Eric Piolle et Pierre Bergé à la Bibliothèque d'étude et du patrimoine de Grenoble le vendredi 22 janvier 2016. © Adèle Duminy

Ouvrage annoté par Stendhal : le don “ines­ti­mable” de Pierre Bergé à Grenoble

Ouvrage annoté par Stendhal : le don “ines­ti­mable” de Pierre Bergé à Grenoble

FOCUS – Pierre Bergé était à Grenoble ven­dredi 22 jan­vier pour faire don à la Ville d’un des livres de sa pres­ti­gieuse biblio­thèque. Le pré­cieux ouvrage tient moins sa valeur de son auteur, Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, que de l’écrivain autre­ment illustre qui l’a annoté copieu­se­ment. À savoir, l’ar­tiste le plus cher au cœur des Grenoblois : Stendhal.

De gauche à droite, Eric Piolle, serrant entre ses doigts le précieux don, et Pierre   Bergé. © Adèle Duminy

Eric Piolle, ser­rant entre ses doigts le pré­cieux don, et Pierre Bergé. © Adèle Duminy

Le biblio­phile qu’est Pierre Bergé s’est délesté de la pre­mière moi­tié des pièces de col­lec­tion com­po­sant sa biblio­thèque lors d’une vente aux enchères qui s’est tenue à Paris le 11 décembre dernier.

En habi­tué du mécé­nat, il a néan­moins retiré quatre ouvrages de la vente. Aussi le manus­crit de Nadja d’André Breton a‑t-il été cédé gra­cieu­se­ment à la BNF.

La Ville de Grenoble, quant à elle, a béné­fi­cié d’un don aux cou­leurs de son auteur fétiche. Stendhal a, en effet, noirci de sa fine écri­ture les pages de garde de Maximes et Pensées. Caractères et anec­dotes de Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort.

Le volume est passé direc­te­ment des mains de Pierre Bergé à celles du maire de Grenoble, Éric Piolle, pen­dant la soi­rée du ven­dredi 22 jan­vier, dans le hall de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine.

“Soyons élé­gant, ne par­lons pas d’argent”

Pierre Bergé lors de la cérémonie de son don à la Ville de Grenoble le vendredi 22 janvier à la Bibliothèque d'étude et du patrimoine. © Adèle Duminy

Pierre Bergé lors de la céré­mo­nie de son don à la Ville de Grenoble le ven­dredi 22 jan­vier à la Bibliothèque d’é­tude et du patri­moine. © Adèle Duminy

« J’ai spon­ta­né­ment pensé que ce livre devait être là. Car j’ai tou­jours pensé que nous n’étions pas pro­prié­taires des œuvres d’art », a hum­ble­ment déclaré le célèbre mécène, déjà pré­sident d’honneur du Musée Stendhal de Grenoble. Avant d’ajouter que les œuvres d’art n’avaient pas de prix. « Les ventes aux enchères, comme la psy­cha­na­lyse, ne marchent que si l’on paye. »

C’est par cette pirouette que la ques­tion de la valeur esti­mée du don a été élé­gam­ment contour­née lors de cette soi­rée ponc­tuée d’interludes musi­caux de Mozart, Haydn et Rossini.

Le com­mu­ni­qué de presse, lui, annonce la cou­leur : lors de la vente, l’ouvrage aurait été estimé à 300.000 euros. Autant dire que, au vu de l’état actuel des finances de la Ville, le livre n’aurait pu rejoindre les col­lec­tions sten­dha­liennes conser­vées à la Bibliothèque d’étude et du patri­moine sans ce don.

Stendhal, inven­teur du livre de poche ?

Gérald Rannaud, spécialiste de Stendhal, s'est exprimé sur le caractère exceptionnel des annotations de l'auteur sur l'ouvrage de Chamfort offert à la Ville. © Adèle Duminy

Gérald Rannaud, spé­cia­liste de Stendhal, s’est exprimé sur le carac­tère excep­tion­nel des anno­ta­tions de l’au­teur sur l’ou­vrage de Chamfort offert à la Ville. © Adèle Duminy

En guise de pré­am­bule à la soi­rée, Gérald Rannaud, émi­nent spé­cia­liste sten­dha­lien, a expli­qué à l’assemblée, dense, l’importance de l’ouvrage au regard de l’œuvre de l’auteur qui vécut à Grenoble dans sa jeu­nesse. Alors que le jeune Stendhal anno­tait « son petit Chamfort », comme il le nom­mait dans ses lettres à sa sœur Pauline, il n’était pas encore un auteur. Mais envi­sa­geait de le deve­nir sans pour autant avoir reçu de for­ma­tion lit­té­raire le lais­sant présager.

Il met alors sur pied sa méthode per­son­nelle. Il noir­cit d’abord des cahiers entiers avec les idées qui lui viennent lors de ses lec­tures gar­gan­tuesques. Puis, pour ne pas sépa­rer les idées de leur sup­port, il décide d’écrire direc­te­ment sur les ouvrages, d’où les mar­gi­na­lia, ou prises de notes à la volée, grif­fon­nées en marge de l’ouvrage de Chamfort, auteur que Stendhal appré­ciait tout par­ti­cu­liè­re­ment pour sa volonté de dépeindre l’homme du XVIIIe siècle. L’auteur de La Chartreuse de Parme n’aura pas d’autre ambi­tion pour son siècle.

Et puis, trait de son génie, ou plu­tôt preuve de son esprit pra­tique, Stendhal fait rogner ses volumes pour n’avoir plus à s’en sépa­rer. Autrement dit, il taille ses livres aux dimen­sions de sa poche. Plus qu’un livre de che­vet, le Chamfort était donc le livre des poches de Stendhal !

Adèle Duminy

Henri Beyle, Pierre Bergé et Grenoble

Pierre Bergé a rap­pelé lors de la céré­mo­nie du don de son ouvrage à la Ville à quel point Henri Beyle, alias Stendhal, détes­tait Grenoble. Laquelle ne lui en tient pas rigueur en ado­rant l’auteur sans réserve, lui vouant même une sorte de culte. Le mécène a cru bon de mettre la défiance de l’auteur sur le compte de l’environnement réac­tion­naire dans lequel il baignait.

« Stendhal aurait aimé le Grenoble du XXe siècle. Il aurait aimé ce que la ville fait de sa mémoire », a affirmé Pierre Bergé, un brin voyant, pour ras­su­rer l’assemblée éprise de l’auteur du « Rouge et le Noir ».

Enfin, le mécène a rap­pelé le rap­port qu’il entre­te­nait avec les écrits de Stendhal. Ayant été très proche de Jean Giono, auteur lui-même pas­sionné par l’écrivain d’origine gre­no­bloise, Pierre Bergé n’a pu qu’être encou­ragé dans un goût déjà éveillé par ses lec­tures ado­les­centes. Peut-être l’une des rai­sons pour les­quelles il a accepté, spon­ta­né­ment selon ses dires, le rôle de pré­sident d’honneur du Musée Stendhal de Grenoble lors de son inau­gu­ra­tion en 2012.

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