DÉCRYPTAGE – Ils sont souvent recyclables, mais pas toujours recyclés. Dans l’agglomération grenobloise, un déchet sur deux finit encore enfoui sous terre ou incinéré. État des lieux, alors que la Métro propose jusqu’au 24 novembre de multiples animations pour sensibiliser au tri, dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets.
Aujourd’hui, moins d’un déchet sur deux produits dans l’agglomération grenobloise est recyclé ou valorisé. Le reste ? Majoritairement incinéré ou mis en décharge. Ainsi, seuls 44 % des déchets produits sur l’agglomération sont réinjectés dans le circuit. C’est certes plus que les objectifs du Grenelle de l’environnement pour 2012 mais encore loin des 53 % fixés pour 2017. Et très loin des taux pratiqués en Europe, où la France fait figure de championne toutes catégories de l’incinération.
En attendant, pour les collectivités qui ont récupéré la compétence gestion des déchets, c’est le casse-tête. Comment réduire les déchets, sans se lancer dans des programmes trop ambitieux et trop coûteux ?
Erreurs d’aiguillage, mauvaise volonté…Aujourd’hui, on trouve encore 20 % de papier dans les poubelles grises de la Métro, alors que celui-ci devrait atterrir dans les conteneurs verts, dédiés aux emballages carton… La pédagogie et les campagnes se sensibilisation portées par Super Tri rencontrent toujours leurs limites face à la mauvaise volonté. Et si, à Voiron, les habitants ont déjà une troisième poubelle, dédiée aux seuls papiers, cette solution ne semble pas envisagée de si tôt dans l’agglomération grenobloise, où l’habitat, à 85 % collectif, est un facteur de difficultés. Même constat mitigé pour le verre : chaque année, 9 000 tonnes partent ainsi dans l’incinérateur, au lieu de finir dans les conteneurs dédiés. Résultat : il y a autant de verre dans les poubelles grises que dans les 900 colonnes à verre de l’agglomération. Quant au pot de yaourt, il finit parfois, consciencieusement lavé, dans la poubelle verte. Un classique qui est aussi une aberration. Car tout comme les barquettes plastique, les films polystyrène et autres sachets du même acabit, le pot de yaourt ne se recycle pas. Ou pour être plus précis ne se recycle plus. … et filières défaillantes Jusqu’en 2001, ces plastiques étaient en effet acheminés jusqu’au site de Domène, où ils étaient recyclés. Aujourd’hui, direction la poubelle grise ! Seuls les plastiques portant un bouchon sont encore recyclables. Décidément, on progresse… Chaque seconde, 7 kg de déchets sont produits sur l’agglo Au final, un Grenoblois produit 538 kg de déchets par an. Une petite montagne de déchets à lui tout seul. Pourtant il y a un léger mieux. En 2009, ses poubelles pesaient 541 kg. Comment les alléger un peu plus ? En privilégiant d’autres circuits. C’est dans ce sens que la Métro a mis en place, jusqu’au 24 novembre, un programme de sensibilisation axé autour de différentes filières de récupération, dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets. Réemploi de vélos et de matériel électronique, récupération de vêtements, retape de meubles, de jouets… Les associations et chantiers d’insertion se sont particulièrement saisis de la question dans la région. Notamment sur le marché du textile. 3 à 4 kg de tissus sont ainsi récupérés par an et par habitant. Les colonnes à vêtements débordent. Mais après, que deviennent ces textiles ? « On estime que 10 % sont réutilisés en France et 40 % vont à la friperie essentiellement africaine, probablement réemployés », précise Philippe Glasser, responsable déchets à la Métro. Vous avez dit circuit court ? Difficile de recycler local Traiter les déchets au plus près de la source fait désormais partie des impératifs. Mais encore faudrait-il que les filières soient en place. Ce qui est encore loin d’être le cas… Difficile, dans ces conditions, de recycler local. Ainsi, les journaux en bon état sont recyclés chez un papetier d’Épinal. Les papiers en moins bon état sont, quant à eux, transformés en carton ondulé au pays basque espagnol, voire en Chine… Les métaux recyclés s’en vont sur le site sidérurgique de la Fos-sur-Mer, quand