FOCUS – Designer de métier, Jean-Jacques André a créé la galerie d’art Origin en 2014. Ayant eu du mal à se faire connaître en tant qu’artiste plasticien, ce dernier a voulu entièrement dédier cet espace aux artistes méconnus et aux expositions collectives. Cette galerie « populaire » accueille notamment l’exposition collective « Cadavres exquis » jusqu’au 24 juillet 2016. Petit tour d’horizon d’un lieu décalé et de son propriétaire qui l’est tout autant.
En tant que designer et artiste-plasticien, Jean-Jacques André a connu des “galères” pour exposer. « Bien souvent, dans ce milieu, se faire connaître reste une histoire de réseaux, de connaissances », explique-t-il. Il a ainsi décidé d’ouvrir sa galerie d’art, Origin, « à des artistes méconnus » pour « leur permettre de faire leurs premiers pas », « les mettre en contact, faciliter les réseaux »… Mais aussi « valoriser les œuvres avec une qualité de design spatial et d’éclairage ».
C’est à Fontaine que Jean-Jacques André a installé sa galerie d’art en 2014. Un hasard ? Pas vraiment. Le lieu lui était comme prédestiné. La ville est devenue le nouveau repère des artistes, à en croire l’intéressé, les bas loyers et la municipalité communiste y étant sûrement pour quelque chose. Partout dans la ville, l’art est dans l’air.
Sans oublier la proximité de la galerie avec deux centres d’art contemporains. Et pas des moindres : le Vog (centre municipal d’art contemporain), à Fontaine, et le Magasin (centre national d’art contemporain), à Grenoble. Pour autant, le galeriste n’y voit aucune concurrence préjudiciable. Au contraire, Jean-Jacques André admet bien volontiers que les activités de ces différents lieux d’exposition sont complémentaires. D’autant qu’ils n’ont pas la même vocation. Bien qu’étant une galerie privée, Origin reste en effet un lieu un peu particulier.
« Aller à l’essentiel »
La galerie Origin a une histoire artistique atypique, un peu à l’image de son propriétaire. C’était, il y a encore quelques années, un restaurant-galerie nommé Au gratin dauphinois. Certains artistes y ayant exposé ont remis le couvert avec la galerie Origin. Une « sorte de continuité » dont s’amuse Jean-Jacques André et qui se retrouve également dans le nom du lieu.
L’artiste-plasticien l’a baptisé comme sa première exposition : « Origin ». Une collection de meubles en carton à la forme circulaire, réalisée dans le cadre de l’atelier Esprit carton dont il était responsable, cours Berriat à l’époque. Cette collection trône aujourd’hui en bonne place dans la galerie. « Le nom Origin, c’est pour aller à l’essentiel, ça parle de nos origines à tous […] La forme circulaire est une symbolique de l’œuf, l’idée de retourner à l’origine et, en même temps, ce qui va naître de cette forme essentielle. »
Une symbolique cyclique intrinsèque à l’artiste et à sa perception de l’art où rien ne se perd et tout se transforme… ou se transmet : « Esprit carton c’est du recyclage artistique », souligne l’intéressé. Des meubles en carton qu’il a créés et qu’une vingtaine d’artistes a accepté de peindre. Une sorte de passage de témoin qui a été l’occasion d’un déclic : « Cette exposition m’a remis dans un processus de création pure […] C’est là que j’ai vu que j’adorais organiser une exposition et que j’avais un bon contact avec les artistes. »
Un galeriste « à la traditionnelle »
D’ailleurs, se considérant « galeriste à la traditionnelle » plus que galeriste commerçant, Jean-Jacques André n’hésite pas à « aller au contact » d’artistes qu’il apprécie, parfois peu connus. Ses choix sont toujours des coups de cœur pour les six « grandes » expositions qu’il organise chaque année : « J’ai besoin de voir les artistes dans leur atelier, de sentir l’énergie. »
A l’instar de l’artiste Christine Chevrier pour laquelle le galeriste a fait le déplacement jusqu’en Suisse, après l’avoir découverte sur les réseaux sociaux : « Les artistes se démarquent par leur personnalité », explique-t-il.
Pratiquant la méditation zen et le tai chi chuan (art martial chinois comportant une dimension spirituelle), Jean-Jacques André est à la recherche d’« affinités spirituelles » avec les artistes, en plus d’une symbiose professionnelle.
Un véritable échange doit se créer. Les artistes qu’il expose sont ainsi souvent « dans la spiritualité ». « Tout se tient. Inconsciemment, je pense que les artistes qui viennent vers moi et les gens vers qui je vais ont cette quête de spiritualité, cette quête d’eux-mêmes. »
A la recherche de synergies locales
La sensibilisation du public est au cœur de sa démarche : « Je suis collectionneur et je vois l’intérêt d’acheter. C’est tellement riche une œuvre d’art ! Je communique beaucoup avec les gens qui viennent acheter une œuvre d’art. Acheter c’est un échange, un acte militant. C’est donner la possibilité à l’artiste de continuer à créer. »
Le galeriste accompagne par ailleurs les exposants. Quelles œuvres choisir ? Quelle thématique ? Quelle cohérence ? Comment communiquer ?… Autant de questions auxquelles Jean-Jacques André peut répondre grâce aux compétences qu’il a acquises il y a quelques années au sein de l’association Entr’arts.
Il aime jouer collectif et fait partie, à ce titre, de la Scop 3 bis (société coopérative d’activités et d’entrepreneurs salariés). Bien qu’entrepreneur individuel, il a été séduit par la dimension solidaire de la Scop : « Je voulais développer mes activités sous une autre forme, avec une autre vision, plus dans le collectif. »
Le galeriste recherche d’ailleurs des synergies locales : « Je cherche des complicités, comment faire un travail de qualité avec les gens d’ici. » A l’image du stage vacances Esprit carton, qu’il organise en partenariat avec le gîte écologique du Néron, situé à deux pas de la galerie.
Plusieurs formules d’expositions permettent de valoriser l’échange. Lors des expos « duo », deux artistes méconnus présentent leur travail ensemble. Des permanences d’artistes facilitent également le contact avec le public. Enfin, Jean-Jacques André organise fréquemment des expositions collectives. Comme « Cadavres exquis », inspirée du jeu poétique surréaliste et présentée jusqu’au 24 juillet 2016.
Pour la petite anecdote, les joueurs doivent écrire, à tour de rôle, une partie de phrase en suivant l’ordre sujet, verbe, complément, tout en ignorant ce que le précédent participant a écrit. La première phrase qui a résulté de ce jeu était « Le cadavre exquis boira le vin nouveau. » Quinze artistes réunis en trio ont accepté de jouer le jeu en l’adaptant à l’œuvre plastique. Chaque trio a carte blanche pour créer trois œuvres de formats différents. « Collectif, travail sur l’ego et surprise » devraient être au rendez-vous. Des mots qui collent très bien à la personnalité de Jean-Jacques André.
Alexandra Moullec