pan d’Histoire oubliée, peut restaurer un peu de fierté piétinée.
Adèle Duminy
Infos pratiques
Musée de la Résistance et de la déportation de l’Isère – Maison des Droits de l’Homme
14 rue Hébert, à GrenobleLa BD prend le maquis !
Exposition présentée du 3 décembre 2016 au 22 mai 2017
En partenariat avec le Musée de la Résistance nationale, le Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon, Le Dauphiné libéré et les éditions Glénat.