Le moins que l’on puisse dire est que le sort des habitants des îles Kiribati, qui ont alerté pendant la pause estivale l’opinion mondiale sur leur situation devenue critique, ne nous bouleverse pas. Mais parions qu’il en sera autrement lorsqu’une partie des habitants de nos îles bretonnes et vendéennes devront, face à la montée inéluctable des eaux, rejoindre le continent pour devenir à leur tour des réfugiés climatiques.
Multiplication des phénomènes extrêmes Et l’échéance n’est plus très lointaine, si l’on met en perspective les effets de la tempête Xynthia et sa cohorte de drames et de malheureux qui ont vu le ciel et la mer leur tomber sur la tête ; phénomène sans doute exceptionnel mais étroitement lié au dérèglement actuel. La multiplication de ces phénomènes extrêmes, quantifiés par les statistiques des compagnies d’assurance et de réassurance qui couvrent le risque « catastrophe naturelle », ne peut être sérieusement contestée.Avec son agglomération de près d’un demi-million d’habitants, appliquons ce pourcentage à notre région grenobloise et nous arrivons au chiffre impressionnant de 175 000 personnes qui nieraient le rôle de la race humaine dans les bouleversements que notre planète connaît depuis la révolution industrielle qui a démarré au 18ième siècle.
Les scientifiques ont donné à ce phénomène le nom un peu barbare d’anthropocène*. En résumé, l’impact sur l’environnement planétaire des modifications, des prélèvements et des rejets humains l’emporterait sur les facteurs et fluctuations naturels, en particulier au niveau du climat et des grands équilibres de la biosphère. Notre espèce désormais dominante modifierait l’équilibre naturel qui a favorisé son émergence… pour conduire à sa propre perte ?Adepte de science-fiction, il m’a fallu reconnaître que le futur de la Terre décrit dans les dernières productions que sont Elysium, After Earth, Cloud Atlas ou Oblivion, pour ne citer qu’elles, ne ressemble pas à un tableau idyllique : à les regarder, notre monde deviendra inhabitable et les survivants seront confrontés à des conditions de vie apocalyptiques, quand les plus chanceux (ou les plus riches) auront pu le fuir et se mettre à l’abri. Si ces auteurs ont le même sens de prémonition qu’un Jules Verne, on peut légitimement s’inquiéter.
« Après moi le déluge » ? Mais revenons au questionnement initial : un tiers de nos congénères grenoblois seraient donc adeptes, sans le savoir, de cette fameuse phrase attribuée à Louis XV « après moi le déluge » ? Doit-on s’en désoler, s’en emparer et lutter avec opiniâtreté contre ce refus de l’évidence ? A ce stade, une autre réflexion vient se superposer. Elle s’impose à l’écologiste convaincu, à l’engagé au service de la protection de notre environnement local, en recherche permanente de sens et d’efficacité dans son combat quotidien. N’y‑a-t-il pas une faille grandissante dans le message dit « écolo » ? La vérité scientifique sur laquelle il s’appuie, qui devrait emporter l’adhésion du plus grand nombre tant elle semble claire et évidente, aboutit paradoxalement à l’effet inverse de celui recherché. Il semble que son caractère anxiogène soit une des clefs de compréhension à mettre au débit de ce paradoxe. Le syndrome du Titanic, qui avait permis à Nicolas Hulot de devenir avec sa fondation un des acteurs majeurs du Grenelle de l’Environnement, ne fait plus recette. La structure sociologique de ces climato-sceptiques, telle qu’elle est dévoilée par les auteurs de l’étude du CGDD, nous apporte une autre clef qui devrait interpeller le politique : la plupart des climato-sceptiques sont majoritairement, soit des personnes âgées, soit des personnes non diplômées, les plus fragiles en période de crise économique, mais dont le poids électoral est déterminant quand on connaît l’écart infime qui sépare depuis des années les candidats aux élections majeures en France.Avec pour conséquence un rejet dans les mêmes proportions de solutions pourtant simples et qui devraient être consensuelles, comme l’abandon du nucléaire (évident après les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima) au profit des énergies renouvelables les moins impactantes (éolien et photovoltaïque), la taxation du diesel (dont on a découvert les impacts redoutables sur la santé humaine) ou la lutte à prioriser contre tous nos gaspillages énergétiques, d’espaces ou de ressources naturels.
Convaincre ses voisins ?