FOCUS – Le musée de la Résistance et de la déportation fête ses cinquante ans avec une certaine discrétion. Loin d’être tourné vers le passé, il se préoccupe avant tout de l’avenir. Objectif : assurer, dans de meilleures conditions encore, ses missions de musée départemental, porteur d’histoire et de culture.
« Les idéaux qui ont été prônés par le nazisme ont des héritiers », constate Olivier Cogne, directeur du musée de la Résistance et de la déportation de l’Isère. Un musée qui fête cette année ses cinquante ans d’existence, et peut se targuer d’être également devenu, à travers ses expositions temporaires, le musée des Droits de l’homme. De toutes les résistances.
De fait, s’il n’est pas question de passer ce cinquantenaire sous silence, le musée de la Résistance n’a pas l’intention de dresser l’inventaire de son passé, et encore moins de s’exposer sur ses propres murs.
La parution d’un livre – 50 ans ! – viendra marquer cet anniversaire, et la Course de la Résistance du 8 mai résonnera sans doute d’une manière particulière en cette année 2016, de même que la soirée electro-swing prévue au soir du 1er juillet.
Pour autant, aucun de ces événements ne détonne avec toutes les audaces que s’autorise le musée depuis déjà de nombreuses années.
Quant à la prochaine exposition temporaire du mois de juin, elle sera consacrée à l’Amérique latine, plus précisément au Brésil et à l’Argentine sous la dictature. Une manière de “célébrer” un autre anniversaire : celui des quarante ans du « processus de réorganisation nationale » argentin, autrement dit la prise du pouvoir par une dictature militaire, ses milliers de morts et ses millions d’exilés.
La Résistance à l’étroit ?
Si le musée de la Résistance n’est pas du genre à se regarder le nombril, il n’en oublie pas moins de penser à son avenir. Le président du conseil départemental affiche même avec conviction de grandes ambitions. Évoquant un « nouveau départ », Jean-Pierre Barbier appelle de ses vœux une évolution du musée, et se dit prêt à y mettre les moyens : « On ne peut pas dire que tout fout le camp, puis dire que la culture coûte trop cher. L’éducation et la culture sont la base de tout. C’est avec cela que l’on fait des citoyens éclairés. »
Une « évolution » qui doit se traduire au niveau de l’espace, insiste Jean-Pierre Barbier. Il est vrai que le musée commence à se sentir à l’étroit, obligeant chaque exposition temporaire à faire preuve de beaucoup d’imagination dans le dessin de ses parcours, et contraignant des pièces de l’exposition permanente à se serrer les unes contre les autres.
Si rien n’est acté à l’heure qu’il est, deux pistes sont envisageables : un « agrandissement sur site », ou un déménagement pur et simple. La première solution, qui semble rallier tous les suffrages, dépendra des négociations menées par le conseil départemental « avec d’autres collectivités ». Des collectivités que Jean-Pierre Barbier fait le choix de ne pas citer nommément.
Vers la fin de la gratuité ?
Autre évolution possible : la fin de la gratuité pour l’ensemble des musées départementaux. Le président du conseil départemental confirme avoir demandé une étude sur cette question. « Le problème des politiques publiques, c’est qu’on les évalue rarement. On met en place des choses et on ne se pose jamais la question de savoir si ça a marché ou pas. Je demande à voir quel public on a fait rentrer, et si on a fait rentrer du public très éloigné de la culture grâce à la gratuité. »
Mais Jean-Pierre Barbier tient à mettre les points sur les i : « La gratuité n’est pas remise en cause pour l’instant. Je ne procède pas par dogme. Je ne dis pas “il faut”, je dis “montrez-moi l’intérêt de cela” ! »
Et ce dernier d’admettre volontiers qu’en outre, mettre fin à la gratuité des musées départementaux serait « un très mauvais signal au moment où l’on augmente le budget de la culture […] En terme d’image, ce ne serait pas bon. Après, en terme d’efficacité, on peut en parler ! »
Florent Mathieu
Le musée de la Résistance et de la déportation en six dates
1963 – Une exposition des Archives départementales de l’Isère sur la résistance dauphinoise impose dans l’esprit des associations la nécessité de créer un musée consacré à la Résistance.
1966 – Le musée de la Résistance dauphinoise est inauguré. Il est situé au 14 rue Jean-Jacques-Rousseau, maison natale de Stendhal. C’est Hubert Dubedout qui est alors maire de Grenoble.
1986 – Le caractère exigu des locaux occupés par le musée, qui est passé du statut privé au statut départemental, impose le projet de lui offrir un nouvel espace. Le conseil général de l’Isère admet son transfert au 14 rue Hébert, adresse qu’il occupe encore actuellement.
1994 – Le musée de la Résistance et de la déportation ouvre ses portes le 1er juillet, rue Hébert. Il occupe un espace de 1.200 mètres carrés (sur quatre étages), dont 900 sont consacrés aux expositions.
2001 – Le conseil général de l’Isère demande au musée de la Résistance et de la déportation d’instruire le projet d’une Maison des droits de l’homme. Le projet prendra corps, assez naturellement, au sein même du musée.
2016 – Le musée de la Résistance et de la déportation fête ses cinquante ans, avec un constat : vingt ans après son installation rue Hébert, ses locaux sont de nouveau devenus trop exigus pour accueillir des expositions temporaires de plus en plus ambitieuses. Le reste de son histoire est encore à écrire…