REPORTAGE – L’Ampérage organisait ce jeudi 9 janvier le premier débat des municipales à Grenoble. Le thème : les heures d’ouverture tardives pour les salles de spectacles et plus largement la politique culturelle menée dans la capitale des Alpes. A l’exception de Mireille d’Ornano*, tête de liste du Front national, tous les candidats ont pu se prêter au jeu des questions réponses pendant deux heures trente. Retour sur cette soirée d’échange.
Jeudi 9 décembre, il est 19h et c’est dans une salle bondée et dans un climat plutôt calme que les cinq candidats aux municipales de Grenoble arrivent pour participer au premier débat de ces élections. Matthieu Chamussy, Eric Piolle, Jérôme Safar, Philippe de Longevialle et Denis Bonzy, tous prennent place sur l’estrade mise à leur disposition. Devant l’affluence, certains spectateurs seront refusés à l’entrée. Avec quelques minutes de retard, le débat commence. Et la première question posée est, sans surprise, celle de l’ouverture tardive des salles de spectacles. Un sujet qui fait régulièrement la une de l’actualité depuis que la préfecture de l’Isère a pris un arrêté obligeant L’Ampérage à fermer à 2 heures du matin en avril dernier, puis le Drak-Art en décembre.“Coup de balai sur la paperasserie”
Les candidats, très attendus sur ce sujet par les associations culturelles locales, vont pouvoir tour à tour défendre leur position. Premier à se jeter à l’eau : Denis Bonzy. Le candidat Société civile divers droite et tête de liste de “Nous citoyens” n’hésite d’ailleurs pas à se lever pour s’adresser au public. « Je suis un démocrate et si je suis maire, c’est moi et non le préfet qui déciderai de ce qui va compter à Grenoble » explique-t-il. « Je propose un énorme coup de balai sur la paperasserie. Nous devons avoir ensemble la liberté la plus totale. La création doit être entièrement libre et nous nous ajusterons de manière très pragmatique au fur et à mesure des abus, si abus il y a », ajoute-t-il. Un point de vue que ne rejoint pas totalement Philippe de Longevialle. Pour le candidat divers centre, tête de liste de “Imagine Grenoble”, « la question des ouvertures tardives est une question importante dans une ville universitaire parmi les plus jeunes de France ». Même s’il se dit favorable à cette mesure, il rappelle qu’il faut faire attention aux questions de voisinages. « Avec un travail de responsabilisation des organisateurs, la ville et la prévention de la police municipale, on doit pouvoir gérer les nuisances dans le courant de la nuit pour que les gens du voisinage puissent avoir une vie normale. » “Cet arrêté préfectoral vous empêche de travailler…” De son côté, Jérôme Safar, très attendu sur cette question en tant que premier adjoint, n’hésite pas à défendre le bilan de la municipalité actuelle, tout en reconnaissant volontiers qu’il y a problème. « Cet arrêté préfectoral vous empêche de travailler et met en danger gravement un modèle économique. Il faut donc faire correspondre les sorties avec le démarrage des transports pour que l’on n’ait pas à gérer du public qui va stationner sur l’espace public et peut générer du bruit » suggère le candidat socialiste. Pour Eric Piolle, c’est « une forme de culture qui vit la nuit. » Une réalité dont il faut, selon lui tenir compte. Mathieu Chamussy se veut, lui, plus vindicatif. « Ce que je souhaite, c’est que l’on aille au maximum de ce que la loi autorise dans le cadre d’une règle du jeu clairement définie, par écrit, entre la collectivité et les acteurs, explique le candidat UMP. Ensuite, si la règle du jeu est respectée, on continue. Si elle ne l’est pas, la ville de Grenoble sous mon autorité prendra des mesures restrictives. » Interrogés plus largement sur le manque de salles de spectacles, chacun y est allé de sa théorie dans ce « débat très gentillet et sans attaque », comme l’a qualifié Denis Bonzy au cours de la soirée. Pour Jérôme Safar, « l’Ampérage est un lieu qui ne fait pas de choix. Il faut peut-être développer davantage ce type d’endroits ». Un point de vue plus ou moins rejoint par Eric Piolle qui a notamment fait référence à la reconversion de l’ancienne usine Lu de Nantes. Autres idées avancées par Mathieu Chamussy et Philippe de Longevialle : celles de la création d’un fonds d’action participatif ou d’un festival de la diversité culturelle, organisé chaque été au parc Paul Mistral.“Pas là pour faire des chèques en bois”
Le dernier point soulevé est celui des subventions accordées aux associations culturelles grenobloises. Un sujet, là encore sensible, qui suscite l’inquiétude de bon nombre de petites structures. Mathieu Chamussy est, d’ailleurs, très clair à ce sujet. « Je ne suis pas venu pour faire des chèques en bois, compte tenu des finances publiques » lance le candidat UMP, avant d’attaquer les finances de la ville. « Il faut davantage de transparence pour garantir un minimum d’équité, avec notamment la création d’un open data accessible à tous et regroupant toutes les dépenses publiques » souligne-t-il.
A l’inverse, Eric Piolle estime « qu’il y a une richesse d’équipements qui a été entretenue par toutes les majorités. Et entretenir ces structures consomme beaucoup du budget municipal. Plutôt que de passer un coup de rabot un peu partout, il vaut mieux couper un bout et faire des choix un peu plus difficiles ». De quoi retrouver une marge de manœuvre selon lui. « Je ne suis pas là, non plus, pour faire des chèques en bois » tient à rappeler, à son tour, Denis Bonzy en réponse à son ancien rival à l’investiture UMP. « Il faut, pour la gestion du quotidien, un rapport direct avec une mairie de secteur à part entière » ajoute-t-il.
De son côté, Philippe de Longevialle estime que « la culture, ce n’est pas que des dépenses ». Une prise de position saluée par de nombreux spectateurs dans la salle. « C’est aussi une activité qui crée de la valeur ajoutée » soutient le candidat centriste qui souhaite que « les gros équipements culturels passent sous le giron de la Métro, afin que le budget culturel de la ville aille aux petites structures locales ».
Un point de vue que partage Jérôme Safar, selon qui c’est « un faux questionnement ». « La seule collectivité à avoir maintenu ses subventions pendant ce mandat, c’est la ville de Grenoble » rappelle l’élu qui tente, une dernière fois, de défendre le bilan de la municipalité. C’est sur ces quelques propositions que s’est achevé le débat. Pas certain que cela suffise aux associations culturelles en attente de réponses concrètes quant à leur avenir.
Maïlys Medjajd
* Réaction de Mireille d’Ornano, candidate tête de liste du FN aux municipales de Grenoble (mise à jour le 11 janvier à 23h00) Suite au débat qui vient d’avoir lieu à l’Ampérage, à l’initiative du monde associatif culturel, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, je tiens à préciser que je n’ai jamais reçu la moindre invitation à participer, en ma qualité de candidate tête de liste aux prochaines municipales, à ce débat. Si je manquais donc à l’appel, comme il a été dit et écrit, c’est bien de la faute exclusive des organisateurs et non de la mienne. Bien sûr, je tiens à rassurer les Grenobloises et les Grenoblois : si le suffrage universel nous était favorable en mars prochain, nous veillerons à promouvoir une politique culturelle de qualité qui tiendrait compte à la fois de notre identité propre mais soucieuse aussi de respecter les sensibilités artistiques de chacun, sans heurter les consciences et la profondeur de nos traditions. Nous veillerons également, d’une manière scrupuleuse, à ce que les subventions allouées ne soient pas détournées de leur but déclaré et ce, à des fins bassement partisanes et politiciennes.