EN BREF – Suite aux trois attaques qui ont tué une vingtaine de brebis à Chichilianne, le préfet a autorisé les tirs de défense sur le loup, tout en enjoignant les éleveurs à davantage se protéger. Une mesure d’urgence pour tenter de repousser le grand prédateur plus loin. Mais les tirs sont-ils la solution ?
Le préfet a donné son feu vert à des tirs de défense après trois attaques attribuées au loup survenues sur la commune de Chichilianne, dans le Trièves. En une dizaine de jours, une vingtaine de brebis ont été tuées ou ont dû être euthanasiées dans ce petit village sur les contreforts du Vercors.
Ce qui a mis le feu aux poudres ? L’attaque, coup sur coup, d’un même troupeau. La première fois, dans la nuit du 13 au 14 mai, l’attaque avait fait treize victimes. Le troupeau n’était pas protégé.
La seconde fois, le 15 mai au petit matin, deux brebis ont été égorgées pour ainsi dire sous les yeux du berger qui avait monté la garde aux côtés de son troupeau éclairé par les phares de son 4 x 4…
L’attaque de trop pour Yann Souriau, le maire de Chichilianne. L’élu est alors monté au créneau, réclamant l’intervention des chasseurs. Finalement, le préfet de l’Isère vient d’autoriser les tirs de défense autour des troupeaux qui bénéficient d’un minimum de protection, appelant l’ensemble des éleveurs à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour protéger leurs bêtes. Car la protection des troupeaux est la condition sine qua non pour pouvoir tirer le loup…
Autorisation de tir pendant cinq ans
Appuyés par le maire, la député Marie-Noëlle Battistel (PS) et la conseillère départementale Frédérique Puissat (LR), les trois éleveurs de brebis de Chichilianne qui en ont fait la demande ont donc l’autorisation, via des chasseurs agréés, de tirer le loup… pendant cinq ans.
Pour Yann Souriau, c’est le soulagement. « On rentre dans la légalité et on arrive à une certaine protection de l’espace communal. » Mais les tirs vont-ils permettre de rabattre le loup dans les bois ? Ne va-t-il pas être tenté d’aller voir ailleurs ? Car les troupeaux de brebis sont nombreux autour de Chichilianne. Et 6000 moutons sont attendus dans les prochains jours…
« Ces tirs sont une réponse à l’urgence », poursuit le premier magistrat. Pas suffisante toutefois. L’élu réclame, au même titre que le sanglier, un plan de chasse pour le loup.
Bref, l’autorisation de tirer le loup à vue pour réguler les populations, non plus au coup par coup, mais de manière globale et concertée. Non plus à l’échelle de sa commune ni des Alpes, mais à l’échelle de l’Europe. Une tout autre stratégie que celle employée aujourd’hui, basée sur la mise en place de mesures locales et progressives.
Yann Souriau se défend de vouloir massacrer le loup : « Il s’agit de diminuer la pression de population des loups et de les encourager à se nourrir de la faune sauvage. » Mais les mesures de protection mises en œuvre jusque-là tout comme les tirs de défense sont-ils la solution ? Le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité mandaté par le gouvernement, en doute.
« Le bilan de ces mesures est mitigé, voire négatif, soulignent les experts dans un rapport rendu en janvier 2016, soit parce que le loup finit par les contourner, soit parce que les tirs de défense ne jouent pas le rôle attendu qui est de supprimer les loups malfaisants et d’apprendre aux autres à se méfier de l’homme et de ses troupeaux. »
En 2015, trente tirs de défense ont été accordés en Isère. Aucun loup n’a été abattu. En tout, 438 bêtes attaquées par le loup ont été indemnisées l’année dernière. Sur le département, le cheptel est estimé à 100.000 ovins.
Patricia Cerinsek