TROIS QUESTIONS À – Hugues Chardonnet, médecin et guide de haute montagne, est le fondateur de l’association briançonnaise 82 – 4000 Solidaires. Sa mission : « partager un rêve » en permettant à des personnes issues de milieux défavorisés de découvrir la montagne et l’alpinisme. Le samedi 5 novembre à Meylan, l’association organisait une Rencontre Montagne partagée. L’occasion notamment de découvrir les partenaires du projet et les témoignages des personnes accompagnées.
Place Gre’net : Comment, et pourquoi, est née l’association 82 – 4000 Solidaires ?
Hugues Chardonnet : Lorsque j’ai commencé à travailler comme guide, il m’est rapidement apparu comme une évidence que le milieu de la haute montagne et de l’alpinisme est un milieu très réservé, d’une part à des gens qui ont la culture de la montagne, et d’autre part à des personnes ayant une certaine aisance sur le plan économique.
Comme par ailleurs j’étais un peu présent dans le mouvement ATD Quart Monde, je me suis dit que nous allions partager notre rêve, notre passion, avec des personnes qui n’auraient autrement aucune chance de découvrir la haute montagne.
L’alpinisme n’est pas un sport : c’est une culture. La montagne fait partie de ce qui nous est offert comme milieu naturel, auquel on peut accéder même si l’on n’est pas sportif. Mais pour y accéder il faut qu’il y ait une rencontre, il faut que quelqu’un la fasse découvrir, et comprendre qu’elle n’est pas réservée à une espèce d’élite. Ou à des illuminés !
Le principe fondamental, c’est de dire à la société d’aujourd’hui, par notre petite expérience, à quel point le droit aux loisirs est un droit fondamental de toute personne, qu’il est de l’ordre de la dignité, et qu’il faut travailler dessus, en particulier auprès des personnes en situation de pauvreté.
Comment sont sélectionnées les personnes participant aux stages en montagne, et qu’est-ce que cette expérience leur apporte ?
Nous passons par des structures sociales, associatives ou territoriales qui ont un contact avec des personnes en situation de difficultés sociales ou en cours de reconstruction, au sens très large du terme. Nous sommes ainsi, par exemple, entrés en contact avec ATD Quart Monde, Les Apprentis d’Auteuil, Le Refuge, ou encore les services sociaux de telle ou telle commune, pour leur faire cette proposition de permettre à des personnes de découvrir l’alpinisme.
C’est très important qu’il y ait une structure intermédiaire entre nous et les personnes : d’une part, c’est elle qui a permis le contact, et d’autre part c’est elle qui va permettre un suivi de ce qui aura été vécu. Cela nous aide aussi sur le terrain : les membres des structures connaissent très bien les personnes accompagnées, quand pour notre part nous avons une semaine, ce qui est très court, pour les découvrir !
Toutes les personnes témoignent de combien le fait d’avoir fait de l’alpinisme a entraîné un déclic, une prise de conscience de ce qu’ils sont, de leurs capacités personnelles, de ce qu’ils peuvent entreprendre et réussir. On sait que le résultat est là. Mais notre idée de base, encore une fois, c’est de partager un rêve, et d’emmener en montagne des personnes qui en ont envie. L’objectif n’est pas de “rééduquer”, mais de vivre ensemble des projets de loisirs.
Pourquoi avoir organisé cette Rencontre Montagne partagée le samedi 5 novembre, et pourquoi dans l’agglomération de Grenoble, plus précisément au Centre théologique de Meylan ?
Notre association a un objectif très simple : organiser des stages d’alpinisme pour des personnes en difficultés. Mais la deuxième partie de notre action, c’est de faire profiter la société de l’expérience très forte que nous vivons, pour nous aider mutuellement à créer une société meilleure, et dire que le loisir est un droit fondamental pour tous. Chaque année, nous nous attachons donc à être présents dans des lieux où dire cette réalité.
Cette année, nous avons eu l’intuition qu’il fallait faire quelque chose de plus concentré, que nous soyons moteurs de ce lieu de débat et de rencontres. Nous nous sommes mis en lien avec l’association Rando-Autrement, qui propose des sorties spirituelles en montagne autour de Grenoble, et nous avons monté ensemble ce projet de rencontres.
Pourquoi Grenoble ? Parce que c’est un centre de la montagne, facile d’accès aussi bien depuis Marseille ou Paris, et c’est en même temps un important bassin d’utilisateurs de l’environnement montagne.
Enfin, la dimension spirituelle est très ancrée dans mon parcours personnel [Hugues Chardonnet a été ordonné diacre permanent en 2006, ndlr]. On retrouve dans la découverte de la haute montagne cette symbolique du sommet : chaque vie a une dimension verticale de transcendance, d’élévation vers quelque chose de l’ordre du développement de la personne humaine, dans ce qu’elle a de plus beau. C’est pourquoi je suis heureux que nous ayons pu faire cela dans un lieu de réflexion spirituelle, qui ne soit ni fermé ni prosélyte !