FOCUS – Jusqu’au 2 janvier prochain, un vent glacé souffle sur le Musée dauphinois grâce à l’exposition Nunavik, en terre inuit, du nom donné au territoire québécois situé au nord du 55e parallèle. Si banquise et chiens de traîneau enchantent les enfants, les grands, en revanche, auront de quoi s’indigner en découvrant la politique d’assimilation que le Canada a fait subir au peuple inuit. Passionnant.
La dernière expo organisée par le Musée dauphinois, Nunavik, en terre inuit, visible jusqu’au 2 janvier, emporte l’adhésion des enfants. Qui goûtent particulièrement cette incursion exotique dans un musée aux centres d’intérêt habituellement alpins.
Ce voyage vers le Grand Nord et ses conditions de vie rigoureuses n’est toutefois pas seul responsable de l’engouement du jeune public. Le Musée dauphinois a en effet pensé une scénographie tout à fait judicieuse avec des moyens plutôt modestes.
La première salle s’organise autour d’une banquise de polystyrène. Et, pour se rendre dans la suivante, on traverse des couloirs aux allures de labyrinthe gelé par la magie de quelques découpages astucieux. C’est ludique. C’est donc gagné.
Rendons grâce également au musée d’être parvenu à réunir des pièces archéologiques, des objets de culture et des œuvres d’art inuit de toute beauté, en collaborant avec les musées de la Civilisation à Québec, l’institut culturel Avataq et le musée des Confluences à Lyon.
Du nomadisme à la sédentarisation forcée
Mais que l’on ne s’y trompe pas. L’exposition ne se consacre pas qu’aux modes de vie passés, et délicieusement rafraîchissants, des Inuits. Elle se penche aussi sur la transition forcée que ces peuples nomades ont subie à l’arrivée des Occidentaux, et sur la manière dont ils se débattent aujourd’hui pour exhumer leur culture ancestrale. Un cliché daté de 1950, éminemment farfelu à nos yeux, montre une église taillée dans la glace devant laquelle posent quelques jeunes catéchumènes inuits. Depuis le début du XIXe siècle, les missionnaires catholiques se sont succédé en Arctique pour y extirper le chamanisme.
De nombreux textes et documents très pédagogiques expliquent comment les Inuits furent contraints, dans les années 1950 – 1960, de s’installer dans des petites maisons préfabriquées jouxtant les églises. Les enfants furent envoyés au pensionnat – beaucoup y mourront de maladies –, les chiens massacrés, l’ensemble de la communauté fut marquée selon un système de numérotation humiliant.
Du rire aux larmes
L’organisation chronologique de l’expo suscite les sentiments les plus contrastés. Après les sourires échangés devant le petit bilboquet en ivoire et nerf de caribou de la première salle, la gorge se noue en découvrant la politique d’« assimilation forcée » menée par le Canada. Avant d’être à nouveau émerveillé par l’art inuit contemporain.
Une belle collection de sculptures, sur ivoire de morse ou sur stéatite, ainsi que des d’estampes témoignent de la persistance, dans les sujets de prédilection des artistes, des activités du quotidien (pêche et chasse) et des légendes inuit.
Adèle Duminy
INUIT PLUTÔT QU’ESKIMO
Pourquoi ne dit-on plus « Esquimau », ou « Eskimo », mais « Inuit » ? Le mot « Eskimo », d’origine amérindienne, signifie « ceux qui mangent de la viande crue » ou « ceux qui ne parlent pas la même langue ». Au-delà du fait que les Inuits, en réalité, consomment également des aliments cuits, contrairement aux idées reçues, on voit ce que l’appellation « Esquimau » revêt de mépris. Un peu à l’égal du « barbare » chez les Grecs. Voilà pourquoi le Conseil circumpolaire inuit, créé en 1977, a adopté le terme « Inuit » (le pluriel d”« Inuk », « être humain » en inuktitut).
Les esquimaux ne désignent donc aujourd’hui que les barres glacées. Lesquelles furent baptisées relativement aux Inuits ! À la sortie du documentaire “Nanouk l’Esquimau” réalisé par Robert Flaherty en 1922, des glaces furent servies dans les cinémas. Il n’en fallait pas plus pour faire le rapprochement entre les mœurs si rafraîchissantes de ces peuples aux conditions de vie extrêmes et les délicieuses barres glacées…
Infos pratiques
Nanuvik, en terre inuit
Jusqu’au 2 janvier 2017. Entrée libre.