BLOG ENVIRONNEMENT - Jachère : terre cultivable laissée au repos. Mettre son esprit en jachère est en apparence en totale contradiction avec l’esprit d’un blog, basé sur la réactivité à l’actualité et la veille permanente. Mais sans doute pas pour un blog environnemental !
N’y voyez pas de ma part la recherche d’une quelconque justification à ce long silence. Reposer son esprit après l’avoir sur-sollicité dans l’investissement associatif, c’est identique au repos (relatif !) que l’on donne à une terre qui a donné son fruit en abondance et qui doit reconstituer son équilibre.
Se reposer : se reconnecter
Il n’est pas dans mes habitudes de partager publiquement mes affects. Je suis d’un naturel pudique à tendance agoraphobe. J’aime particulièrement le silence habité d’une petite rivière du Val de Loire (ma région de naissance) où, seul sur mon canoë, je peux me connecter à ce foisonnement de vie qui ne s’ouvre qu’au rêveur solitaire.
L’aboiement rauque d’un chevreuil surpris par ma présence inattendue, le cri du martin-pêcheur décollant de son piédestal, la symphonie de ces dizaines d’oiseaux différents qui rythme mes coups de pagaie, la chasse subite et brutale d’un brochet provoquant un feu d’artifice aquatique de ses proies potentielles…
Autant de moments magiques qu’il est difficile de partager et que la magie du cinéma peut cependant procurer dans le cocon d’une salle obscure, autre lieu que j’aime abondamment fréquenter surtout quand il devient l’écrin émotionnel d’une nature que nous devons protéger par tous les moyens.
S’engager : mouvement décidé, souvent précédé de moments d’hésitation
S’engager, comme jachère, est un bien joli mot. C’est un mouvement décidé, volontaire, précédé souvent d’un, voire de plusieurs moments d’hésitations. C’est un terme d’alpiniste qui convient bien à l’aventure associative que je vis depuis des décennies et tout particulièrement ces six dernières années où j’ai présidé la Frapna-Isère.
Il faut avoir un petit grain de folie pour accepter, dans un bénévolat non valorisé, surtout quand on travaille à plein temps… d’affronter les parois abruptes de la protection de l’environnement contre les lobbies, les malfaiteurs, les inconscients, les insouciants, les indifférents, les malhonnêtes, les arnaqueurs… de tous poils et plumes ! Tout en gardant sa ligne de conduite profondément légaliste… et protestataire !
Une association qui s’est donné pour objectif en 1972 de réconcilier l’Homme avec son environnement, et qui, tout en orientant 90 % de son énergie à des actions positives d’éducation à l’environnement et de sensibilisation aux enjeux, se heurte dans ses 10 % d’action de veille écologique aux contradictions de notre époque.
Dix pour cent qui viennent envahir tout le champ temporel du militant et dévorer son enthousiasme avec une redoutable efficacité, car ces 10 % en font une cible de choix pour ceux qui cultivent l’art du clientélisme et de la mauvaise foi.
Veiller : avoir les sens en alerte
Veiller est un autre verbe magique. Il signifie avoir les sens en alerte, être à l’affut, à l’écoute des bruissements « anormaux » de ce monde.
C’est celui d’arbres qui tombent et que l’on coupe sans autorisation dans un espace boisé classé ; c’est celui qui émane d’un petit marais que l’on assèche sans autorisation à grands coups de pelle mécanique et de débroussailleuses ; c’est celui de ces camions qui, à la tombée de la nuit, déversent à flots continus leurs inquiétants contenus dans d’anciennes carrières pourtant fermées et si vite recouvertes d’un peu de terre végétale ; mais c’est aussi celui feutré produit par les éclats de voix des participants à telle ou telle réunion préfectorale, départementale ou municipale, où se joue le sort de tel ou tel projet « utile » ou « inutile » selon les avis !
Plus personne ne pourra dire qu’il n’a pas les moyens d’agir ! Passer d’un sentiment d’indignation, voire de révolte, à la vue d’un spectacle dégradant notre environnement à celui de l’action positive est devenu pour n’importe quel citoyen rhônalpin une totale réalité.
Je constate un problème, cela m’indigne. Je me révolte en le signalant. Je me fais aider par des spécialistes s’il manque des éléments. Et puis, si le fait est avéré qu’il est bien inacceptable légalement, alors il est publié. Il apparaît donc publiquement aux yeux de tous et je sais qu’il est transmis automatiquement aux autorités qui ne pourront pas dire qu’elles n’étaient pas au courant, et je peux en suivre l’évolution, continuer à m’impliquer jusqu’à la résolution du problème.
Sentinelles : outil de veille et d’indignation démocratique
Non, vous ne rêvez pas ! C’est une recette unique en France, c’est l’outil Sentinelles. Un condensé de nouvelles technologies et d’expérience acquise au cours d’années de luttes et d’engagements.
Un outil financé grâce à la région Rhône-Alpes et à l’implication d’élus régionaux de l’actuelle majorité qui ont compris l’intérêt « démocratique » de donner les moyens aux citoyens, via une association agréée de défense de l’environnement, de « s’indigner », comme nous y invite Stéphane Hessel, tout en suivant l’onde de son indignation.
En lui permettant d’observer la course de cette onde d’indignation, la sentinelle doit savoir qu’elle a la potentialité d’aller jusqu’à la résorption de l’atteinte, que la réponse soit administrative ou pénale. Ce qui compte, c’est qu’elle soit environnementale, que l’atteinte ait disparu !
Les initiateurs de ce projet « utile » parient sur le développement d’un réflexe collectif et individuel et son effet colibri, domino, papillon ! A vous de choisir le symbole.
Nicolas Hulot nous appelle à Oser ! Alors, Osons le réflexe « Sentinelles » !
Francis Meneu