Hubert Reeves - Soirée annuelle de la fondation Grenoble INP - © Joël Kermabon - placegrenet.fr

Hubert Reeves : “l’as­tro­no­mie, le passé ; l’é­co­lo­gie, l’avenir”

Hubert Reeves : “l’as­tro­no­mie, le passé ; l’é­co­lo­gie, l’avenir”

FOCUS – Ce jeudi 11 décembre, le musée de Grenoble accueillait la troi­sième soi­rée annuelle de la fon­da­tion par­te­na­riale Grenoble INP. L’occasion de faire un bilan et d’en pré­sen­ter les dif­fé­rentes mis­sions à la cen­taine d’in­vi­tés pré­sents. Une soi­rée mar­quée par la confé­rence d’un invité pres­ti­gieux, l’as­tro­phy­si­cien Hubert Reeves.

Hubert Reeves - Soirée annuelle de la fondation Grenoble INP - © Joël Kermabon - Place Gre'net

Hubert Reeves – Soirée annuelle de la fon­da­tion Grenoble INP – © Joël Kermabon – Place Gre’net

Une heure durant, Hubert Reeves, pré­sident de l’association Humanité et Biodiversité a exposé, d’une voix douce et posée, les rai­sons qui ont conduit l’Homme à deve­nir son propre pré­da­teur. Un voyage clair, sai­sis­sant, pas­sion­nant mais aussi quelque peu inquié­tant de la nais­sance de l’u­ni­vers à l’é­co­lo­gie. L’astrophysicien a notam­ment décrit l’en­chaî­ne­ment des causes débou­chant sur l’é­mer­gence d’une « crise éco­lo­gique qui menace l’es­pèce humaine ».

Un ave­nir incertain

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Hubert Reeves – Soirée annuelle de la fon­da­tion Grenoble INP – © Joël Kermabon – Place Gre’net

« Il y a une belle his­toire, qui dure depuis très long­temps, et une moins belle his­toire » raconte Hubert Reeves. Entendez par « belle his­toire » ce qui a com­mencé il y a 14 mil­liards d’an­nées depuis le Big Bang jus­qu’à l’a­bou­tis­se­ment de la com­plexité cos­mique dont l’Homme est le résultat.

La « moins belle his­toire », ce sont les bles­sures graves infli­gées à notre pla­nète notam­ment le déboi­se­ment, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, la pol­lu­tion, tous dus à l’homme et condui­sant iné­luc­ta­ble­ment à la « crise de l’en­vi­ron­ne­ment ». En ces termes, Hubert Reeves pose la ques­tion d’un ave­nir très incer­tain que l’hu­ma­nité doit apprendre à gérer pour ne pas dis­pa­raître. « L’astronomie, le passé ; l’é­co­lo­gie l’a­ve­nir » résu­mera l’homme de sciences.

Deux décou­vertes fondamentales

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Hubert Reeves – Soirée annuelle de la fon­da­tion Grenoble INP – © Joël Kermabon – Place Gre’net

Et de pour­suivre le fil de sa réflexion pour reve­nir en 1925, année où Edwin Hubble a fait deux décou­vertes fon­da­men­tales : celle de l’in­fi­ni­tude et sur­tout celle de l’ex­pan­sion de l’u­ni­vers. « S’il est en expan­sion c’est qu’il pos­sède une his­toire. Notre uni­vers a donc un passé et un ave­nir » affirme le scien­ti­fique. Assertion nou­velle qui a mis à mal, à l’é­poque, la pen­sée domi­nante qui, depuis Aristote, vou­lait que l’u­ni­vers ait tou­jours existé et exis­te­rait toujours.

« A par­tir de cette décou­verte, si l’u­ni­vers a une his­toire, les scien­ti­fiques doivent deve­nir des his­to­riens dont la tâche va consis­ter à recons­ti­tuer son passé et à pré­voir son ave­nir » sou­ligne le confé­ren­cier. Et celui-ci d’en­chaî­ner avec force détails, sur une autre décou­verte majeure pour notre com­pré­hen­sion de l’é­tat du cos­mos : la détec­tion du bruit de fond de l’u­ni­vers, le rayon­ne­ment fos­sile par George Gamow en 1965 dans les labo­ra­toires de la Nasa.

Émergence d’une forme supé­rieure d’intelligence

Pour Hubert Reeves, la « belle his­toire », après la très lente for­ma­tion de l’u­ni­vers, ce sont tous les méca­nismes de l’é­vo­lu­tion qui sont inter­ve­nus dans l’ap­pa­ri­tion de l’es­pèce humaine sur la pla­nète, il y a de cela quelque sept mil­lions d’an­nées. De fait, une chose extra­or­di­naire va se pas­ser : un ani­mal, le chim­panzé, va acqué­rir une forme supé­rieure d’in­tel­li­gence annon­çant l’a­vè­ne­ment de l’Homme.

Un évè­ne­ment qui va mal­heu­reu­se­ment inau­gu­rer le début de la « moins belle his­toire » déplo­rera le scien­ti­fique.SérieFondationINP-12 « Avec cette intel­li­gence, nous sommes certes les cham­pions tous azi­muts de l’é­vo­lu­tion mais c’est aussi la cause de nos pro­blèmes ». Et de décrire notam­ment com­ment, en inven­tant des armes de plus en plus per­for­mantes et des tech­niques fan­tas­tiques, l’hu­ma­nité peut cou­rir à sa perte.

