FOCUS – Après les nitrates, qui lui ont valu une condamnation par Bruxelles, les pesticides ? Plus gros consommateur en Europe, la France peine à faire baisser sa consommation de produits phytosanitaires. Alors que se tient ce week-end la foire de Beaucroissant, retour sur les méthodes alternatives expérimentées depuis 2011 dans onze fermes pilotes iséroises.
Y a‑t-il une alternative aux pesticides ? Les solutions existent. Elles sont mises en œuvre depuis 2011 dans onze fermes expérimentales en Isère. En France, 180 réseaux d’exploitations agricoles, soit 2 000 agriculteurs volontaires, essaient de relever le défi : baisser de moitié la quantité de produits phytosanitaires d’ici 2018, en lien avec le plan Ecophyto. A quatre ans de l’échéance et alors que se tient ce week-end la foire de Beaucroissant, où en est-on ? Le ministre de l’Agriculture a eu beau afficher une satisfaction de rigueur à l’annonce d’une première baisse des chiffres – un recul de 5,7 %* des pesticides entre 2011 et 2012 – la baisse de 50 % semble encore bien loin…90 % des rivières polluées
La France, premier producteur agricole européen, reste le premier consommateur de pesticides en Europe. Résultat : 90 % des rivières françaises sont polluées. Et la santé humaine, les agriculteurs en première ligne, paie un lourd tribu au recours massif aux herbicides, fongicides et autres insecticides, comme l’a clairement souligné un rapport de l’Inserm, compilation d’études internationales, sorti en 2013. Alors, sur le terrain, on s’emploie à trouver des méthodes alternatives. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes que celles utilisées en agriculture biologique : désherbage mécanique, rotation des cultures… Et ça marche ! En Isère, terre d’élevage, une technique permet déjà de réduire les pesticides de 70 %. Comment ? En alternant prairies temporaires, cultivées pendant trois à cinq ans, maïs et céréales à paille (blé, orge). Et en travaillant le sol mécaniquement avant, mais aussi pendant la culture. Bref, en se retroussant les manches. Dans les champs, pourtant, la conversion patine. « Faire du maïs sans herbicides, c’est difficile ! Ou bien qu’on me dise comment faire ! », s’indigne Jérôme Croizat, responsable de la section Grandes cultures à la FDSEA 38. « S’il faut embaucher pour biner, j’embauche mais comment alors produire de manière rentable ? » Et de dénoncer les effets d’annonces du gouvernement, sous la pression combinée des écologistes et du calendrier électoral : « l’objectif de baisse de 50 % est inatteignable en si peu de temps ! » juge l’agriculteur.Amorcer un retour en arrière
« L’utilisation de produits chimiques depuis cinquante ans a simplifié le travail », constate de son côté Aymeric Solerti, conseiller agronomie environnement à la Chambre d’agriculture et animateur du Dephy Phytoéco en Isère. « Ce n’est pas un retour en arrière sur les méthodes, plutôt sur la façon de travailler. » Sensibiliser, accompagner les agriculteurs, identifier leurs pratiques, voire les corriger prendra du temps. A charge de trouver la bonne recette. Pour certains, il s’agira de mixer les cultures de céréales à celles des pois, peu consommateurs de pesticides. Pour d’autres, de semer un peu plus tard dans la saison. Ou d’avoir recours aux produits de biocontrôle : utilisé dans l’élevage, un produit à base d’algues permet de combattre les maladies du blé ou de l’orge. Aujourd’hui, la Chambre d’agriculture se sert de ces quelques expériences pour faire passer le message, lors d’expositions comme sur le stand qu’elle tient tout ce week-end à la foire de Beaucroissant. Des premiers pas, en attendant une réglementation qui devrait se durcir, puisque les pesticides seront bannis des espaces verts et forêts publics comme des jardins particuliers dès 2016. Des premiers pas timides toutefois… Aujourd’hui, 90 % des produits phytosanitaires sont utilisés en agriculture. Patricia Cerinsek * Chiffres calculés à partir des déclarations de vente de pesticides.Nitrates : la France condamnée par Bruxelles La France a de nouveau été condamnée par le justice européenne pour son incapacité à améliorer la qualité de ses eaux et, notamment, à contenir la quantité de nitrates issus des effluents agricoles. Un excès d’azote qui ruisselle sur les terres agricoles jusqu’aux rivières. La réglementation française est jugée bien trop laxiste sur les dates et les durées d’épandage de lisier et autres fertilisants azotés. Le Premier ministre Manuel Valls a de son côté annoncé une révision de la directive nitrates, alors que les agriculteurs demandaient depuis des mois une refonte de cette réglementation. Une annonce qui inquiète le groupe Europe-Écologie-Les Verts. Celui-ci a ainsi exprimé ses craintes dans un communiqué concernant un relâchement des normes « pour masquer notre inefficacité ».