les plastiques prennent la direction de l’Allemagne ou de l’Espagne. Parfois de la France… Le verre atterrit en Haute-Loire. Pour ce qui est des encombrants, ils sont eux désossés et les panneaux de bois envoyés pour être retraités en Italie. Enfin, quand ils ne finissent pas incinérés… Seuls les déchets verts sont traités sur place, sur les deux plate-formes de La Buisse et Saint-Quentin-en-Isère. Et pour cause, le déchet étant devenu un produit comme un autre. Il n’est pas question de le recycler sans étudier sa dimension économique. « La commercialisation des sous-produits de recyclage est soumise au régime des marchés », souligne Philippe Glasser. « On est sur des valeurs mondiales. » Les industriels traînent des pieds En tout cas, en amont comme en aval, les industriels ne se pressent guère au portillon. Le secteur agro-alimentaire continue d’emballer à tout-va. A Grenoble, le poids des emballages carton dans les poubelles est ainsi passé de 8 kg/an et par habitant en 2008 à 9,4 en 2012, soit un total de 3 785 tonnes. Le marketing continue ainsi d’imposer ses règles dans tous les domaines. Le verre consigné n’y a d’ailleurs pas résisté, après avoir été confronté à des règles de plus en plus contraignantes sur le plan de la sécurité alimentaire. Dans ce contexte, gérer les ordures ménagères est devenu éminemment complexe. De quoi expliquer que le budget de la Métro dédié à la gestion des ordures atteigne aujourd’hui 45 millions d’euros. Patricia Cerinsek
Les déchets en chiffresRecyclés ou incinérés ? Le Grenoblois moyen produit chaque année 538 kg de déchets. Si 242 kg sont recyclés ou valorisés en compost et gravats (44,1%), 236 kg sont incinérés (43,7 %), les collectivités et industriels parlant pudiquement de « valorisation énergétique ». Les 12 % restants ne sont pas encore valorisés. Ce sont essentiellement des encombrants ou des DMS (déchets ménagers spéciaux), qui sont enfouis ou traités. Enfin moins de déchets ? On le sait, la coupe est pleine. Mais, depuis trois ans, les tonnages collectés sont à la baisse. C’est léger (-2,7 % pour le verre et ‑2 % dans les déchetteries), voire très léger (-0,5% pour les poubelles grise et verte) mais les niveaux de 2012 ont rejoint ceux de 2010. Triés puis… incinérés. Près de 115 000 tonnes de déchets issus des poubelles grises et vertes, arrivent chaque année au centre de tri d’Athanor à La Tronche. Plus de 70 000 tonnes finiront dans l’incinérateur, essentiellement des déchets issus de la poubelle grise qui n’ont pas leur place dans le centre de compostage. 1 déchet sur 2 recyclé. Sur les 28 000 tonnes de déchets jetés dans la poubelle verte, donc à priori recyclables, seules 17 000 tonnes pourront être recyclées après passage au centre de tri. Boucle pas bouclée. Ce n’est pas parce que vous avez apporté vos rebuts en déchetteries que la boucle de l’économie circulaire est bouclée. Ainsi, 63 % des déchets y sont recyclés, 30 % finissent en décharge, 6 % sont incinérés. Les recyclés. Le verre (8 615 tonnes), les cartons et papiers (203 tonnes), les matériaux (32 831 tonnes), l’aluminium ( 84 tonnes) et l’acier (825 tonnes). Les valorisés. Les gravats pour le BTP (23 164 tonnes), les matières traitées et le compost (13 721 tonnes) et les déchets végétaux (20 876 tonnes). Les traités. Les DMS, batteries et piles (464 tonnes), les mâchefers et résidus issus de l’incinération (19 370 tonnes). Les incinérés. Les 95 000 tonnes d’ordures ménagères de la Métro (175 000 tonnes, si l’on ajoute les déchets hors Métro), incinérées, fournissent de la chaleur (324 294 MWh) et de l’électricité ( 36 059 MWh). De quoi alimenter un tiers des besoins du réseau de chauffage urbain qui dessert 90 000 équivalents logements, argue la Métro. Un argument balayé par les opposants à l’incinération qui dénoncent une pratique polluante à l’efficacité énergétique limitée. Les enfouis. Les REFIOM, résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères (4 578 tonnes), les monstres (4 tonnes), les refus inertes de compostage (7 585 tonnes), les encombrants, l’amiante et les déchets de voirie (19 101 tonnes).