Citant l’exemple de la sur­pêche, l’as­tro­phy­si­cien s’in­digne : « nous pêchons aujourd’­hui deux fois plus de pois­sons qu’il ne s’en repro­duit ! Ça veut dire quoi ? Cela veut dire tout sim­ple­ment que nous vidons les océans ».

Prenant d’autres exemples de ravages liés aux acti­vi­tés humaines, Hubert Reeves est for­mel : « nous avons le devoir de gérer tout cela. Si nous ne le fai­sons pas, nous dis­pa­raî­trons ou au, mieux, l’é­tat de la vie sur la Terre devien­dra insup­por­table ». Imaginez qu’à Chongqing, l’une des plus grandes villes de Chine, les petits Chinois ne savent pas que le ciel est bleu, tant la pol­lu­tion cau­sée par les pous­sières de char­bon y est importante…

Le « réveil vert »

« Nous pou­vons dire que nous menons une guerre contre la nature. C’est la crise éco­lo­gique contem­po­raine. Si nous la gagnons, nous sommes per­dus » aver­tit le scien­ti­fique. Et d’as­sé­ner : « nous sommes des sac­ca­geurs de grande classe ! L’intelligence est un cadeau empoi­sonné quand elle est mise au ser­vice du pro­fit immé­diat ».

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Comme pour adou­cir le trait, Hubert Reeves assure que nous pou­vons encore réagir et reprendre la situa­tion en main. Notamment en revoyant le rôle de l’in­tel­li­gence dans la des­ti­née humaine, en l’in­té­grant dans une concep­tion huma­niste élar­gie englo­bant toute la nature. Et d’é­vo­quer la prise de conscience, le « réveil vert » qui s’est opéré vers 1875 en Californie. « C’est le pre­mier moment où l’on a décidé de créer des asso­cia­tions de pro­tec­tion de la nature s’ap­puyant sur une légis­la­tion ». Ce sera aussi la nais­sance des pre­miers parcs ani­ma­liers, comme le Parc de Yellowstone dans le Yosemite.

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Hubert Reeves – Soirée annuelle de la fon­da­tion Grenoble INP – © Joël Kermabon – Place Gre’net

Toutes les confé­rences sur le cli­mat, depuis la pre­mière qui s’est tenue à Rio en 1992, se sont avé­rées déce­vantes avoue Hubert Reeves. « Quand un bilan sur la confé­rence de Rio a pu être pro­duit, nous nous sommes aper­çus qu’à peine 20 % des réso­lu­tions avaient été tenues ! » a t‑il regretté.

« Pour autant, l’im­pact de ces confé­rences ce n’est pas ce qui s’y passe mais l’im­pact « publi­ci­taire » qu’elles ont. C’est ainsi que le mot “éco­lo­gie” est entré dans le voca­bu­laire mon­dial après la confé­rence de Rio, tan­dis que le terme de “bio­di­ver­sité” est né lors de la confé­rence de Nagoya en 2010 ».

Reste que c’est par petits pas que les pro­grès se feront, estime Hubert Reeves, qui conti­nue d’es­pé­rer que la prise de conscience col­lec­tive se dif­fuse de manière virale.

Joël Kermabon

Trois ques­tions à Hubert Reeves

Hubert Reeves a pris le temps de répondre à quelques ques­tions en rela­tion avec la soi­rée et les ini­tia­tives menées par la nou­velle muni­ci­pa­lité éco­lo­giste de Grenoble.

Réalisation JK Production

Les trois piliers du futur

En pre­mière par­tie de soi­rée, les por­teurs des pro­jets sou­te­nus par la fon­da­tion par­te­na­riale Grenoble INP ont pré­senté leurs tra­vaux au par­terre d’in­vi­tés. Une manière de dres­ser le bilan d’une année d’ac­ti­vi­tés résu­mée par ce que la fon­da­tion consi­dère être les « trois piliers du futur » : citoyen­neté, inter­na­tio­nal et excellence.

© Kermabon Joël - Place Gre'net

© Kermabon Joël – Place Gre’net

Des étu­diants de la SenseAcademy Soleni ont notam­ment pu expo­ser leur pro­jet « Innover pour lut­ter contre la pré­ca­rité éner­gé­tique ». Retour en images.

Réalisation JK Production

Une fon­da­tion pour l’excellence

Créée le 28 avril 2010, la fon­da­tion, vise essen­tiel­le­ment à sou­te­nir les pro­jets des écoles et des labo­ra­toires de Grenoble INP, ainsi que de ses cher­cheurs tant en matière d’excellence scien­ti­fique inter­na­tio­nale que d’é­ga­lité des chances. Elle apporte éga­le­ment un sou­tien – finan­cier, de réseaux et de com­pé­tences – aux asso­cia­tions pour des actions en rap­port avec ses valeurs. Ses moyens pro­viennent prin­ci­pa­le­ment du mécé­nat indus­triel ou privé.

Joël Kermabon

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